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La filière caprine prend en compte le bien-être animal

L’interprofession caprine s’est emparée de la question du bien-être animal en se concertant avec des associations. Elle a notamment réfléchi à la question de l’accès des chèvres à l’extérieur.

Comme les autres filières d’élevage, la filière caprine se veut à l’écoute de la société civile. Les mentalités changent, les consommateurs s’interrogent de plus en plus sur les conditions de production des produits qu’ils achètent et le bien-être animal est devenu un vrai sujet de préoccupation pour le grand public. Les éleveurs, toutes filières confondues, sont plus que jamais interpellés sur leurs pratiques d’élevage et la filière caprine ne fait pas exception. C’est pourquoi, même si le bien-être animal a toujours été au cœur du métier d’éleveur, la filière caprine a décidé d’aller plus loin sur ce sujet, avec pour objectif d’entraîner l’ensemble de ses opérateurs dans une dynamique d’amélioration volontaire et mesurée des pratiques qui tient compte des contraintes du métier.

Interpellée par Welfarm sur la question du pâturage début 2017, l’Anicap a lancé une concertation avec trois ONG prônant le bien-être animal : CIWF France, LFDA et Welfarm. L’objectif de cette concertation est de faire un état des lieux du bien-être des chèvres laitières en France et, dans le cas de consensus, de mettre en place des plans d’action pour le faire évoluer. Le processus de concertation est animé par une éthologue.

L’accès à l’extérieur doit prendre en compte les contraintes de la ferme

La première thématique retenue par le groupe de concertation est l’accès aux pâturages des animaux de la filière. Depuis janvier 2018, cinq réunions de travail ont eu lieu sur la thématique de l’accès à l’extérieur des chèvres laitières. Le groupe de concertation s’accorde pour dire que l’accès à l’extérieur dans un environnement de qualité est important pour le bien-être des chèvres. Mais l’accès à l’extérieur recouvre différentes modalités, ce peut être l’accès à des pâtures ou uniquement à une aire d’exercice qui permet quand même aux animaux d’évoluer dans un environnement extérieur plus riche en stimulations. Avec un accès à l’extérieur, les chèvres peuvent choisir entre différents environnements, disposent de plus d’espace et ont la possibilité de mieux exprimer leurs comportements naturels.

Le groupe de travail préconise (sans vouloir l’obliger) de prévoir un accès à l’extérieur dans la création de nouveaux bâtiments ou le réaménagement de bâtiments existants. Cet accès à l’extérieur doit bien sûr prendre en compte les particularités de l’exploitation : accès au foncier, aménagement de pâtures ou de l’aire d’exercice, respect des réglementations existantes… Il doit aussi prendre en compte la gestion du parasitisme, l’alimentation au pâturage ou l’organisation du travail.

Des aménagements pour améliorer l’intérieur des bâtiments

Le groupe de concertation souhaite une évolution des pratiques vers l’accès à des pâtures de qualité, c’est-à-dire une pâture qui offre des ressources alimentaires suffisantes pour couvrir les besoins nutritionnels des chèvres et un milieu de vie diversifié. Cette pâture avec une flore abondante, diversifiée et étagée permet aux chèvres de satisfaire leurs besoins comportementaux. Pour le groupe, lorsque la mise en place et la gestion de telles pâtures s’avèrent impossibles, il est souhaité que les chèvres aient accès à une aire d’exercice extérieure. Le groupe de concertation est conscient des difficultés que peuvent rencontrer les éleveurs et que, dans certains cas, aucun accès à l’extérieur satisfaisant ne peut être aménagé. Il importe, pour ces élevages aussi, de veiller au bien-être des chèvres dans le bâtiment. Le groupe de concertation s’attachera ainsi à formuler des préconisations sur ce sujet.

Les échanges avec les ONG vont se poursuivre notamment sur les aménagements du bâtiment ou les modalités possibles d’aires d’exercice. L’objectif est d’établir des propositions concrètes (sous forme de guide par exemple) pour améliorer le bien-être des chèvres laitières pour la fin 2019 – début 2020.

Un projet de recherche pour objectiver le bien-être animal

Pour étayer ses propositions, l’interprofession caprine apporte un soutien financier au projet de recherche Goatwell qui a pour but d’objectiver, en vue de les améliorer, le bien-être animal et la biosécurité pour renforcer la santé des chèvres et plus largement leur robustesse. Il s’agit d’un travail multi-acteurs avec la filière et les professionnels de santé animale mené conjointement par l’Inra, l’Anses et l’Institut de l’élevage.

