UMT SC3D
Des pistes pour des élevages caprins durables demain
La recherche et le développement imaginent un élevage de chèvres durable et adapté aux aléas climatiques de demain. Résumés des premiers travaux de l’UMT SC3D.
L’an dernier, Inrae et l’Institut de l’élevage s’étaient associés pour créer ensemble une unité mixte technologique (UMT) sur les systèmes caprins durables de demain (ou SC3D). Après une première année de fonctionnement, les premiers travaux à différents stades d’avancement ont été partagés lors d’un séminaire qui s’est tenu les 19 et 23 juin 2020 en visioconférence, Covid-19 oblige.
En faisant collaborer étroitement un institut technique, un laboratoire de recherche et une multitude de partenaires, l’idée est d’imaginer et de proposer des solutions innovantes pour élever les chèvres durablement. « Nous voulons fournir aux éleveurs et à la filière caprine des connaissances et des outils pour aller vers des systèmes et des conduites durables et plus résistants aux aléas », expliquent Hugues Caillat d’Inrae et Jérémie Jost de l’Institut de l’élevage, les deux coanimateurs de SC3D.
La durabilité recherchée implique autant l’aspect environnemental, que social ou économique de l’élevage. Pour cela, l’UMT SC3D souhaite construire une grille d’évaluation impliquant tous ces aspects. Basée à Poitiers et Lusignan, dans la Vienne, l’UMT veut impliquer des chercheurs dans des questions de développement et associer les ingénieurs aux logiques de recherches en allant de la plante jusqu’au lait. Cet ancrage local, lié aux unités de recherche mobilisées, apportera des réponses pour l’ensemble de la filière nationale.
Des recherches de l’herbe au lait
Partons de l’herbe, de la prairie et de son installation. « De nombreux facteurs influencent la réussite de l’implantation d’une prairie, reconnaît Patrice Pierre de l’Institut de l’élevage. Au point que cela fasse dire à certains éleveurs que "l’implantation des prairies, c’est l’aventure" ». Entre la préparation fine du lit de semence, le semis à la bonne profondeur, la germination et l’installation du couvert, les aléas sont nombreux et les éleveurs ont parfois tendance à majorer les doses de semences. Mais parfois à tort car le projet Implantec mené de 2016 à 2019 en Bretagne n’a montré aucune différence significative de production selon la densité de semis. Une association de ray-grass anglais et trèfle blanc a été semée avec des doses de 16, 23 ou 30 kilos par hectare. Si, en augmentant la dose, on augmente le peuplement à la levée, cela ne se traduit pas forcément sur le rendement de la prairie, ni visuellement, ni surtout dans les mesures de production d’herbe. « Le ray-grass anglais et le trèfle blanc ont une meilleure capacité de taller et se ramifier à faible densité », explique Patrice Pierre. Comparant le semis à la volée et celui en ligne, la même série d’expériences incite à privilégier le semis à la volée. Celui-ci a montré de meilleures levées et de meilleurs rendements allant jusqu’à un bonus d’une demi-tonne de matière sèche par hectare. La parcelle était par contre davantage salie par les adventices.
Pour limiter les conséquences de jours caniculaires en septembre, de plus en plus d’éleveurs sont tentés par une implantation automnale sous couvert d’une céréale d’hiver. Un essai réalisé à Thorigné-d’Anjou dans le Maine-et-Loire a montré qu’une prairie implantée sous couvert pouvait offrir jusqu’à 50 % de fourrage en plus en comptant l’ensilage de céréales associé à des protéagineux. L’intérêt se retrouve aussi sur la maîtrise du salissement de la prairie.
