Gagner en embauchant
Les éleveurs surchargés délaissent certaines tâches importantes. Or, embaucher ne revient pas forcément si cher. Exemples en Centre-Val de Loire.
Les éleveurs surchargés délaissent certaines tâches importantes. Or, embaucher ne revient pas forcément si cher. Exemples en Centre-Val de Loire.
Confrontés à une hausse d’activités, les éleveurs ont tendance à réduire voire supprimer leurs vacances. Ils compensent en augmentant leur temps de travail quotidien. Fini ensuite les réunions ou les formations. Les investissements de confort sont reportés de même que le travail administratif. « La paperasse n’est pas le plus drôle et ça prend du temps, justifie Nicole Bossis de l’Institut de l’élevage en présentant lors d’un webinaire les résultats d’une enquête auprès des éleveurs du réseau Inosys Centre Val de Loire. Mais certains laissent alors passer les dates limites… »
Dans le troupeau, on reporte la taille des onglons ou le curage. On oublie le recalage de la ration et on laisse filer la gestion des lots. Les travaux d’entretien peuvent être négligés. On balaie et on nettoie moins. En salle de traite, on reporte le contrôle de la machine à traire ou le changement de manchon.
De meilleures performances avec des salariés
Les éleveurs voient bien l’intérêt de l’embauche. « Pour réduire sa charge de travail et prendre le temps de réfléchir », affirment les uns. « Pour gagner en liberté et en disponibilité », répondent d’autres. Les éleveurs voient aussi qu’ils peuvent être plus efficaces en travaillant à plusieurs sur certaines tâches comme le curage. « Nous embauchons pour pouvoir faire face en cas de pépin de santé, explique Sylvain Boiron, éleveur et président du Criel caprin Centre. Nous déléguons surtout les soins aux chevreaux. »
Dans le réseau Inosys du Centre-Val de Loire, 15 éleveurs embauchent et 8 n’ont pas de salarié. Nicole Bossis compare : « Les exploitations avec du personnel ont de meilleures performances avec certes, des charges sociales et salariales plus élevées, mais au final des EBE et des revenus disponibles par UMO exploitant bien meilleurs ». L’emploi n’altère pas l’efficacité économique et cela se vérifie sur des simulations d’embauche.
Un investissement qui baisse les cotisations MSA
Calculant le vrai coût d’un salarié, Nicole Bossis estime qu’une personne embauchée à 1,1 Smic, soit 1 650 euros bruts par mois ou 19 800 euros par an, coûte à l’employeur 23 000 euros. « Les taux de cotisations MSA représentant entre 35 et 40 % du résultat courant, l’embauche d’un salarié est susceptible d’entraîner une diminution de résultats. Selon le niveau antérieur, cela peut faire baisser les cotisations sociales de 7 000 à 8 000 euros pour une charge annuelle de 20 000 euros ». « On pense à baisser la cotisation MSA en investissant dans les machines, mais pas forcément en investissant dans la main-d’œuvre », reconnaît Sylvain Boiron.
Avec davantage de main-d’œuvre, l’éleveur peut se permettre d’augmenter un peu son cheptel. Il peut surtout se dégager du temps pour la surveillance du troupeau et l’amélioration de la performance des animaux. « L’embauche, on la chiffre mais il y a tout ce qui n’est pas chiffrable », conclut Édouard Guibert, éleveur et référent caprin de la chambre régionale d’agriculture, en citant le temps libre ou le partage de la charge mentale.
Jean-François Boumadi, expert-comptable et commissaire aux comptes, Exco Languedoc
« Gare au travail dissimulé »
« Pour anticiper le pic d’activité, il est possible de recruter ou de travailler en collectif. Le coup de main ponctuel et gratuit de la famille est possible mais, pour la MSA, le travail dans une exploitation correspond à un travail et tout travail mérite salaire. Si ce coup de main familiale est toléré, c’est plus compliqué pour l’aide d’un ami. Pour la MSA, l’amitié est toujours intéressée… S’il n’y a pas eu de déclarations aux services sociaux au préalable, cela peut être considéré comme du travail dissimilé. L’entraide entre exploitant peut être une solution mais elle doit être gratuite et réciproque. Avant de la mettre en place, il faut prévenir son assurance et tenir une comptabilité des temps de travaux dans une banque de travail écrite. Le CDD est aussi une solution naturelle pour faire face à un accroissement temporaire d’activité. Il faut établir un contrat de travail écrit, qui précise la durée, le motif, les horaires et la rémunération, et une déclaration préalable à l’embauche avant la date d’embauche. Ces démarches peuvent être simplifiées avec le Tesa, titre emploi simplifié agricole. Attention, le Tesa doit rester agricole et on ne peut, par exemple, pas s’en servir pour vendre en boutique. Il peut être intéressant de se faire accompagner pour rédiger un contrat qui ne pèsera pas sur l’avenir ».
Coté Web
Emploi en élevage caprin en région Centre Val de Loire
La brochure Emploi en élevage caprin en région Centre Val de Loire détaille en 24 pages les intérêts de l’embauche d’un salarié avec des exemples concrets et chiffrés. Des simulations montrent comment l’éleveur gagne non seulement du temps et de la disponibilité mais aussi de l’argent en embauchant. Devenir employeur demandant de nouvelle compétence, ce document réalisé par le réseau Inosys Centre-Val de Loire aborde ensuite le management en s’appuyant sur les témoignages de 12 éleveurs.