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Faire face à la hausse des charges en élevage caprin

Plus de 100 participants ont assisté à la journée des partenaires organisée par le Brilac début juillet. L’occasion de faire le point sur le contexte économique et remettre en avant plusieurs leviers d’actions pour faire face à la hausse des prix.

l'aliment acheté représente plus de 50 % du panier de charges des ateliers caprins.
© V. H.-Q.

« La hausse des matières premières commencée dès juin 2020 s’est amplifiée en 2021, avant de connaître un sommet à partir de mars 2022, a rappelé Géraldine Verdier, animatrice du Brilac, en introduction de la journée des partenaires organisée début juillet à distance. Entre chaos sanitaire, climatique et géopolitique, et une demande mondiale bien orientée sur plusieurs années selon la FAO et l’OCDE, la Banque mondiale anticipe des prix élevés jusqu’en 2024. » Mickaël Lamy, président du Brilac, a souligné les conséquences de ce contexte économique, importantes sur les élevages et pénalisantes les projets d’installation. « Nous devons donner de la visibilité aux porteurs de projet et chaque maillon de la filière doit les accompagner au mieux. »

« Accompagner les jeunes et futurs installés est un enjeu majeur pour notre filière. Nous devons leur donner de la visibilité »

« À court terme, les éleveurs les plus impactés par la hausse du prix des aliments peuvent bénéficier du plan de résilience mis en place par le gouvernement, relayé par l’augmentation du prix du lait, a exposé Nicole Bossis de l’Institut de l’élevage. Il est plus que jamais indispensable d’établir un prévisionnel de trésorerie, et pour chacun, de poursuivre l’optimisation et l’amélioration de la rémunération aux 1000 litres pour gagner en robustesse. L’autonomie alimentaire, la disponibilité en foncier, la production de fourrages de qualité… sont des enjeux majeurs pour la filière. »

Piloter son troupeau avec précision

« Que ce soit au niveau du pilotage du troupeau, de l’alimentation, de la qualité des fourrages ou encore de l’autonomie alimentaires, plusieurs leviers techniques peuvent être actionnés pour réduire l’impact de la hausse des charges », a rappelé Romain Lesne, de l’Ardepal (association régionale de développement des élevages de petits animaux en Limousin). L’objectif est de distribuer les bonnes quantités d’aliments et d’optimiser leur valorisation par les animaux. Ainsi, avoir un troupeau ou des lots homogènes (poids des chevrettes, production des chèvres) et gérer rigoureusement et régulièrement les réformes (chèvres improductives, échecs de reproduction…) permet de bien ajuster la complémentation à la production et de la faire évoluer au cours de la lactation. Attention à ne pas oublier de recalculer les apports à chaque évolution de la taille des lots. Il faut vérifier régulièrement la cohérence entre quantité de concentré prévue et quantités réellement distribuées, peser les aliments, et tarer les outils de distribution.

Faire confiance à ses fourrages

Au niveau de la qualité des aliments distribués, il est très utile d’analyser ses fourrages, à condition de faire confiance à leurs valeurs et à la capacité des chèvres à les valoriser. On retrouve ici différents leviers mis en avant dans Cap’Protéines (projet qui vise à accroître l’autonomie protéique des élevages de ruminants et des territoires). L’objectif est de récolter de la valeur alimentaire plutôt que du rendement en implantant, par exemple, des prairies multiespèces avec de bonnes proportions de légumineuses (meilleure longévité, moins d’intrants, plus de valeurs nutritionnelles…), ou en produisant ses céréales, du méteil grain…

Si le foncier ne permet pas de produire ses fourrages, Romain Lesne conseille de viser des achats de fourrages de qualité plutôt que des concentrés et d’utiliser des matières premières, des coproduits (drèches, pulpes…).

Côté logistique, bien ranger ses fourrages en fonction de leur qualité et les repérer facilite leur distribution au bon moment (ex : meilleurs fourrages pour les chèvres en début de lactation).

Gérer une trésorerie tendue

« Pour la gestion de la trésorerie des exploitations, la prévention est primordiale, que ce soit à l’installation ou lors d’investissements, a rappelé Sandrine Buttner de la Chambre agriculture de Bretagne. Plusieurs outils peuvent être activés : différés de prêts, autofinancement, adaptation des lignes de trésorerie par rapport au besoin en fonds de roulement. Sur ce dernier point il faut partir sur un mois de chiffre d’affaires. »

La conseillère insiste aussi sur le fait de ne pas négliger les assurances. Être non-assuré ou sous-assuré peut peser sur la trésorerie, en cas de remplacement par exemple.
Pour les élevages déjà installés, il faut déterminer si les difficultés de trésorerie sont ponctuelles ou structurelles. « En cas de tensions liées à un aléa ou la conjoncture, nous conseillons d’éviter l’autofinancement, et si c’est déjà fait d’étudier les possibilités de post-financement. Il est important de prendre le temps de faire le point sur l’accompagnement en trésorerie (autorisation de découvert, courts termes). On peut aussi actionner la modulation de durée de prêt, faire une pause sur prêt avec report en fin de tableau… »

Les tensions structurelles peuvent avoir plusieurs causes : manque de rentabilité économique, investissements non prévus ou financés sur une trop courte durée, prélèvements privés déconnectés de la rentabilité… Il ne faut alors pas hésiter à se faire accompagner pour analyser de la rentabilité de son exploitation, déterminer la capacité de remboursement, restructurer les encours bancaires et étaler les dettes… Un interlocuteur du réseau Agir est disponible dans chaque département pour accompagner les éleveurs en difficulté et rechercher des solutions techniques et économiques.

