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Une exploitation tirée au cordeau

Au Gaec des Brouins, rien n’est laissé au hasard, de la gestion des herbages, dans les marais de la Dives, à la valorisation du troupeau charolais. Les deux associés dégagent ainsi une juste rémunération de leur travail.

Stéphane et Franck Labarrière, deux cousins, ont repris la ferme familiale de leurs pères respectifs, à Varaville dans le Calvados en janvier 2003. Les vaches allaitantes croisées sont arrivées en 1980 sur l’exploitation mais l’orientation en race Charolaise n’a été prise qu’à la fin des années 1990. Depuis, ils ont réussi à constituer un troupeau avec une bonne valeur génétique dont les qualités maternelles ont été privilégiées, notamment l’aptitude au vêlage et la production laitière. « Ces deux critères représentent la base de notre sélection. On recherche par ailleurs de petits veaux à la naissance, du squelette et de bons aplombs », notent les éleveurs.

Ces derniers se sont attachés, cette année, à travailler sur le resserrement de la période de vêlage. L’achat de 36 vaches à haute valeur génétique en 2005-2006 a en effet allongé la période des mises-bas qui, de janvier à mars, est passée de fin septembre à fin mars. Pour la campagne en cours, 108 vêlages auront lieu entre fin septembre et le 20 décembre puis le reste du 10 janvier au 20 février environ pour atteindre l’objectif des 120 vêlages. L’insémination animale concerne 50 % des mises à la reproduction. Deux IA sont effectuées avant un rattrapage par un taureau. « On utilise nos jeunes taureaux reproducteurs avant de les mettre en vente à la fin de la période de reproduction en mars. »

Recentrer la période de vêlages à l’automne

« Nous avons fait le choix de passer sur une période de vêlages à l’automne pour des raisons sanitaires. On avait beaucoup de problèmes respiratoires, de diarrhées, d’omphalites sur les veaux. Les années humides, c’était très compliqué. On a atteint 20 % de mortalité », commente Stéphane Labarrière. Afin d’endiguer le problème, tout un plan sanitaire a été mis en place conjointement avec le vétérinaire. Des prises de sang ont mis en évidence des carences en oligoéléments. Problème corrigé par une complémentation en cuivre et sélénium. La prise colostrale des veaux a ensuite été vérifiée même si elle est forcément aléatoire. « Les femelles vêlant la nuit à partir de novembre sont attrapées et traites pour redistribuer aussitôt le colostrum aux veaux, à la sonde. La journée, les nouveaux-nés sont mis à téter », précise l'éleveur. Tout un travail a enfin été réalisé pour améliorer l’ambiance du bâtiment. Construit en 2003 pour des animaux de 700 kilos, vêlant en janvier-février, la ventilation était insuffisante pour des femelles de 900 kilos à une tonne, mettant bas à l’automne. Des planches de bardage ont ainsi été coupées et les cornadis avancés de deux mètres pour augmenter la surface disponible par couple mère-veau. Les veaux sont par ailleurs vaccinés contre les troubles respiratoires, les mères contre les diarrhées virales et bactériennes. Les gestantes contre la BVD et le troupeau contre l’entérotoxémie.

Des génisses pesées régulièrement

« La construction d’un quatrième bâtiment près des autres est prévue pour ramener les génisses d’un à deux ans auprès du reste du troupeau. Les génisses logeant actuellement dans un bâtiment loué à 2,5 kilomètres, le vêlage à deux ans ne peut être envisagé. Ces dernières disposent d’une ration sèche à base de maïs broyé humide et de foin à volonté avec un correcteur azoté », souligne Franck Labarrière. Les femelles gestantes sont alimentées avec de l’ensilage d’herbe et de maïs. Les suitées reçoivent en complément un correcteur azoté et de l’enrubannage de luzerne. Un flushing avant la mise à la reproduction est par ailleurs effectué.

