« Améliorer l'autonomie alimentaire de notre élevage caprin malgré un chargement important »
Dans les Deux-Sèvres, Nathalie Maudet vise plus d’autonomie alimentaire tout en augmentant la production laitière de ses 425 saanens et prépare la transmission de son exploitation.
Dans les Deux-Sèvres, Nathalie Maudet vise plus d’autonomie alimentaire tout en augmentant la production laitière de ses 425 saanens et prépare la transmission de son exploitation.
À 54 ans, Nathalie Maudet s’est installée deux fois en tant qu’éleveuse. La première, en 1992 avec ses parents, et la seconde, il y a cinq ans, à la dissolution du Gaec, dont elle était associée avec son frère. Cette seconde installation a été un réel défi pour l’éleveuse qui a repris l’atelier caprin avec 425 chèvres, une partie des bovins allaitants, et 70 hectares sur les 180 ha que comptait le Gaec. Le couple a pu bénéficier du programme d’accompagnement des jeunes de sa coopérative Agrial.
Nathalie pilote la nouvelle exploitation située à Saurais (Deux-Sèvres) avec son mari Samuel, conjoint collaborateur et salarié de la coopérative Scape à temps partiel (4/5e). Leurs quatre enfants, Antoine, Lucas, Pierre et Nathan, leur apportent une aide précieuse. Pierre et Nathan sont en école d’ingénieur à Angers et très investis et intéressés par les cultures, pour l’un, et la génétique, pour l’autre. Aujourd’hui, l’éleveuse cherche à avoir une exploitation performante techniquement et économiquement, à améliorer l’autonomie fourragère et pense à transmettre, pourquoi pas à ses enfants.
« Dans mes choix génétiques, je privilégie la morphologie et les taux, avec des chèvres qui vieillissent bien »
Depuis plusieurs années maintenant, Samuel et Nathalie améliorent leur autonomie alimentaire. Avec un chargement à 3 unités de gros bétail par hectare (UGB/ha), en zone de Gâtine sans irrigation, ils travaillent sur les successions et la complémentarité des cultures en agriculture raisonnée. « Nous récoltons deux cultures de printemps et deux d’automne afin de diversifier l’assolement. Au printemps, un méteil fourrage, mélange ray-grass italien, trèfle incarnat et deux vesces, est ensilé: récolté en avril, il apporte de la protéine tout en assurant du rendement. Il précède un maïs récolté en ensilage. » Un méteil fourrage (avoine, triticale, pois et vesce) est récolté début mai en ensillage avant la culture de sorgho dans le but d’apporter de la fibre.
Maïs et sorgho se complètent
« Depuis une dizaine d’années, nous cultivons également du sorgho. Semé en mai, il apporte de l’énergie à la ration, mais sans amidon. C’était d’ailleurs notre première motivation lorsque nous avons commencé cette culture. Autres avantages, elle est complémentaire du maïs et le silo chauffe moins en été, il y a donc moins de pertes. Cette année, nous allons associer du lablab au maïs dans le cadre d’essais avec la chambre d’agriculture des Deux-Sèvres. »
Sur les 70 ha de l’exploitation, 10 ha sont implantés en céréales : 3 ha d’épeautre et 7 ha de méteil grain (triticale pois féverole). Le maïs est semé sur une quinzaine d’hectares et le sorgho sur une dizaine. Côté prairies, il y a 20 ha de prairies temporaires, ray-grass, trèfle violet, et 15 ha de prairies naturelles en coteaux. L’élevage est juste en contrebas du point culminant des Deux-Sèvres, la vue sur le versant Vienne sous le soleil est imprenable, une situation propice au pâturage hivernal des bovins.
Des analyses sont réalisées en vert et sur fourrages conservés. Le méteil grain est stocké en boudin sous forme de farine.
Alimentation et production laitière
En ration humide, Nathalie travaille avec les matières premières produites sur l’exploitation et achète les fourrages et concentrés manquants, mais pas d’aliments complexes. Une fois par jour, le bol mélangeur, acheté il y a 10 ans, assure la distribution de la ration complète commune aux chèvres et aux bovins à l'engraissement, stratégie d’économie et d’efficacité mise en place avec le nutritionniste Yan Mathioux depuis 10 ans. Les éleveurs la repoussent trois fois dans la journée, l’occasion d’observer les chèvres en plus de la traite.
En matière brute, la ration au pic de lactation est composée de 80 g de paille, 600 g de luzerne sous forme de rumiplus, 250 g de foin (le matin avant la traite), 300 g de méteil grain en farine, 150 g de tourteau de soja 48, 150 g de tourteau colza gras, 1 kg d’ensilage herbe, 800 g d’ensilage de sorgho, 1 kg d’ensilage de maïs, 600 g d’un mélange amidon de blé et rémoulade de maïs et 20 g de minéraux.