La prairie multiespèce s’adapte mieux aux aléas climatiques
Dans un objectif de diminution des intrants, les éleveurs de demain devront valoriser au mieux les ressources végétales produites sur l’exploitation. À quelles prairies ou quelles ressources fourragères faire appel à l’avenir alors qu’il y a aura des stress hydriques de plus en plus important avec le réchauffement climatique ? « Il y aura davantage besoin de diversifier les ressources fourragères, répond Philippe Barré, ingénieur de recherche à Inrae URP3F, en admettant toutefois que cela va complexifier le système et le travail des éleveurs. Les prairies multiespèces présentent une plus grande robustesse vis-à-vis des aléas. Elles s’adaptent mieux à l’hétérogénéité des parcelles et présentent une bonne valeur alimentaire et une pousse bien étalée toute l’année ».
Le choix des espèces se fait surtout en fonction des contraintes pédoclimatiques, du mode d’exploitation et de la pérennité attendue. Ensuite, pour le choix de la variété, la précocité est regardée de près mais c’est souvent la disponibilité chez le distributeur qui orientera le choix. Parfois, les éleveurs utilisent plusieurs variétés avec différentes précocités. Pour s’adapter aux demandes de prairies multiespèces, la recherche agronomique s’attache maintenant à sélectionner des espèces selon leur comportement en mélange. La sélection en monoculture n’est en effet pas l’optimum pour une utilisation en mélange et il faut trouver un compromis entre le rendement d’une variété et sa capacité à accueillir une espèce voisine.
Des groupes d’éleveurs réfléchissent à l’assolement de demain
Pour s’adapter au changement climatique, le REDCap a réuni 10 groupes d’éleveurs et deux groupes d’élèves pour les faire plancher pendant six journées sur le système fourrager de demain. Comment ne pas être à court d’herbe ? Comment construire l’assolement et ses rotations ? Comment cultiver, stocker et distribuer des ressources fourragères plus diversifiées ? Faut-il changer les dates de reproduction pour mieux valoriser l’herbe ? Faut-il prévoir des aires de sortie ombragée et aérée pour l’été ? Autant de questions sur lesquels les éleveurs commencent à réfléchir après le confinement.
Un autre projet « Mélanges prairiaux comme plantes de services pérennes associées à des grandes cultures » devrait chercher à laisser en permanence un couvert de trèfle par exemple en permanence sur le sol et de cultiver dessus du blé ou du colza. Le trèfle évite ainsi d’utiliser des herbicides et apporte de l’azote. Des pratiques de demain étudiées aujourd’hui.
Vers plus d’IA sur chevrette ?
Présentées lors du séminaire, des recherches tendent à développer de nouvelles méthodes de préparation des chevrettes à leur première reproduction. Actuellement, peu d’éleveurs inséminent leurs chevrettes et préfèrent les saillies naturelles. Pourtant, inséminer les chevrettes permettrait d’accélérer le progrès génétique. Inrae cherche aussi à adapter le matériel d’insémination au gabarit des chevrettes. Une solution serait peut-être de se passer de spéculum en utilisant une caméra embarquée qui permet de visualiser le col pour le placement de la semence. Des essais se poursuivent à Lusignan puis en ferme commerciale avec Ferticap.
En savoir plus
Site, newsletters et rencontres régulières
Le site umt-sc3d.fr compile les résultats et infos des projets. Une newsletter permet de se tenir au courant de dernières avancées. SC3D organise aussi régulièrement des rencontres et journées de restitution. La journée Cap’Vert de septembre 2019 avait ainsi rassemblé plus de 450 éleveurs, techniciens et apprenants de la filière caprine.
Le saviez-vous ?
890 grammes de protéines végétales pour faire un kilo de protéine de chèvre
Le projet Eradal rappelle que les chèvres ne mangent pas les protéines des hommes. En moyenne, 86 % des protéines consommées par l’homme ne sont pas consommables par l’homme. Et s’il faut en moyenne 6,5 kilos de protéines végétales à la chèvre pour produire un kilo de protéines animales (lait ou viande), il ne lui faut plus que 890 grammes si l’on ne compte que les protéines végétales consommables par l’homme. La chèvre est ainsi productrice net de protéine et son efficience augmente avec la part d’herbe dans la ration.