Les génisses sont pesées régulièrement, à la mise à l’herbe et à l’entrée en stabulation puis avant et après la mise à la reproduction. « Depuis trois ans, les femelles sont échographiées après mise-bas et à plus 35 jours de gestation. »

 

 

 

Des prairies bien conduites

Les herbages se situant dans les marais, les éleveurs ramènent les vaches prêtes à vêler dix jours avant terme pour éviter qu’un veau ne tombe dans un fossé. Les futures mères restent en bâtiment la nuit mais ont accès aux prairies la journée. Une fois le veau démarré, les couples repartent dans des herbages plus éloignés et ce, jusqu’à début novembre. Le troupeau est ensuite hiverné, hormis les génisses de deux ans et les gestantes qui peuvent, si les conditions le permettent, rester à l’herbe un mois supplémentaire, voire deux les années sèches. La mise à l’herbe débute ensuite fin mars - début avril selon les stocks de paille et la météo. « L’achat de paille (75 % des besoins) représente le point faible de notre système. »

Sur les 240 hectares de marais de l’exploitation, 150 sont engagés MAET ce qui implique une fauche après le 10 juin. « Cela n’impacte pas notre travail, exception faite l’année dernière où l’on aurait pu faucher début juin. Les parcelles d’herbe sont lentes à démarrer. Un apport de 30 à 35 unités d’azote sous forme d’ammonitrate fin février – début mars sur l’ensemble des prairies permet d’améliorer leur rendement à 7-8 tonnes de MS/ha. Elles reçoivent également un apport de compost à hauteur de 12 tonnes, tous les 2 à 2,5 ans. Une partie des parcelles est uniquement pâturée (110 hectares), en revanche, on évite la fauche exclusive. »

De nombreuses responsabilités à l’extérieur

Les ensilages sont riches en énergie et faibles en protéines (0,9 UFV en moyenne). La flore des parcelles est assez variée et dispose d’une proportion de trèfles assez intéressante. Les éleveurs pratiquent le pâturage tournant. En moyenne, le temps de séjour des bêtes est d’une semaine mais s’ajuste selon la taille des parcelles et la saison. Ils gèrent le stock sur pied ce qui leur a permis cette année de ne pas avoir à apporter de foin dans les parcelles. Au pâturage, les broutards mâles sont séparés des broutardes. Tous sont complémentés à l’herbe mais le nourrisseur des femelles est géré pour qu’elles ne fassent pas de gras. Le sevrage intervient à 8-9 mois.

Les exploitants travaillent par ailleurs beaucoup en Cuma pour optimiser les charges de mécanisation (moisson, épandage fumier, broyeur herbe/couvert, compost) et font appel à une entreprise pour les ensilages. « On ne cherche pas à avoir du matériel neuf mais performant et à coût raisonnable. On a par ailleurs des responsabilités à l’extérieur ce qui permet de nous ouvrir l’esprit et de rencontrer d’autres personnes d’autres milieux. »

Sur l’exploitation chacun a ses tâches spécifiques – Stéphane Labarrière gère le suivi de troupeau et l’administratif, Franck Labarrière, les cultures, le matériel et la comptabilité – mais chacun peut remplacer l’autre. Ainsi, du samedi midi au lundi midi, seul un des deux associés est d’astreinte.

Un système performant techniquement et économiquement

Chiffres clés 

2,75 UTH (Franck et Stéphane Labarrière, associés, et un salarié à 75%, préalablement apprenti et en phase d’installation sur l’exploitation de son père)
120 vêlages, naisseur-engraisseur sélectionneur
278 hectares de SAU, dont 240 de prairies permanentes dans les marais, 20 de blé, 15 de maïs (4 à 6 de maïs ensilage et le reste en grain) et 3 de luzerne
11 % de mortalité
394 jours d’IVV

