À L’EARL de Malagenc, aux petits soins des chèvres pour avoir du lait
Arnaud Cormouls soigne ses 330 chèvres qui produisent chacune plus de 1 050 litres de lait par an. Une attention de tous les instants qui permet une productivité nécessaire pour financer l’alimentation.
Arnaud Cormouls soigne ses 330 chèvres qui produisent chacune plus de 1 050 litres de lait par an. Une attention de tous les instants qui permet une productivité nécessaire pour financer l’alimentation.
En haut de cette colline aveyronnaise, l’EARL de Malagenc abrite des chèvres depuis 2007. « La collecte en lait de brebis s’est arrêtée en 2007 et, comme j’avais fait des stages en caprin, on s’est lancés avec mes parents. J’étais encore étudiant, raconte Arnaud Cormouls. Quand je me suis installé officiellement en 2012, nous avions 230 chèvres et 35 vaches limousines. » Depuis, le troupeau n’a cessé de grandir avec toute une série d’aménagements et de modifications.
Aujourd’hui, avec 330 chèvres et 50 limousines sur 76 hectares, l’atelier caprin n’est autonome en fourrage qu’à 76 %. « Selon les années et les opportunités, j’achète du Rumiluz ou de la luzerne à des voisins », explique Arnaud Cormouls qui cultive par ailleurs de l’herbe, du maïs et de la luzerne. En début de lactation, les chèvres reçoivent 3 kg de maïs ensilage, 500 g de Rumiluz, du foin séché en grange et 1,5 kg d’aliments. Après le pic de lactation, le maïs ensilage est remplacé par de l’enrubannage et 200 grammes de maïs grain. L’aliment distribué est fabriqué à la carte par l’EURL Covinhes, un fabricant situé à 15 km de la ferme. « C’est un assemblage de granulés prémélangés que je remélange avec la distributrice, détaille Arnaud. La formulation reste stable, et je préfère avoir de la régularité pour mes chèvres. »
En changeant de fournisseur pour ces aliments à base de drèches, de lin, de tourteau de colza ou soja, de farine d’orge et de maïs, l’éleveur estime un gain de 14 centimes d’euro par chèvre et par jour.
Une cellule supplémentaire au séchoir dix ans après
Mais l’alimentation reste coûteuse. En 2021, c’était 281 euros les 1 000 litres mais, en 2022, on est à 357 euros, soit plus de 115 000 euros d’aliments. Un coût alimentaire qui reste élevé pour un élevage qui cherche l’autonomie.
Pour gagner en autonomie, le séchage en grange a été installé en 2014. Mais, dès le départ, l’investissement est sous-dimensionné avec une capacité de 80 tonnes . « J’avais prévu de le faire trois fois plus grand, mais nous sortions de la crise laitière et nos capacités financières étaient limitées », regrette amèrement Arnaud Cormouls. Grâce à beaucoup d’autoconstructions, le coût de construction du bâtiment est limité à 83 000 euros en comptant la griffe achetée d’occasion. « Aujourd’hui, avec l’inflation, pour rallonger le bâtiment de 12 mètres, c’est le prix du bâtiment de 30 mètres en 2012 », s’étonne l’éleveur qui va quand même investir pour ajouter une cellule de séchage supplémentaire et finir de mettre le double toit qui permet d’utiliser de l’air de séchage un peu plus chaud.
Des lactations longues pour avoir moins de mises-bas
Autre investissement récent, la salle de traite de 14 postes à barre lisse a été remplacée par une 24 postes avec un système Eurostalle qui distribue des aliments et bloque les chèvres au cornadis. « Les chèvres rentrent beaucoup plus vite qu’avec les barres lisses, apprécie l’éleveur de 33 ans. Je suis passé de deux heures et demie par traite à une heure et demie. » De quoi soulager un élevage où le travail d’astreinte frôlait les huit heures par jour !
L’investissement dans une pailleuse tractée Calvet et dans une distributrice automotrice de fourrage a aussi permis de se simplifier le travail quotidien. « Je mets une heure le matin pour pailler et distribuer l’ensilage ou l’enrubannage et le foin issu du séchage. Il me faut aussi une demi-heure le soir pour redonner du foin », évalue-t-il. Mais la multiplication des types de fourrages, et donc du matériel de distribution associé, ne facilite pas le remplacement de l’éleveur dans son travail.
Autre simplification : les lactations longues. En passant environ la moitié du troupeau en lactation longue, l’éleveur a diminué le travail en janvier-février, et il n’a plus besoin d’utiliser le salarié de la Cuma un mois par an au moment des naissances. Les lactations longues permettent aussi d’avoir du lait quand les prix sont les plus élevés. Il touche ainsi une prime de 10 euros de sa coopérative Terra Lacta, car plus de 18 % de ses 325 000 litres de lait sont livrés le premier trimestre.
