Faites confiance à vos fourrages pour rationner vos chèvres
Utiliser davantage de matière première dans la ration peut être intéressant économiquement à condition de garder de la cohérence dans son système.
Utiliser davantage de matière première dans la ration peut être intéressant économiquement à condition de garder de la cohérence dans son système.
Lors du webinaire technique Capr’I Tech qui se tenait dans le cadre du Caprinov numérique, Bertrand Bluet de la chambre d’agriculture de l’Indre et Jean-Marc Jarry de Deux-Sèvres Conseil élevage ont détaillé l’intérêt et les précautions à prendre en établissant la ration des chèvres avec ses propres matières premières.
L’utilisation de ses propres matières premières peut être intéressante économiquement mais cela se calcule… « On ne peut pas partir en se disant que ça sera forcément plus économique, alerte Bertrand Bluet. Cela dépend des coûts des aliments, de leur efficacité et de nombreux autres paramètres. Ce qu’il faut surtout, c’est garder de la cohérence avec les surfaces, le nombre d’animaux, les rotations, le matériel disponible, les capacités de stockage ou la main-d’œuvre disponible ».
Privilégier ses fourrages voir fabriquer sa chèvre laitière
Pour raisonner l’apport de matières premières, il faut bien connaître les besoins de ses animaux et la valeur de ses aliments. Notamment la valeur de ses fourrages qui reste l’élément clé. « Lors de l’analyse des fourrages au laboratoire, il faut bien indiquer de quel fourrage il s’agit », recommande Bertrand Bluet. Dans tous les cas, il est préférable d’avoir des fourrages de bonnes qualités, donc récoltés au bon stade et en conservant les feuilles.
Quand on veut substituer un concentré du commerce par des matières premières, il faut s’intéresser aux UFL, PDI, matière grasse, niveau de fibre et minéraux. « Quand on a bien regardé les équivalences, on regardera le prix pour voir si ça vaut le coup ». Par exemple, on peut reconstituer une chèvre laitière à 0,9 UFL et 26 de MAT pour accompagner une ration à base de maïs ensilé (voir tableau). Il ne faudra pas oublier d’y ajouter les minéraux et les vitamines.
Davantage de ruminations avec les fourrages
En fait, « la substitution se réfléchit plutôt à l’échelle de la ration et parfois on peut simplifier en supprimant un aliment du commerce, décrit Bertrand Bluet. En faisant confiance à ces fourrages, on peut réaliser des économies et assurer une meilleure rumination ». On peut par exemple passer d’une ration avec 0,9 kg brut de bon foin de luzerne, 1,2 kg d’enrubannage de ray-grass italien, 300 g de luzerne déshydratée, 400 g de céréales, 900 de concentrés chèvres laitières à 25 % de MAT et 200 g de correcteur azoté à 38 % de MAT par une ration plus riche en fourrages type 1,5 kg brut de bon foin de luzerne, 1,3 kg d’enrubannage de ray-grass italien, 700 g de céréales, 350 g de correcteur azoté à 38 % de MAT, 100 g de tournesol et des minéraux. Cela nécessite par contre de cultiver davantage de fourrages et donc d’avoir plus de surfaces, plus de stocks, de la main-d’œuvre disponible, l’envie et le savoir-faire.
Des protéines dans les graines
Différentes matières premières peuvent apporter des protéines. On peut ainsi remplacer tout ou partie du correcteur azoté par des fourrages (légumineuses, graminées, crucifères) ou des concentrés (oléagineux, protéagineux). Mais tous ne se valent pas et surtout ne produisent pas autant de protéines à l’hectare. Et là, c’est bien souvent la luzerne qui gagne avec jusqu’à 2,5 tonnes de protéines produites à l’hectare.
Certaines graines ont besoin d’être transformées pour donner tout leur potentiel. Les oléagineux doivent impérativement être pressés. Et pour les protéagineux, alors qu’un pois cru donnera 83 g/KG de PDIE (proche d’un blé), il en donnera 155 en étant toasté. Pour la féverole, si on la toaste comme il faut, on monte également très significativement la valorisation de la protéine. Elle équivaut alors à un mélange de 75 % d’orge et de 25 % de soja ou à un aliment à 18 % de MAT. Il faut cependant veiller à ne pas dépasser certaines limites dans la ration en utilisant ces aliments, notamment à cause de la part totale d’amidon ou de matière grasse. « À ce titre le lupin est une graine formidable car riche en protéines et ne présentant pas de limites d’incorporation, apprécie Bertrand Bluet, mais il faut la produire ou la trouver ».