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Des arguments pour défendre l’élevage

Avec des ateliers à taille humaine qui façonnent une mosaïque de paysages, produisent du fromage de qualité et génèrent des emplois sur tout le territoire, l’élevage caprin n’a pas à rougir de ses apports à la société et à l’environnement. Inventaire des bienfaits de l’élevage caprin à rappeler à nos concitoyens.

Tous les Français ne sont pas des végans abolitionnistes de l’élevage. Loin de là. Seuls 2 % de la population partagent les points de vue anti-élevage selon un sondage Ifop pour Idele réalisé en juin 2016 auprès de 2 000 Français dans le cadre du projet Accept, piloté par l’Ifip-Institut du porc. Pour ces 2 % là, la mise à mort de l’animal pose un vrai problème. Un quart des Français seraient, eux, contre les systèmes intensifs mais pas contre l’élevage dans son principe. Ces « alternatifs » ont tendance à diminuer leur consommation de viande et sont plutôt attirés vers le bio, les produits sous signe de qualité ou les circuits courts. Plus de la moitié (51 %) des citoyens est classée dans les « progressistes », c’est-à-dire qu’ils sont intéressés par le sujet et attendent des progrès dans les pratiques d’élevage en production standard. Enfin, 10 % pensent plutôt que l’élevage français doit d’abord être compétitif dans une économie de marché. 3 % n’ont pas d’avis précis sur l’élevage et 10 % ne peuvent être statistiquement classés dans aucun groupe.

Pour Elsa Delanoue, agronome et sociologue de l’Institut de l’Élevage qui a mené une thèse sur les controverses en élevage, « quatre thématiques liées à l’élevage font l’objet de débat au sein de la société : l’impact sur l’environnement, la condition animale, le risque sanitaire et le modèle socio-économique de développement. » Dans l’impact sur l’environnement, on retrouve des désaccords sur l’émission de gaz à effet de serre, la pollution des eaux, l’alimentation des animaux avec du soja ou des OGM, l’utilisation des ressources (eau, terres…) ou les nuisances (odeur, bruit…). La condition animale regroupe, elle, des débats sur le bien-être animal, les conditions de vie, la prise en charge de la douleur ou l’éthique animale. Dans les questions sanitaires, ce sont surtout les antibiotiques ou les risques d’épizooties ou de zoonoses qui sont pointés du doigt. Enfin, les systèmes intensifs ou la concentration des élevages dans une zone sont des questions qui peuvent être débattues.

Les citoyens veulent de l’air libre et pas de douleurs

Pour les anti-élevage, toutes ces controverses sont transformées en arguments contre la consommation de viande ou de produits animaux. Il s’agit alors de rallier le public à sa cause en argumentant ou en montrant des images chocs qui cherchent à faire croire que des pratiques inacceptables sont la norme. « La plupart des Français, les 51 % de progressistes, connaissent mal l’élevage et ne le voient que par les médias qui sont plutôt critiques envers les élevages en ce moment », regrette Elsa Delanoue. Et ces controverses commencent à pénétrer l’ensemble de la société en infusant des messages tendant à réduire la consommation de protéines animales.

D’après le sondage, l’attente principale du grand public concerne le plein air : pour une grande majorité de citoyens, tous les animaux doivent avoir un accès à l’extérieur. Pour eux, c’est lorsqu’ils sont dehors que les animaux peuvent, au mieux, exprimer leur comportement naturel : se déplacer librement, brouter l’herbe, fouiller le sol, etc. S’ils sont élevés en bâtiment, la paille ou la litière sont perçues comme moins artificielles et plus confortables pour les animaux que le caillebotis. L’accès à la lumière du jour est également une demande sociétale forte.

Ensuite, les citoyens se posent des questions sur les pratiques douloureuses pour les animaux : coupe des queues des porcelets, écornage, épointage du bec des volailles, castration, etc. Ils demandent que des alternatives soient mises en place ou, à défaut, une atténuation de la douleur par anesthésie ou des antalgiques par exemple. Ils se montrent également parfois choqués par ce qu’ils considèrent comme des douleurs psychologiques ressenties par les animaux, par exemple lors de la séparation des vaches et des veaux en élevage laitier. Enfin, il ressort que les citoyens connaissent assez mal les pratiques et les conditions d’élevage. Ils en ont une image globalement plus négative que la réalité, surtout pour l’élevage porcin ou laitier.

Le consommateur veut donner du sens à son alimentation

Les Français ont une image hyperidéalisée de l’élevage caprin. Ils imaginent l’éleveur et son troupeau pâturant les vertes montagnes, oubliant que 60 % des chèvres sont (bien) élevées en bâtiment. « L’exode rural, qui a conduit aujourd’hui à un taux de 80 % d’urbanisation, a provoqué l’oubli des réalités du monde rural, qui est aujourd’hui idéalisé comme tout ce qui a trait au naturel », observe Éric Birlouez, ingénieur agronome et sociologue de l’alimentation. Le consommateur cherche toujours une alimentation économique, sûre d’un point de vue sanitaire, de bonne qualité mais ajoute à ces exigences la notion d’équilibre de la ration, de local, d’éthique. On parle aussi « d’intranquillité alimentaire », non pas qu’il y ait de l’insécurité, mais les différentes crises alimentaires laissent croire que le citoyen ne maîtrise plus son alimentation. D’où l’émergence de régimes particuliers qui donnent au moins l’impression de reprendre le contrôle.