Des chevrettes bien nourries pour avoir du gabarit
Au moment des mises-bas, l’éleveur préfère donner le colostrum par une sonde plutôt que par un biberon. « C’est un gain de temps, explique Arnaud Cormouls. Le temps que j’en passe quinze à la sonde, je n’aurais pu donner que trois biberons. Je suis sûr qu’ils ont le ventre rempli de colostrum thermisé et qu’ils partent déjà dans la vie avec de l’immunité. »
« Les chevreaux sont moins malades et ont moins de colibacilles », renchérit Marie Fournier, technicienne à la chambre d’agriculture. Pour mettre directement le colostrum dans le ventre des chevreaux, l’éleveur a bricolé un astucieux système avec un bol gradué, une pompe d’aquarium et un long tuyau souple. « Je pèse le chevreau, je le pose sur un bois, un vieux râtelier en fait, j’introduis le tuyau, j’actionne la pompe et je ne libère que quand le volume correspondant à 10 % de son poids est dans son estomac. »
Tous les modes de récolte (foin, enrubannage, ensilage) sont présents sur la ferme
Les chevreaux reçoivent aussi 2 ml de micro-organismes efficaces (EM par Agriton – voir encadré). Par la suite, les chevreaux reçoivent du kéfir pendant quinze jours. Un bâtiment tunnel isolé accueille l’élevage des chevrettes. L’éleveur pèse régulièrement les animaux et les allote en fonction de leur poids. À 860 mètres d’altitude, il peut faire frais en janvier-février. Un brûleur au fioul réchauffe alors rapidement le tunnel. Les chevrettes ont toujours du lait à disposition. « Je ne les sèvre pas ; elles arrêtent d’elles-mêmes de téter. » Elles ont aussi de l’aliment à volonté avant de les rationner à 800 grammes par jour. Avec un flushing d’avoine aux mois d’août et septembre, les chevrettes ont un beau gabarit.
Finalement, grâce à ces petits soins, un investissement régulier dans la génétique, une alimentation généreuse et régulière, le niveau moyen du troupeau dépasse les 1 050 litres par chèvre. L’éleveur croit aussi aux vertus de la tranquillité du troupeau. « Je ne suis pas toujours en train de les trier », explique l’éleveur qui n’a que deux lots, un lot de lactations longues et les autres. Tranquille et régulier pour une production de qualité.
EARL de Malagenc 12 DH 2023 (64)
« Un élevage efficace grâce à un suivi régulier »
L’avis d’expert de Marie Fournier, technicienne caprin à la chambre d’agriculture de l’Aveyron.
« La régularité de l’alimentation et le temps passé tous les jours auprès des chèvres permettent d’avoir un bon niveau de production. L’éleveur ne fait l’impasse sur rien, et cela finit par payer. Par exemple, sur les sols, il fertilise en mettant de l’engrais et des oligo-éléments ; cela lui permet d’avoir jusqu’à 14 tonnes de matière sèche de maïs par hectare. Toujours en questionnement, Arnaud Cormouls cherche à s’améliorer en permanence. Il reste quand même des pistes d’économies, en distribuant moins de lait au moment du sevrage, par exemple, ou même en réduisant le nombre de vaches allaitantes. Avec un double troupeau, le travail est d’envergure même s’il peut compter sur l’aide occasionnelle de ses parents et sur une mécanisation importante. Par exemple, la distribution du foin séché en grange, de l’enrubannage et du maïs ensilage se fait avec trois appareils différents. Mais, même achetée d’occasion, la mécanisation a un coût et l’exploitation traîne encore de lourdes charges d’investissement qui la limite dans ses capacités d’investissement. »
Des micro-organismes sur le fumier, dans la panse et sur les mamelles
Arnaud Cormouls croit aux vertus des micro-organismes EM qu’il utilise largement dans son élevage. « En saturant le milieu avec de bonnes bactéries, les micro-organismes pathogènes ont moins la place de se développer et de nous causer du tort », explique l’éleveur. Dès la naissance, les animaux reçoivent quelques millilitres de cette solution liquide. Plus tard, les chevrettes ou chèvres les moins en forme en ont également en automédication. « J’en épands à l’arrosoir sur le ballot avant de pailler. Après le vide sanitaire des chevrettes, j’en épands du sol au plafond dans le tunnel d’élevage. » À la fin de la traite, l’éleveur en pulvérise aussi sur les trayons afin de tenter de limiter le nombre de cellules. Le fumier reçoit aussi sa dose de micro-organismes. « En mettant de l’EM et en bâchant le tas de fumier, un essai chez un voisin avait montré qu’il favorisait la fermentation des matières organiques et libérait dans le sol un tiers d’azote en plus », assure-t-il. L’éleveur utilise deux à trois bag-in-box de 250 litres par an, vendu à 600 euros pièce.
Une partie de la litière avec du bois broyé
Après avoir testé avec succès le Cabri’lit, Arnaud Cormouls fabrique sa propre litière en broyant les grosses branches des chênes qui poussent sur le parcours boisé au-dessus de l’exploitation. « Une broyeuse d’un entrepreneur agricole vient une fois par an et, en une demi-heure, je transforme les branches en un volumineux tas de copeaux de bois que je bâche aussitôt. » Les copeaux servent de sous-couche aux chevrettes ou près des cornadis des chèvres. « Contre 200 euros de prestation et un peu de temps passé, j’économise environ un camion de paille à l’année. Ce n’est pas négligeable alors que j’en dépense pour plus de 10 000 euros par an. »