Des aires de vie extérieures pour les chèvres laitières
Conviction, image, santé des chèvres, bien-être de l’éleveur et des animaux, facilité du travail, cahier des charges… les raisons de vouloir aménager une aire d’exercice sur son exploitation sont nombreuses. Quelques conseils pour une mise en place réussie.
Conviction, image, santé des chèvres, bien-être de l’éleveur et des animaux, facilité du travail, cahier des charges… les raisons de vouloir aménager une aire d’exercice sur son exploitation sont nombreuses. Quelques conseils pour une mise en place réussie.
L’aire d’exercice est un lieu de vie régulièrement proposé aux animaux en complément des bâtiments. Elle peut être bétonnée, couverte, en terre battue, enherbée ou boisée. Chaque type d’installation a ses avantages et ses inconvénients. Les aires bétonnées facilitent la gestion des effluents. Celles qui sont protégées par une toiture et recouvertes de litières nécessitent un entretien similaire à celui des aires paillées en bâtiment, tandis que les aires non couvertes demandent un raclage régulier pour éliminer déjections et eaux pluviales. Il faut alors prévoir une fosse adaptée ou un système de traitement des eaux. Ces deux types d'installations sont durables mais relativement onéreuses. Une aire d’exercice enherbée est une surface dont le couvert végétal est présent en toute saison. C’est une solution économique et adaptée aux besoins des chèvres. En revanche, elle comporte un risque de parasitisme gastro-intestinal, et le maintien du couvert est difficile. Les aires en terre battue peuvent être envisagées en dépannage seulement. En effet, le risque de pertes nitriques est élevé et elles ne sont pas praticables les jours pluvieux. Les aires boisées offrent l’avantage d’une diversification alimentaire et sont très prisées des chèvres. Elles nécessitent une surveillance accrue et des clôtures solides mais l’investissement est modéré.
Respecter la directive nitrate
En zone vulnérable, l’épandage d’azote organique ne doit pas excéder 170 kg par hectare. Or une chèvre à elle seule produit 11 kg d’azote par an. Si l’aire d’exercice ne respecte pas cette norme, les effluents doivent être collectés. Pour les aires enherbées, l’entretien de la couverture végétale permet de maîtriser les risques de lessivage de l’azote. Une fauche annuelle est préconisée pour exporter l’azote et ainsi réduire les risques de pollution.
Une conception réfléchie des bâtiments
La mise en place d’une aire extérieure est plus aisée au moment de la conception d’une chèvrerie neuve, mais reste envisageable à partir d’une chèvrerie existante. La surface optimale représente six à huit fois la taille du bâtiment, avec un parc par lot. Toutefois, les aires d’exercices sont souvent limitées par l’espace disponible autour des bâtiments. Les circulations, telles que l’affourragement, l’accès laitier, les livraisons d’aliments et les évolutions ultérieures des bâtiments, doivent également être prises en compte. Dans l’idéal, les chèvres devraient pouvoir entrer et sortir librement. Des portes latérales par lot, avec des dalles au sol pour faciliter l’entretien, sont parfaitement adaptées pour limiter le temps de travail tout en favorisant la liberté des chèvres. La zone d’exercice doit être délimitée par un grillage à mouton ou une clôture de minimum deux fils. Les enrichissements du milieu (troncs d’arbres, brosses, grosses pierres…) et les zones ombragées encouragent les chèvres à sortir et améliorent leur bien-être. Si l’aire est éloignée, il faut prévoir un point d’abreuvement.
Côté biblio
Aires d’exercice pour les chèvres laitières
La brochure de dix pages Aires d’exercice pour les chèvres laitières publiée par l’Anicap et l’Idele regroupe des retours d’expériences, un comparatif des différents types d’aires d’exercices et les clefs d’une mise en place réussie. Gratuit sur www.anicap.org
« Le parasitisme se gère et ne doit pas être un frein à la sortie des chèvres »
Sortir les animaux les expose davantage au risque de parasitisme gastro-intestinal. Mais ce risque sanitaire peut s’anticiper. Explications de Carine Paraud, vétérinaire à l’Unité pathologies et bien-être des ruminants de l’Anses.
« Le risque sanitaire majeur lié à la sortie des animaux concerne le parasitisme, en particulier celui causé par les strongles gastro-intestinaux. Ce risque s’accroît lorsque les animaux consomment de l’herbe, tandis que les aires sur sol étanche présentent peu de danger. Pour maîtriser le parasitisme, il est recommandé de mettre en place des mesures de biosécurité et de diagnostiquer rapidement la présence potentielle de strongles par des coproscopies régulières. De bonnes pratiques de pâturage, comme un temps de retour long et une durée de pâturage courte, sont également primordiales. Le parasitisme se gère et ne doit pas être un frein à la sortie des chèvres. À l’extérieur, les risques peuvent également être dus aux reliefs, aux plantes toxiques ou à la chaleur. Nous supposons que les aires de sorties apportent des bénéfices sur la santé des animaux mais pour le moment nous avons assez peu de recul sur le sujet. »
Sortir les chèvres pour le bien-être des chèvres et de l’éleveur
Raphaël Boisliveau et Philippe Praud, éleveurs caprins en Vendée, ont profité de la pandémie de Covid pour installer des parcs, offrant à leurs chèvres un accès extérieur.
Cela fait déjà dix ans que les chevrettes du Gaec La Louise-Anne en Vendée peuvent sortir du bâtiment. « Au début nous sortions les chevrettes pour essayer de limiter les problèmes pulmonaires. Ça n’a pas vraiment fonctionné. Mais nous continuons à le faire pour leur bien-être », explique Philippe Praud. En 2019, les parcs ont été élargis pour accueillir les chèvres adultes. « Deux lots ont un accès permanent, et un lot doit être sorti et rentré régulièrement à cause de la circulation du distributeur. La cohérence du bâtiment est une difficulté. » Les deux associés choisissent quand ouvrir les portes en fonction du temps et de la portance des parcelles. « Au-dessus de 13-14 °C, nous ouvrons et les chèvres choisissent librement de sortir ou pas. C’est parfois frustrant de les voir rester dans le bâtiment », reconnaît Raphaël Boisliveau. Les éleveurs ne relèvent pas de différence sur la production, ni d’impact sanitaire. Plus attentifs aux parasites qu’auparavant, ils réalisent des coprologies régulières. Le pâturage n’est pas compté dans la ration de leurs chèvres car la quantité consommée n’est pas significative. En revanche, il semble aux éleveurs que la paille est moins salie. Sortir les chèvres demande quelques adaptations : « Nous avons planté des arbres un peu partout sur les parcelles. Nous avons donc dû les protéger par des fils électriques. Mais tout ce travail vaut la peine. Quand toutes les chèvres sont dehors les soirs d’été, ça fait plaisir », se réjouit Raphaël.