L’affouragement en vert pour leurs chèvres grâce à l’irrigation
Au Gaec Debenest, les chèvres ont le droit à de l’herbe verte sans bouger de leur bâtiment. Les éleveurs ont investi dans l’affouragement en vert permis par l’irrigation de leurs parcelles.
Au Gaec Debenest, les chèvres ont le droit à de l’herbe verte sans bouger de leur bâtiment. Les éleveurs ont investi dans l’affouragement en vert permis par l’irrigation de leurs parcelles.
Au sud de Poitiers dans la Vienne, à Brux, le Gaec Debenest est en train d’être transmis des parents aux enfants. Maxime et Adrien Debenest, respectivement 34 et 31 ans, prennent la suite de leurs parents, proches de la retraite, pour conduire les 700 chèvres dont le lait est livré à Terra Lacta. Ils sont également cultivateurs de blé, orge, maïs et tournesol dont toute la production est vendue. Adrien a rejoint l’exploitation familiale en 2018, précédé de dix ans par son aîné. Pour autant, Jean-Denis, le père, reste très investi dans la conduite de l’exploitation et enclin aux investissements. Jusqu’à fin 2014, les éleveurs étaient régulièrement contraints de faire appel à une société pour faire de l’enrubannage sur les parcelles de repasse, impossibles à ramasser en foin sec à l’automne. Cette sous-traitance faisant augmenter leurs coûts alimentaires, ils se sont décidés à franchir le pas de l’affouragement en vert en 2015, après une visite au Space, à Rennes. Ils optent alors pour une autochargeuse Jeulin de 24 mètres cubes. « Il faut avant tout que ce soit calibré à la taille du troupeau », explique Maxime Debenest. En effet, en un seul passage matin et soir, les 700 chèvres de l’exploitation sont servies. L’économie se fait aussi sur les consommables liés à l’enrubannage (ruban, filets et ficelles) qui ne sont plus autant utilisés.
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« Avec le recul, nous aurions dû choisir un modèle avec pesée intégrée, reconnaît le jeune homme. Heureusement nous pouvons aller régulièrement chez un voisin céréalier qui dispose d’une bascule. Cela nous permet d’avoir une idée précise de la quantité d’aliment distribuée et de pouvoir comparer nos relevés en fonction des années et de la météo. » La machine est équipée de disques à pierre qui coupe assez haut les fourrages et est tirée par un petit Massey. « Il faut bien organiser les journées, surtout lors des pics de travail car l’autochargeuse mobilise un tracteur. C’est assez pénible de devoir atteler et dételer la machine juste pour l’alimentation des animaux. »
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L’affouragement en vert s’est imposé aux Debenest par la stratégie avec une autonomie fourragère à 100 % et la configuration de l’exploitation. Les parcelles sont regroupées à proximité du bâtiment d’élevage et sont irriguées. « L’idée était de diminuer notre coût d’aliment en allant chercher de l’herbe fraîche de mars à novembre, sans avoir à déplacer les chèvres ni à courir le risque du parasitisme », développe Jean-Denis Debenest. Ce dernier rappelle au passage que l’affouragement en vert était une pratique largement répandue jadis. Les économies réalisées sur la ration permettent de rembourser l’autochargeuse et le petit tracteur d’occasion dédié à celle-ci. La chance pour cette famille d’éleveurs, c’est d’avoir des terres portantes, leur permettant ainsi d’aller très régulièrement sur les parcelles sans tasser outre mesure le sol. Néanmoins, l’affouragement en vert est plus tributaire de la météo que le recours au foin sec.
La luzerne est récoltée précoce pour moins de tri
Au printemps, les éleveurs vont chercher l’alimentation des chèvres sur les 10 à 15 hectares de mélange de ray-grass-trèfle. « Il faut savoir jongler avec les parcelles selon l’appétence de la végétation, le stade de développement des plantes, les hauteurs d’herbe. » Ils sèment également 40 ha de luzerne, dont 17 irrigués, pour pouvoir la récolter avec l’autochargeuse quand elle est encore jeune et tourner rapidement d’une parcelle à l’autre. « Quand la luzerne est amenée à un stade trop avancé aux chèvres, les tiges sont trop dures et il y a des refus », indique Maxime. La première coupe se fait donc début mai.
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Les éleveurs récoltent aussi du trèfle violet, pour sa richesse en protéines, distribué aussi bien en vert qu’en sec. Ils ont remarqué que les chèvres étaient particulièrement friandes du colza fourrager. Il est semé derrière les céréales, en dérobée. Deux mois après, aux alentours de la mi-octobre, il intègre la ration des chèvres. Si celles-ci font la fine bouche quant à la luzerne si elle est apportée mouillée, elles n’ont aucun problème pour consommer du colza fourrager « qui goutte ».