Nouveaux repères pour les installations

Avec les hausses de toutes les matières premières, les investissements nécessaires pour s’installer ont fortement augmenté. Dans ces conditions, est-il encore possible de s’installer en création d’atelier ? « Les objectifs techniques à atteindre pour rembourser semblent excessifs pour un projet avec construction d’un bâtiment neuf, a rapporté Amélie Villette de la Chambre d’agriculture de Dordogne. Il faudrait compter 2000 €/chèvre, soit 760 000 euros pour un projet de 360 chèvres avec deux UMO en tenant compte des coûts actuels. » Le référentiel de conception et de prix des bâtiments caprins réalisé par les chambres d’agriculture de Charente-Maritime et des Deux-Sèvres a été mis à jour en juin 2022 et permet d’évaluer le coût de son projet.
Même si un allongement des prêts est observé et que les coûts sont nettement inférieurs en reprise, les futurs éleveurs devront faire des choix dans leurs investissements !

Réduire les coûts des investissements

Pour accompagner les porteurs de projet, plusieurs solutions de financement et de garanties existent : pool bancaire, financement participatif, prise en charge d’une partie du capital par le cédant, investisseur apporteur de capital, recherche de subvention (régions…), location des bâtiments.
L’aménagement de stabulations vaches laitières et allaitantes ou encore d’un poulailler ou d’une porcherie permet de réduire les coûts, à condition de bien réfléchir à l’aménagement, notamment la ventilation.

Opter pour une installation de traite d’occasion est aussi une possibilité. « Mais l’acheteur doit demander au vendeur le dernier contrôle Opti’traite et comparer avec le prix du neuf, a prévenu Vincent Moinet de la Chambre d’agriculture des Deux-Sèvres. Le coût final ne doit pas dépasser la moitié du neuf ! Attention également aux pièces à changer et éviter les installations qui ne fonctionnent plus depuis plusieurs années ou dont la marque n’a pas de concessionnaire proche. »

Virginie Hervé-Quartier

Creusement des écarts entre élevages

Les performances techniques expliquent une part importante des écarts de résultats entre élevages ont expliqué Arnaud Mouillet du CER France Poitou-Charente et Nicole Bossis de l’Institut de l’élevage lors de la journée des partenaires du Brilac.

« En 2021, face à cette envolée des cours, les systèmes caprins sont restés stables par rapport à 2020, avec des effectifs, volume de lait produit et UMO stables, a expliqué Arnaud Mouillet du CER France Poitou-Charentes à partir des clôtures comptables 2021 lors de la journée des partenaires organisée par le Brilac. Le prix du lait a augmenté de 29 euros pour 1 000 litres (de 718 à 747 €/1 000 l), et le coût des concentrés, déjà haussier, est passé de 316 à 345 euros pour 1 000 litres en un an. Au final, tous systèmes confondus, on a une augmentation du résultat par UMO exploitant, à 41 500 € contre 30 200 en 2020. »

« Attention aux moyennes, prévient-il cependant, elles cachent des écarts importants entre les extrêmes, écarts qui se creusent de plus en plus. »
Ils s’expliquent principalement par les performances techniques (produit par chèvre et coût alimentaire aux 1 000 l), l’intensité du travail, le potentiel des terres et les surfaces en cultures. « Même dans les systèmes spécialisés, les cultures ont eu un impact conséquent en 2021. »

De 0 à 91 000 €/UMO exploitant

Dans le détail pour les systèmes caprins spécialisés (≥ 70 % de produits caprins, 2,6 UMO, 0,8 salarié, 470 chèvres, 410 000 L, 90 ha de SAU), la différence est de 70 000 L de lait par UMO et 50 000 l de lait par chèvre. Au final, le résultat par UMO exploitant est de 35 000 euros en moyenne, avec une variation de 0 à 91 000 euros/UMO exploitant.¶

« Côté producteurs fermiers, le résultat courant 2021 moyen est estimé à 28 900 euros par UMO, a exposé Nicole Bossis, du service économie des exploitations à l’Institut de l’élevage. Il varie de 16 600 à 32 800 euros. La valorisation du lait fluctue entre 2,3 et 4,2 euros le litre. La productivité du travail est comprise entre 18 à 30 000 litres de lait transformé par UMO. »

« Pour les producteurs fermiers, les facteurs qui font le revenu sont la valorisation du litre de lait et la productivité du travail. Il faut trouver la bonne dimension entre litres de lait transformé, valorisation et main-d’œuvre. » Pour 2022, les producteurs fermiers comme les livreurs doivent faire face à la hausse de l’alimentation, des frais de transformation (énergie) et de commercialisation (emballages, gazole…) et aussi selon les secteurs à des ventes parfois difficiles localement (fermes, marchés, magasins de producteurs…). Il semble qu’il y ait moins de soucis en région et national (GMS, en crémeries…).

Attention aux élevages les plus fragiles

L’Institut de l’élevage a réalisé des simulations sur la base de deux hypothèses de hausse des charges pour estimer leur impact sur trois postes à enjeux sur les exploitations : les aliments achetés (50,2 % du panier de charges caprin !), les carburants et les engrais. « Avec des marchés très volatils et imprévisibles, la prudence est de mise, prévient Nicole Bossis de l’Institut de l’élevage. Une attention particulière est à porter sur les élevages déjà fragiles au niveau de leur trésorerie, les nouveaux installés et les récents investisseurs, les éleveurs qui ne disposent pas ou peu de foncier, avec du foncier à potentiel limité, les systèmes avec ration sèche à concentrés, les élevages les moins efficients. Rappelons que parmi les 180 élevages caprins du réseau Inosys, 30 % disposent de moins de 20 ha de SAU et 35 % des éleveurs ne produisent ni céréales (y compris ensilage de maïs) ni protéagineux. »

 

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