Les changements qui ont modelé l’agriculture depuis 70 ans ont été très rapides et, de fait, largement incompris par le citoyen lambda. Celui-ci se retrouve confronté à une production de masse, à la concentration des élevages et à un nombre grandissant de polémiques gravitant autour du secteur censé le nourrir. « Nous sommes arrivés à une situation où 80 % des Français pensent, en 2016, que leur alimentation peut nuire à leur santé, alors qu’ils étaient seulement 59 % dans ce cas deux ans auparavant », s’étonne le sociologue. « Autrefois, l’aliment était vu comme un bienfait, un don du ciel ; aujourd’hui, il est perçu comme un méfait potentiel ».

« Aujourd’hui, le consommateur veut donner du sens à son alimentation. Il n’est plus dans la simple optique du plaisir de manger ; il y a un engagement derrière qui va prendre différents accents : le respect de la nature, l’aspect bien-être et santé du corps, la responsabilité vis-à-vis de l’agriculture française et bien sûr, les questions d’éthique animale ». La sensibilité sur la cause animale n’est pas nouvelle puisque, dès l’Antiquité, des philosophes se penchaient sur la question. Cependant, la rapide montée en puissance et la large diffusion médiatique de cette pensée mobilisent les éleveurs, confrontés à un argumentaire basé principalement sur les émotions, à travers des images chocs dénigrant l’élevage et l’abattage des animaux dans leur ensemble.

Tout le monde à un avis sur l’élevage

La réponse à toutes ces visions biaisées reste la communication à différentes échelles, nationale autant que locale. Au niveau national, l’interprofession caprine s’empare de ces questions en discutant avec des associations prônant un meilleur bien-être animal en élevage. Mais les réponses sont aussi locales, au niveau de chaque ferme. « Une des solutions prometteuses est d’ouvrir les fermes au grand public pour montrer les réalités de l’élevage, estime Éric Birlouez. En jouant la carte de l’humain et en ayant une attitude de sincérité, on peut faire passer les arguments positifs sur l’élevage. À condition de faire évoluer les pratiques si besoin en fonction des attentes de la société. »

Si la société a plutôt perdu confiance dans l’industrie agroalimentaire, nos concitoyens croient encore à la sincérité des éleveurs qui travaillent au contact de la nature. Pour cela, ouvrir sa ferme au grand public peut parfois être plus efficace qu’un spot de publicité qui peut être perçu comme une propagande du lobby de l’élevage. « Il faut montrer aux citoyens ce qu’est vraiment l’élevage, suggère Elsa Delanoue. Et pour cela, il faut être irréprochable, notamment sur la douleur animale et l’accès à l’extérieur ».

« Comme pour le nucléaire ou l’éducation nationale, tout le monde a un avis sur l’élevage, explique Anne-Charlotte Dockés, chef du département « métiers d’éleveurs et société » à l’Institut de l’Élevage. Tous les avis sont donc légitimes et il faut pouvoir dialoguer avec nos concitoyens et entendre les remises en cause ». Cette volonté de faire découvrir l’élevage par les éleveurs eux-mêmes s’est traduite par la mise en place d’un réseau d’éleveurs témoins capable d’instaurer un « dialogue tranquille » avec les citoyens. Filière par filière, un groupe d’éleveurs s’interroge sur les sujets sensibles (bien-être animal, environnement…) et apprend, par du media training, à parler aux médias, aux ONG et au grand public.

Pour Bruno Dufayet, président de la Fédération nationale bovine et président de la commission Enjeux sociétaux d’Interbev, « c’est une vraie difficulté d’avoir accès aux médias pour parler positivement de l’élevage. Il faut profiter de chaque occasion et tenter de se faire entendre, par les réseaux sociaux, par des journées portes ouvertes ou lors du Salon de l’agriculture. Les éleveurs ont un capital sympathie à utiliser mais tout en ayant conscience de nos failles et de nos facteurs de risques. »

Communiquer sur le lien affectif avec l’animal

Accueillir du public sur sa ferme demande du temps et de la patience. Il faut savoir répondre simplement aux questions sans rentrer dans trop de technicité. « Répondre en parlant du taux de mortalité à une question sur la séparation du jeune et de sa mère est contre-productif », explique Elsa Delanoue. Il est plus efficace de mettre en avant sa vie d’éleveur en comparant si besoin la vie de l’animal à la sienne. Ce qui plaît le plus, c’est de voir un éleveur, sourire aux lèvres, au milieu de ses animaux, parler avec passion de sa relation avec les bêtes. « Il faut appuyer sur ce lien avec l’animal, recommande Anne-Charlotte Dockés. Dans l’esprit des gens, ce contact avec l’animal est ce qui fait l’essence du métier d’éleveur ».

Ces efforts de communication sont nécessaires autant pour développer la consommation de produits animaux que pour que l’éleveur se sente moins en porte à faux vis-à-vis du reste de la société. Une meilleure image de l’élevage aidera aussi à ce que, demain, des jeunes aient encore envie de devenir éleveurs.

Plus d’infos sur idele.fr/domaines-techniques/metierdeleveurs-et-societe/elevage-et-societe.html
Quiz sur l’élevage herbivore et l’environnement sur limesurvey2014.idele.fr/index.php/637831/lang-fr

Une communication positive pour renouer avec les citoyens

LES PLUS

Communiquer, écouter, dialoguer, expliquer
Anticiper les attentes sociales
S’adapter aux attentes ou critiques
Répondre aux évolutions des normes sociales

Les moins

Ne pas reconnaître les autres comme légitimes
Refuser d’entendre les remises en cause
Refuser le dialogue
Source : Accept

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