Un recensement agricole argentin capital à plus d’un titre
En cours de réalisation, les résultats du recensement agricole argentin vont poser les bases des futures politiques agricoles du pays. Pourtant, le sourire des deux éleveurs interrogés en dit long sur le recensement agricole auquel ils viennent de répondre. Le dernier recensement agricole effectué en Argentine datait de 2002 et celui de 2008 a été marqué par le refus massif des agriculteurs d’y participer suite à un long conflit syndical. Déjà à l’époque, le “modèle du tout-soja” avec de 60 à 70 % des champs loués à l’année s’était affirmé.
En Argentine, il y avait, d’après les chiffres officiels, 421 221 exploitants agricoles en activité en 1988 et 333 533 en 2002. Seraient-ils aujourd’hui environ 300 000 sur 190 millions d’hectares, comme le prévoit l’institut de statistiques argentin (Indec) ?
Pour les éleveurs de vaches allaitantes, la “photo” du recensement aura été prise le 30 juin 2018 avec les donnés sur leur cheptel, leurs pratiques, leurs employés,… “Toutes les exploitations de plus d’un demi-hectare ont été recensées, jusqu’aux entreprises louant à l’année plusieurs milliers d’hectares. Nous avons déjà reçu [en février] 80 % des réponses”, précise Roberto Bisang, le directeur du recensement, qui nous reçoit dans son bureau à Buenos Aires.
Lui-même est éleveur de vaches angus. On aurait dû lui demander combien il en possède. Car il n’a pas répondu au formulaire qu’il a lui-même élaboré. C’est son vacher qui a été recensé. Pour l’Indec, en effet, le “producteur” est le propriétaire des terres ou du cheptel, mais c’est le “preneur de décisions”, donc souvent un employé, qui est consulté.
Le formulaire en question est un logiciel web avec un volet de géolocalisation. Mais il n’a rien d’une déclaration PAC. Anonyme et secret, comme il se doit, ce recensement est aussi imprécis par l’absence de vérification des données et le flou de la notion d’exploitant.
“Les employés des entreprises de semis qui opèrent dans toute l’Argentine ne savent même pas pour qui ils travaillent vraiment !”, râle Pedro Peretti, de la Fédération agraire argentine. On ne saura toujours pas qui sont les propriétaires des terres. Ce recensement ne résoudra donc pas le problème de la rente qui détermine leur usage par ces structures financières employant ponctuellement peu de main-d’œuvre”, dit-il.
Les résultats du recensement seront connus en mai prochain. “Nous saurons si la concentration de la production de grains s’est accélérée, ou non, et si l’élevage de bovins est de retour, ou non, en région pampéenne”, commente Julio Calza de la Bourse du commerce de Rosario.
M.-H. André