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Des perspectives pour valoriser la viande caprine

Coproduit indissociable de la production laitière, la viande de chèvre et de chevreau est souvent négligée par les éleveurs. Sans être la priorité de l’exploitation, elle peut néanmoins générer un complément de revenu intéressant.

Tendre et facile à marier, la viande caprine se prête aisément à une grande diversité de recettes. Elle présente en plus l’avantage d’être une viande assez maigre. Pourtant, sa consommation n’est pas dans les habitudes. Pire, elle souffre de préjugés assez tenaces sur son goût. « Pourtant, quand on la fait goûter, le consommateur apprécie », observe Colette Baland, ancienne éleveuse et productrice de produits transformés caprins. « Dans le cadre de la route du chabichou, nous organisions des soirées avec des produits locaux et nous avons commencé à y intégrer de la viande de chèvre. Puis nous avons décidé de se rapprocher d’un public jeune pour recréer l’habitude de manger cette viande ». Elle approvisionne désormais une dizaine de cantines dans le cadre de l’initiative « Mangeons mellois ». « Il faut intéresser le cuisinier pour que ça marche, témoigne-t-elle. En livrant la matière soi-même, on arrive à créer du lien. Nous avons commencé par introduire de la viande de chèvre hachée, dans des lasagnes ou des parmentiers, plus adaptés aux habitudes de consommation des jeunes. Et nous utilisons le terme « poitevin » plutôt que « de chèvre » dans les appellations des plats pour ne pas rebuter a priori. »

En cubes ou en hachés pour coller aux habitudes de consommation

Le syndicat caprin de la Drôme a également commencé à travailler avec les collèges. « Nous fournissons la viande en sachets sous vide, le plus souvent en cubes. Le prix peut être un frein mais nous leur avons expliqué que l’objectif n’était pas de fournir de grosses quantités : il s’agit d’apporter une plus-value à l’éleveur et faire découvrir une nouvelle viande aux élèves. Nous avons aussi dû leur faire comprendre qu’on ne pouvait pas s’engager sur un nombre de kilos précis mais sur un nombre d’animaux. » (QUI PARLE ?)  Arrivé au terme d’un programme de trois ans, le syndicat prépare un livre de recettes de viande caprine élaboré à l’aide de deux chefs cuisiniers. Le livre sera disponible en décembre.

Une autre piste de valorisation repose sur la transformation en rillettes, saucisses, saucissons… qu’on retrouve dans des magasins de producteurs de la région. « Je valorise toutes mes réformes en saucissons et merguez, témoigne une éleveuse drômoise. Nous les transformons dans un atelier collectif qui fonctionne comme un GIE dans lequel nous avons pris des parts. Nous arrivons à dégager 250 euros de marge par animal, en vente directe. » Même si cela représente un investissement en temps, cette marge n’est pas négligeable quand on sait que le prix moyen payé par un négociant pour une chèvre de réforme à destination de l’export est de 15 euros. C’est pourquoi les organisations professionnelles caprines se penchent de plus en plus sur la question. Après de premiers échanges dans la Drôme l’année dernière, la Fresyca a accueilli les 11 et 12 septembre en Poitou-Charentes les deuxièmes rencontres nationales sur la viande caprine. Dans la région, une dizaine d’ateliers permettent de transformer la viande à façon. « La viande est conditionnée selon un cahier des charges établi avec l’éleveur, explique Emmanuelle Auger, responsable consommation familiale à la Svep, atelier de découpe filiale de la Caveb. Nous avons des tables de piéçage pour faire des rôtis, gigots en tranche ou épaules désossées… ce type de découpe rend la viande plus facile à préparer. Nous avons aussi une salle de désossage où les chèvres sont entièrement désossées pour faire les saucisses et merguez : on utilise la chèvre entière pour cela car il faut un mélange homogène, avec du gras et du maigre, des fibres longues et courtes… »

Plus de chevreaux dans la filière, moins à l’équarrissage

Si les syndicats ont développé un grand nombre d’actions autour de la chèvre de réforme, la valorisation des chevreaux soulève aussi des questions. Première région d’élevage caprin, 300 000 chevreaux naissent par an chez les éleveurs de Poitou-Charentes. La majeure partie est collectée à trois jours pour partir chez la vingtaine d’engraisseurs, privés ou coopératifs, où ils restent quatre semaines. Mais la concentration des naissances de janvier à mars occasionne une forte baisse de prix lors du pic de sorties. « Actuellement, nous payons les chevreaux aux éleveurs autour de huit euros, car nous en manquons, mais en janvier-février, ce prix tombe à deux euros », observe Yvon Ducept de la Caveb. « Avec des tailles de troupeaux en forte croissance, les éleveurs n’ont pas de temps à passer à biberonner les chevreaux qui ne tètent pas seuls » constate-t-il. D’où une forte mortalité des chevreaux avant huit jours, et un coût important de l’équarrissage dans la filière, malgré les efforts pour mieux valoriser les chevreaux locaux avec le « chevreau signé Poitou-Charentes », et le « chevreau comme on l’aime ». En Rhône-Alpes, le syndicat caprin de la Drôme cherche à préserver une filière longue autour du chevreau tout en développant des circuits courts. Renouer le contact avec les abattoirs pour lever les blocages en ce qui concerne l’abattage des chevreaux lourds et acquérir des références sur l’engraissement de chevreaux à la ferme figurent sont des priorités. « C’est une filière nouvelle qui se crée, il faut travailler sur l’offre et la demande en même temps, car si le consommateur apprécie et en cherche et qu’on ne peut pas lui en fournir, ce n’est pas satisfaisant » ont conclu les participants des rencontres viande caprine.

Un travail sur la viande dans les instances nationales

En octobre 2014, a été créée une section viande caprine au sein de la Fnec et au sein d’Interbev, l’interprofession du bétail et des viandes. Pour la Fnec, le premier objectif va être de sensibiliser les éleveurs au fait que le chevreau n’est pas un sous-produit. Outre la valorisation des chevreaux, l’enjeu est aussi d’envoyer plus de chevreaux à l’abattoir et donc moins à l’équarrissage et ainsi faire baisser le coût de ce service qui pèse lourdement sur les éleveurs. La section caprine d’Interbev s’est donnée comme priorité de promouvoir la viande de chevreaux. Elle a donc conçu la campagne « oh, du chevreau », dans l’objectif de favoriser la consommation de chevreau en dehors des rendez-vous traditionnels de Noël et Pâques. Cette campagne devrait se dérouler chaque année après Pâques afin d’écouler un maximum de chevreaux au moment du pic d’abattage et éviter la congélation et la vente lorsque les cours sont bas. Pour 2016, c’est sur le mois d’avril et la première quinzaine de mai qu’elle sera proposée aux grandes surfaces et boucheries artisanales. L’interprofession s’est aussi donnée comme objectif de repérer les principaux flux de chevreaux et éventuelles zones sans collecte qui pourraient notamment expliquer le volume d’équarrissage.

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