Le projet GoatWell veut notamment définir un set complet d’indicateurs du bien-être et de la santé des chèvres chez le jeune et l’adulte élevés exclusivement en bâtiment ou ayant des périodes d’accès à l’extérieur (pâturage, aire d’exercice). Une fois validé, ce protocole sera disponible sous deux formes : une forme simplifiée utilisable par les éleveurs et les techniciens conseils afin d’objectiver et de monitorer des situations d’élevage et une forme plus complète (incluant notamment des indicateurs physiologiques) utilisable dans un contexte de recherche.

Des bonnes pratiques à intégrer dans le Code mutuel

En septembre 2020, à l’issue de ce projet, les pratiques les plus prometteuses pourront être testées en fermes et l’évaluation portera notamment sur l’immunité, la santé, les performances des chèvres et l’usage des antibiotiques.

L’Anicap précise que ces préconisations et référentiels constitueront un socle de base. Elles seront accessibles à tous les éleveurs en n’en excluant aucun. Ces préconisations veulent ainsi prendre en compte la typologie des élevages existants et de leur capacité d’adaptation. Les indicateurs de bien-être animal devraient aussi intégrer le référentiel qu’est le Code Mutuel des bonnes pratiques d’élevage dont une nouvelle version pourrait être mise au point d’ici fin 2021 ou 2022.

« Du dialogue pour évoluer progressivement »

Franck Moreau, vice-président de la Fnec © D. Hardy
 « Suite à une interpellation de Wellfarm, nous avons commencé cette médiation avec les associations wellfaristes qui ne rejettent pas l’élevage. On ne peut pas ainsi pas travailler avec L214 ou 269 Life qui a pour objectif d’abolir l’élevage. Nous étions conscients du décalage entre la réalité des élevages et l’image que s’en fait l’opinion, c’est-à-dire celles des chèvres d’Heidi dans la montagne… Ce qui nous a le plus inquiétés, c’est que ces associations mettent la pression sur la grande distribution. Or, on préfère qu’ils traitent avec l’interprofession plutôt qu’avec la grande distribution qui nous imposerait ses contraintes. Eurial, qui avait commencé à échanger sur ces sujets avec CIWF, est heureusement revenu dans des discussions communes à la filière. L’Anicap a fait appel à une éthologue qui assure la médiation avec des règles communes de fonctionnement, notamment le respect des personnes et des propos et confidentialité. Nous avons pris l’engagement de ne pas nous nuire et de dialoguer plutôt que de stigmatiser. Nous avons aussi clairement annoncé que l’on ne pouvait pas imposer le pâturage et que nous ne voulions pas de segmentation, pour ne pas exclure ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas pâturer.

Il faut que nous avancions sur ces sujets de société

Sur la question du pâturage, nous avons fait appel à des spécialistes de l’Inra et de l’Institut de l’élevage qui ont expliqué que la chèvre n’est pas une vache et, qu’étant plus cueilleuse que brouteuse, elles avaient moins de protections naturelles contre les parasites. Nous avons aussi visité quatre élevages de Centre-Val de Loire : des pâturants qui avaient arrêté, des pâturants avec des problèmes parasitaires, des éleveurs qui n’ont pas de pâturage à côté et un pâturant à 1 400 kg par chèvre et par an. De leur côté, ils nous ont expliqué les cinq libertés des animaux et la question du pâturage a dévié sur celle de l’accès à l’extérieur. Les organismes et de développement vont maintenant travailler à amener des éléments de conseils sur le pâturage et l’accès à l’extérieur. Nous n’avons pas de contraintes de temps mais il faut que nous avancions sur ces sujets de société. Pour ceux qui ne peuvent pas sortir les chèvres, nous allons étudier l’enrichissement du milieu. Dans le futur, nous aborderons d’autres sujets de bien-être animal, sans tabou. Je pense que ce sera un sujet permanent car la société change et il faut changer aussi. Nous faisons déjà beaucoup de choses très bien. Nous ne maltraitons pas nos animaux. Mais il ne sert à rien de s’arc-bouter contre ces associations et ces aspirations de la société. On va prendre le temps d’évoluer par du conseil, des formations ou des recommandations. »

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