Un atelier jeunes bovins à la place des bœufs

Entre 12 et 20 broutards sont commercialisés en direct à un engraisseur spécialisé de la plaine de Caen. « On a un contrat oral avec lui. On discute ensemble du prix mais depuis deux ans, il est fixé à 1030 € livré chez lui. » Les mâles sont sevrés avant qu’ils ne consomment trop de concentrés, en juin. Leur poids oscille alors entre 350 et 400 kilos. Mais depuis trois ans, Stéphane et Franck Labarrière se sont lancés dans la production de jeunes bovins à la place des bœufs. « On en engraisse une vingtaine. Ils sont vendus à un négociant qui les destine au groupe Bigard. Depuis deux ans, ils sont contractualisés à 4 €/kg carcasse. On signe un contrat à l’entrée en engraissement puis on les annonce 8 à 15 jours avant leur départ. Ils sortent entre 14 et 16 mois à un poids de 450 kg pour un GMQ moyen de 1950 g/jour. L’objectif est de monter à 40-45 jeunes bovins les prochaines années. Ils sont élevés avec du maïs broyé humide, un correcteur azoté et de la paille à volonté. Ils sont pesés à l’entrée en engraissement pour faire les cases. »

Avis d’expert : Perrine Géhin, conseillère viande bovine à la chambre d’agriculture de Normandie

 

 
Perrine Géhin, chambre d'agriculture de Normandie © DR
« La technique et l’économique sont un tout »

« Stéphane et Franck Labarrière sont deux éleveurs très dynamiques, toujours à la recherche de la meilleure valorisation pour leurs animaux. Autre fait remarquable sur l’exploitation, c’est leur quête continuelle d’amélioration technique mais attention, sans pour autant oublier l’économique ! La progression technique est toujours le fruit d’une réflexion économique préalable qui se retrouve dans leurs très bons résultats. Chaque dépense doit être rentabilisée. Ils font également preuve d’une grande ouverture d’esprit. Leur choix de racheter une boucherie s’avère payant aujourd’hui même si, au début, ce n’était pas évident. Franck et Stéphane sont par ailleurs toujours prêts à accueillir et transmettre leur passion. »

Une boucherie pour une meilleure valorisation des femelles

 

 
Le prix des femelles a été fixé à 4,20 €/kg carcasse quelle que soit la conformation pour ne pas impacter la marge de la boucherie qui doit encore rembourser un crédit. Avec la Covid-19, le chiffre d’affaires a augmenté de 20 %. © C. Delisle
Le prix des femelles a été fixé à 4,20 €/kg carcasse quelle que soit la conformation pour ne pas impacter la marge de la boucherie qui doit encore rembourser un crédit. Avec la Covid-19, le chiffre d’affaires a augmenté de 20 %. © C. Delisle
Il y a huit ans, Franck et Stéphane Labarrière ont pris des parts dans une boucherie, à Dozulé, à une dizaine de kilomètres de l’exploitation. « Depuis 2003, nous commercialisions nos 20 à 25 bœufs là-bas. Au départ du boucher propriétaire, son salarié ne pouvait reprendre. Aussi, nous nous sommes associés et avons créé une Sarl à quatre (le boucher salarié, sa femme et nous deux). Nous avons apporté la crédibilité bancaire, eux le travail », explique Stéphane Labarrière.

 

Le marché de la femelle n’étant pas rentable, les bœufs prenant de la place dans les bâtiments, les éleveurs ont décidé de les commercialiser à la boucherie et de produire des taurillons à la place des bœufs pour gagner en durée d’engraissement et faire des économies de prairies pour les valoriser différemment.

Une belle aventure humaine

 

Pour maintenir leurs débouchés, les deux cousins se sont associés au salarié de la boucherie de Dozulé. Après des débuts un peu difficiles, les associés ont trouvé leurs marques. De l’achat de piécés en complément permet d’ajuster les stocks. Le boucher gère les achats, la découpe, la maturation. « Nous, on s’occupe de la gestion administrative, de la gestion du personnel. On passe régulièrement pour la relation clients. C’est une belle aventure humaine », soulignent les éleveurs.

A côté des vaches de réforme de l’exploitation, les clients peuvent trouver de l’agneau de pré-salé, de la volaille et des œufs locaux (en direct producteurs), du porc de Mayenne et des veaux label rouge de Corrèze.

Hors saison, la boucherie écoule une bête tous les quinze jours, en saison haute, une par semaine.

En 2015, un second point de vente, plus petit, a ouvert à Houlgate.

 

 

 

 

 

 

 

Lire aussi : A Varaville, marées contre marais, la digue ne fait plus le poids

 

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