Être vigilant sur l’entretien et la pluie
Avec l’autochargeuse, il ne faut surtout pas tomber en panne préviennent les éleveurs. « Toute notre stratégie alimentaire est réfléchie autour de la machine. Nous sommes très vigilants quant à l’usure des pièces. Et, malgré cela, nous avons remplacé déjà deux fois le cardan en six ans d’utilisation. » En moyenne, ils reconnaissent dépenser au moins 500 euros tous les deux ou trois ans, sans compter le renouvellement des disques à pierre, qui coûtent 200 euros pièce.
L’autre point de vigilance est la gestion de l’eau, « nous avons la chance de pouvoir irriguer une partie de nos cultures. Cependant, nous sommes attentifs à la pluie. » C’est un élément clef dans le système qui leur permet d’apporter de l’herbe toujours verte et la plus fraîche possible aux chèvres. « Sans l’irrigation, nous ne ferions pas d’affouragement en vert et nous serions toujours sur de l’enrubannage », explique Maxime Debenest.
De l’enrubannage pour compléter l’affouragement en vert
Pour compléter la ration lorsque l’affouragement en vert n’est pas disponible, les éleveurs distribuent du foin et de l’enrubannage. « À vrai dire, lors des fortes périodes de travail comme les moissons, cela nous arrive de distribuer de l’enrubannage pour ne pas s’astreindre à devoir aller chercher de l’herbe et gagner du temps dans nos journées qui sont déjà très chargées à cette période », reconnait Maxime Debenest.
Petit bémol cependant, les chèvres du Gaec étant conduites en désaisonnement, le pic de lactation arrive après la période d’affouragement en vert. Les chèvres en pleine production ne bénéficient donc pas des bienfaits de l’herbe fraîche. Les besoins du Gaec en foin sont tout de même largement couverts par la production des 42 hectares.
Sans autoconsommation de concentrés, la ration coûte cher
Le gaec Debenest est autonome en fourrage, mais il a fait le choix d’acheter tous les concentrés. Une stratégie qui augmente le coût de la ration.
Une économie de concentrés de 28 000 euros par an
Bien que l’affouragement en vert permette d’économiser près de 28 000 euros par an en aliment, le fait que tous les concentrés soient achetés à l’extérieur provoque un coût alimentaire assez important, soit 280 euros pour 1 000 litres de lait. Le Gaec produit des céréales mais les associés ont fait le choix de vendre toute leur production et de racheter de l’aliment par ailleurs. Le guide de l’affouragement en vert indique des coûts alimentaires pour un système équivalent plutôt compris entre 189 et 195 euros pour 1 000 litres. Cependant, le surcoût alimentaire du Gaec engendre une production laitière supérieure (1 038 litres par chèvre) à celle indiquée dans ce guide publié par l’Institut de l’Élevage (entre 880 et 899 litres par chèvre).
Le lait et la génétique dans les revenus
Avec une conduite du troupeau en désaisonnement et des mises bas prévues entre fin août et début septembre, les associés du Gaec visent une meilleure rémunération du lait. En 2020, ils ont touché 773 euros des 1 000 litres en hiver, soit 150 euros de plus que sur le prix d’été. Sur la zone, ils sont tout de même dans la fourchette inférieure, plombés un peu par les cellules et par les taux. Le Gaec Debenest se tourne vers la lactation longue, passant de 180 chèvres en 2020 à 300 ou plus en 2021. « Cela représente moins de travail, moins de chevrettes à élever et pas de problème avec les chevreaux qui ne se vendent plus, confie Jean-Denis Debenest. Enfin, les chèvres en lactation longue semblent moins souffrir des coups de chaud. »
Moins de chevreaux, plus de reproducteurs
Une partie du troupeau est en insémination artificielle, soit 110 chèvres. « Nous cherchons à améliorer les taux et la conformation des mamelles, avec pour objectif de ne plus acheter de boucs à l’extérieur », explique Maxime Debenest. Plus d’achats, mais toujours de la vente de reproducteurs qui amène un revenu complémentaire pas négligeable, qui représente autour de 7 % du produit total de l’atelier caprin. Avec le faible prix du chevreau cette année, ils ont réussi à en valoriser une cinquantaine en boucs. Les leurs ne restent que deux ans sur l’exploitation (un an pour les multipares et un an pour les chevrettes) puis sont à leur tour vendus.
Les coûts de production de l’atelier caprin