Chez Florent Calmès : simplifier le travail pour gérer seul un cheptel de 125 vaches
Florent Calmès, installé dans l’Aveyron, ne fait pas de compromis sur le résultat économique mais a fortement simplifié le système fourrager et la conduite du troupeau pour gagner du temps.
Florent Calmès, installé dans l’Aveyron, ne fait pas de compromis sur le résultat économique mais a fortement simplifié le système fourrager et la conduite du troupeau pour gagner du temps.
Florent Calmès ne recule pas devant des décisions radicales, quitte à susciter des interrogations autour de lui. Récemment, il a supprimé 25 hectares de céréales pour mettre une quinzaine de vaches supplémentaires. Éleveur à Saint-Just-sur-Viaur, dans l’Aveyron, il élève désormais 125 Limousines. Il y a un peu plus de vingt ans, il avait déjà liquidé un cheptel ovin en sélection pour mettre à la place des vaches. « L’idée de supprimer les céréales germait dans ma tête depuis dix ans. Mais, il n’est pas évident de changer les habitudes. » Ses choix visent toujours à simplifier le travail. Il conduit seul son cheptel et trouve encore du temps pour exploiter du bois, une de ses passions, pratiquer des activités sportives ou encore chasser le sanglier. L’animal, qui se réfugie dans les fonds de vallées escarpées et boisées, fait beaucoup de dégâts. D’ailleurs, la suppression des céréales tient d’abord à la qualité de ces petites terres schisteuses très sensibles à la sécheresse. Les rendements ne dépassent guère 50 q/ha. Cultiver des céréales dans des conditions aussi aléatoires ne lui paraissait pas rentable. « Ici, on n’est pas dans la Beauce, mais dans les bosses », plaisante-t-il.
Produire le maximum de fourrages au printemps
Depuis cinq ans, il pratique le semis direct, reconnaissant toutefois avoir pris avec cette technique « quelques bouillons ». Avec des terres très hétérogènes — argileuses, caillouteuses ou limoneuses — pas facile de trouver ses repères. « En sol argileux, les fenêtres pour réussir le semis direct sont plus courtes », confirme Jean-Christophe Vidal, conseiller réseau Inosys à la chambre d’agriculture. Mais, l’éleveur persévère pour l’implantation des prairies. Sur les 107 hectares de SAU, 39 ne sont accessibles que pour épandre l’engrais et sont destinées à la pâture. Pour le reste, il se cherche encore. Il envisageait de ne mettre que des prairies temporaires de longue durée, à base de fétuque et de ray-grass anglais. Mais, le changement climatique et son système basé sur des vêlages de fin d’été, qui exige des stocks importants et de qualité, l’incitent à remettre des ray-grass hybrides pour produire le maximum de fourrages au printemps. De plus, cette espèce est un peu plus facile à maîtriser en non-labour. Quelque 50 hectares sont récoltés en enrubannage et 35 ha en foin de deuxième coupe. Il fait aussi 17 ha de foin de première coupe après déprimage par les génisses pleines.
85 % des veaux naissent en un mois et demi
Pour la conduite du cheptel, la simplification du travail est aussi de mise. « Ce n’est pas aux petits oignons chez moi, admet-il. Mon objectif est d’avoir un veau par vache et par an. C’est le critère qui rapporte le plus. » En 2018, la productivité globale du cheptel (nombre de veaux sevrés/effectif moyen présent) était de 94 %. Cette simplification passe d’abord par un groupage assez exceptionnel des vêlages : 85 % des veaux naissent de mi-août à fin septembre. Ainsi, il évite les habituelles pathologies du vêlage et ne sort pas les veaux au printemps. Ils sont repoussés en stabulation. Toutes les vaches sont croisées avec des taureaux de race Blonde d’Aquitaine. « Je rentre les vaches le 1er novembre, je mets le taureau et je le laisse jusqu’aux premiers vêlages, explique-t-il. Je réforme toutes celles qui vêlent après la fin octobre. » Été comme hiver, les mères sont conduites en cinq lots. En procédant ainsi, celles qui vêlent en août ont tendance à se retarder un peu car elles reviennent en chaleur avant la mise en service des taureaux. Les chaleurs suivantes sont un peu moins favorables car « le veau tire ». Mais, elles se rattrapent sur les vêlages suivants. Par contre, les dernières ont tendance à s’avancer. Ce qui donne au final un intervalle vêlage - vêlage moyen de 370 jours.
