Une distribution alimentaire profondément chamboulée
La crise du coronavirus rebat les cartes de la distribution alimentaire. Les ventes en hypermarchés s’érodent. Les drives et les circuits de proximité en profitent. Les craintes portent sur les conséquences de la récession annoncée et son impact sur le pouvoir d’achat.
La crise du coronavirus rebat les cartes de la distribution alimentaire. Les ventes en hypermarchés s’érodent. Les drives et les circuits de proximité en profitent. Les craintes portent sur les conséquences de la récession annoncée et son impact sur le pouvoir d’achat.
Depuis le 16 mars, le confinement a d’énormes répercussions sur le secteur de l’alimentation. La semaine du 16 au 22 mars s’est traduite par une progression historique du chiffre d’affaires des différentes enseignes de la grande distribution. Selon Nielsen, une société d’analyse et mesure des données de consommation, la progression des ventes était encore de + 6,5 % en valeurs au cours de la semaine du 30 mars au 5 avril comparativement à la même semaine de l’an passé. La progression avait été encore plus nette les semaines précédentes.
Malgré cet accroissement de la demande tout aussi sensible que brutal, les circuits de production et de distribution ont tenu le choc. La « pénurie » constatée dans certains rayons n’a guère duré. Travailler en flux tendu avec une partie des stocks qui roulent sur les camions peut sembler fragile mais cette stratégie n’en demeure pas moins efficace, du moins tant que les camions continuent de rouler ! La progression des ventes a d’abord concerné les produits de première nécessité (voir graphique ci-joint). Si la diversité des gammes de produits disponibles a momentanément pu être pénalisée, tout risque de disette a vite été écarté, du moins à court terme.
Progression du drive et des magasins de proximité
Confinés depuis plus d’un mois, les Français prennent la quasi-totalité de leurs repas à domicile. La restauration hors foyer (RHF) se cantonne à de rares collectivités (armées, hôpitaux, établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes…) et à quelques restaurants proposant un service de vente à emporter. Désormais, ce qui n’est plus consommé dans la RHF l’est à la maison, à partir d’aliments pour une bonne part achetés en grande distribution.
Selon la dimension des magasins et leur localisation, les parts de marché des différents points de vente ont été chamboulées en un temps record. Les consignes de confinement et la menace de verbalisation pour tout déplacement non justifié incitent à faire ses courses au plus près ou à se faire livrer. La crise du coronavirus pénalise les hypermarchés situés aux périphéries des grandes agglomérations dans la mesure où il est difficile d’y avoir recours sans utiliser un véhicule. Selon Nielsen, au cours de la première semaine d’avril (du 30 mars au 5 avril), les hypermarchés ont été boudés avec des ventes en recul de 13,4 % pour ceux de plus de 3 500 m2. Et de rappeler que « seuls 6 % des Français vivent à moins de 5 minutes d’un hypermarché ». Pour cette même première semaine d’avril, les grandes tendances de consommation ont été similaires à celles déjà constatées lors des précédentes. Le drive (+ 78,3 %) et les livraisons à domicile (+ 77,5 %) demeurent en forte progression comparativement aux mêmes périodes de l’an passé. L’e-commerce représente désormais 10,6 % des ventes de produits de grande consommation. Sa part de marché était de 6,1 % début février. Les magasins de proximité développent également leur vente. Les mesures de confinement recommandent aux Français de se rendre dans les points de vente les plus proches de chez eux. Elles favorisent les supermarchés et supérettes proches des zones résidentielles et des centres-villes. Dans les linéaires, ce sont les surgelés, tant salés (+ 32 %) que sucrés (+ 17 %), qui ont été fortement plébiscités. Viennent ensuite les rayons crémerie (+ 17 %), l’épicerie salée (+ 14 %), puis l’épicerie sucrée (+ 9 %). Le secteur le plus pénalisé est celui des vins, spiritueux et champagne. Parmi les boissons alcoolisées, seule la bière tire son épingle du jeu.
Les citadins ont fui les centres-villes
À cela sont venus s’ajouter les mouvements de population au cours des jours qui ont suivi la mise en place du confinement avec en particulier l’« exode » des habitants des grandes agglomérations désormais réfugiés dans leur résidence secondaire pour passer la durée du confinement dans des conditions plus agréables. Un million de Parisiens ou de Franciliens auraient quitté la capitale. Cet exode urbain a eu un impact dans certains départements. Les ventes de produits de grande consommation ont augmenté de 49 % dans le Lot, de 47 % dans l’Ariège, de 45 % dans les Landes et les Pyrénées-Atlantiques. Le boom se chiffre à 60 % pour les villes comptabilisant plus de 50 % de résidences secondaires et les stations balnéaires comme Ré et Oléron, avec un pic à 70 % sur le bassin d’Arcachon. A contrario, les commerçants des beaux quartiers du cœur de Paris ont clairement ressenti la « fuite » de leurs acheteurs habituels.
Profonde récession annoncée
Les interrogations portent désormais sur les conséquences économiques de ces deux mois d’inactivité forcée. Le monde entier est entré dans une profonde récession dont il est encore impossible de chiffrer l’ampleur. « L’impact économique sera massif, très négatif et brutal », a prévenu le 8 avril Édouard Philippe. Mi-avril, 8 des 20 millions de salariés du secteur privé étaient au chômage partiel et 700 000 entreprises y avaient recours. Bien des interrogations portent sur les mesures mises en place pour faire face à l’ampleur de cette crise. Quel effort financier supplémentaire va-t-il être demandé aux Français ? Sous quelle forme ? Quelles seront les conséquences sociales de l’annonce de ces mesures ? Quelles seront leurs répercussions sur le pouvoir d’achat des Français et par ricochet sur le contenu de leurs assiettes ? Le second semestre 2020 sera loin d’être un long fleuve tranquille !