Les chevrettes reçoivent également la même ration à partir d’avril-mai. « La ration est calée sur les besoins des chèvres et en fonction des stocks, puis nous ajustons pour les bovins en complémentant avec la farine de méteil. » Les refus sont distribués aux bœufs au pré. Deux cents bottes de paille de blé et colza sont échangées contre les trois cinquièmes du fumier caprin.
La barre des 1 000 kg de lait par chèvre a été atteinte en 2022, et l’objectif est de produire 400 000 l par an. Pour atteindre ce but, Nathalie s’attache à optimiser l’alimentation et améliorer le potentiel génétique avec l’aide du conseiller d’Eilyps Group Rémy Couvet.
Élevage indemne de Caev
Les chèvres sont désaisonnées depuis de nombreuses années. Les mises bas ont historiquement lieu en novembre, cela correspond à la fin des travaux sur les cultures. Nathalie va progressivement décaler les mises bas en octobre afin d’avancer la période de reproduction et éviter les fortes canicules qui peuvent réduire la fertilité. Il fera également moins froid qu’en novembre pour les chevreaux. Ces derniers reçoivent tous le colostrum de leur mère au biberon à la naissance.
Les femelles restent trois jours sous la mère avant d’aller en nurserie où elles reçoivent du colostrum de mélange, puis de la poudre de lait. Les mâles sont vendus à Terrena à trois jours et les femelles qui ne sont pas conservées pour le renouvellement sont vendues à une pépinière et à un éleveur. Titulaire d’une licence d’insémination artificielle (IA) et adhérente CapGènes depuis 1993, Nathalie Maudet s’est toujours intéressée à la génétique. Dans ses choix, elle privilégie la morphologie et les taux, avec des chèvres qui vieillissent bien et un taux de renouvellement de 25 %. « Aujourd’hui, c’est notre fils Nathan qui pilote la génétique du troupeau. En 2023, 15 mères à boucs seront proposées. » Cent dix IA sont réalisées par an, les autres chèvres sont en saillies naturelles avec des boucs issus d’IA. Il n’y a aucun achat d’animaux et l’élevage est indemne d’arthrite encéphalite virale caprine (Caev).
Sur les 409 chèvres, un lot complet de 110 chèvres est en lactation longue, avec une vigilance sur leur alimentation, les saanens ayant tendance à sur-engraisser en lactation longue. Cette pratique réduit la charge de travail liée aux mises bas et soutient la trésorerie en début d’automne. L’organisation du travail est un élément important de l’élevage. Nathalie et Samuel ont besoin d’un temps plein salarié, et le recrutement est difficile. De mai à octobre, ils ne traient pas le dimanche soir pour alléger la charge de travail.
Bâtiment tempéré en été
La chèvrerie a été construite en 2010, avec des panneaux photovoltaïques. Ce choix a été fait pour sécuriser les revenus et rassurer les banques en pleine crise caprine. Elle est isolée côté nord, et il y a un vide sous toiture entre les panneaux côté sud. Filets brise-vent et portails latéraux assurent une bonne ventilation et l’ambiance reste tempérée même lors des fortes chaleurs.
L’élevage des chevrettes se fait dans le même bâtiment que les adultes. L’investissement dans un bâtiment chevrettes dédié étant trop lourd, Nathalie a préféré réduire l’effectif total et conserver tous les animaux sous le même toit. Le choix avait été fait de ne pas équiper les aires paillées de cornadis pour des raisons économiques. Toute la contention, et donc les interventions, se fait en salle de traite. « Je voulais un grand quai et une ligne basse pour la salle de traite », précise Nathalie. Celle-ci compte deux fois cinquante-six places et deux fois quatorze postes. La distribution du concentré y est automatisée.
En 2022, Nathalie et Samuel ont investi dans de nouveaux bacs d’abreuvement, en complément des abreuvoirs à poussoir, et un système de traitement de l’eau. Les effets de ces deux changements se font déjà sentir avec une augmentation de la production laitière et une diminution du taux cellulaire.
Si les ateliers caprins et vaches allaitantes, trente-cinq mères parthenaises, se complètent bien, « avec 120 bovins au total, nous allons devoir diminuer l’effectif pour être en adéquation avec la place dans le bâtiment, réduire le chargement total et améliorer la transmissibilité de l’exploitation dans quelques années », anticipe Nathalie.
L’équivalent de 1 000 bûchettes de 200 g par jour
Cultiver son ouverture d’esprit
Membre active de l’association Les biquettes du 79, Nathalie Maudet participe aux formations et nombreux échanges qui y ont lieu sur divers sujets techniques (alimentation, santé, reproduction…). L’objectif de la quinzaine d’éleveurs caprins adhérents est d’améliorer leurs performances et d’avoir une structure de proximité pour se retrouver. « C’est important d’échanger, de continuer à apprendre, d’aller voir comment les autres travaillent, souligne Nathalie. C’est un aspect de notre métier qu’il ne faut pas négliger et qu’il faut intégrer dès l’école, quelle que soit la formation. »
Angélique Roué, conseillère à la chambre d’agriculture des Deux-Sèvres
464 g de concentré par litre de lait