Cures de sélénium : « c’est le jour et la nuit »
Deux cures de sélénium sont effectuées 15 jours avant et trois semaines après les premiers vêlages et une troisième début novembre pour la reproduction. « Depuis que je fais ces cures, c’est le jour et la nuit. Nos sols sont très carencés. Les vêlages, les délivrances, tout se passe beaucoup mieux », assure l’éleveur. Avant le vêlage, en été, les vaches sont alimentées avec du foin, sécheresse oblige, et dès qu’elles rentrent, voire avant s’il n’y a plus d’herbe, avec de l’enrubannage de ray-grass « récolté de bonne heure » pour préparer la reproduction. Les primipares sont complémentées avec 1,5 kg d’aliment par jour. Au printemps, les vaches sont conduites en pâturage tournant avec un bloc de parcelles contiguës dédié à chaque lot pour faciliter les rotations. Les lots sont constitués selon la taille de chaque bloc. « Le pâturage est assez facile à organiser. Nous avons fait des échanges de parcelles avec des voisins. Je n’ai besoin de personne pour changer les bêtes, indique l’éleveur. Ça tourne comme du papier à musique. »
Achat de tout le renouvellement
Le choix du croisement ? « Quand j’ai démarré en 2012, il y avait beaucoup d’effervescence autour de la Blonde. J’ai fait ce choix aussi par rapport au phénomène d’hétérosis et pour avoir davantage de croissance. » Les taureaux, tous issus de l’IA, sont choisis en priorité sur la facilité de naissance. L’éleveur ne produit donc pas son renouvellement. Tous les ans, fin octobre, il achète 20 à 25 génisses prêtes à saillir chez le même éleveur de la Haute-Vienne. « C’est un ancien sélectionneur qui travaille comme moi avec des animaux typés mixte élevage qui ont une bonne prolificité et du lait. » Des génisses qui coûtent un peu moins de 1 400 euros. « À ce prix-là, faut-il s’embêter à les élever ? », dit-il.
5 heures de travail d’astreinte par UGB
Son système avec des vêlages précoces est certes coûteux en stock (2,6 t MS/UGB). Mais, l’éleveur a simplifié la distribution dans la stabulation principale. Il a prévu une auge large et profonde dans laquelle il décharge des balles d’enrubannage (10 pour 80 vaches). Il les renouvelle tous les deux ou trois jours au fur et à mesure que l’auge se vide. Par contre, il paille une à deux fois par jour. La distribution de l’aliment aux veaux est entièrement automatisée à partir d’une fabrique d’aliment, qui ne sert plus que pour alimenter les nourrisseurs. « Ça m’a coûté 6 900 euros, mais c’est le meilleur investissement que j’ai fait dans ma stabulation », dit-il. Un bilan a montré, il y a quelques années, qu’il consacrait moins de 5 heures par UGB au travail d’astreinte. C’est très peu. La référence pour cette taille de cheptel est de l’ordre de 13 à 15 heures. Selon les périodes, le travail d’astreinte quotidien va d’une heure (en été) à deux heures trois quarts par jour (pendant les vêlages) : « je vois les vaches trois fois par jour à cette période ». « Le bois, c’est pour m’amuser. Sinon, je m’ennuierais. »
5 heures de travail d’astreinte par UGB
Chiffres clés
Repousse des veaux et engraissement des réformes
Les veaux sont sevrés le jour de la mise à l’herbe des vaches (vers le 20-25 mars), vaccinés contre la FCO (sérotype 8) et repoussés pendant quatre mois en moyenne dans la stabulation principale où l’alimentation est automatisée. La plupart sont vendus en juillet-août. Depuis qu’il ne produit plus de céréale, l’éleveur a légèrement réduit le poids : il vise 410 kg pour les mâles et 370 kg pour les femelles. Il n’y a pas d’à-coup dans l’alimentation. La repousse se poursuit avec l’aliment complet (0,95 UF et 16 % MAT) à volonté qu’ils consommaient avant le sevrage et se termine avec un aliment d’engraissement (1,05 UF et 10 % MAT).
Florent Calmès engraisse une vingtaine de vaches de réforme par an, dont 4 à 6 pour les magasins de vente directe du groupement Unicor, les Halles de l’Aveyron. L’engraissement de celles qui se sont trop décalées démarre pendant la gestation et se poursuit pendant l’allaitement. « J’engraisse la mère et le veau en même temps et je vends ce dernier plus tôt si la vache est prête. L’an dernier, au 1er novembre, il restait de l’herbe quand j’ai rentré le troupeau. Pour ne pas la gaspiller, j’ai laissé les retardataires et les vaches vides dehors. À la fin de l’hiver, elles étaient vraiment en état, il n’a pas fallu longtemps pour les finir. Et, les veaux étaient en pleine forme », explique l’éleveur.
Prévention sanitaire à base de produits naturels
L’éleveur n’administre pas de traitement antiparasitaire classique mais fait des cures de compléments nutritionnels pour les vaches et les veaux. Le produit est distribué avec la pompe doseuse de la stabulation. Les génisses ont été vermifugées avant l’achat. Il utilise aussi des seaux à lécher à base d’ail contre les tiques. Quand le temps est froid et humide, il fait une nébulisation d’huiles essentielles dans les stabulations.
Jean-Christophe Vidal, conseiller à la chambre d’agriculture
« Une productivité du travail exceptionnelle »
« Les exigences de Florent sont claires : tout ce qu’il fait ne doit pas être trop coûteux en temps. Il essaie de simplifier dans la mesure du possible, y compris la conduite technique, sans pour autant tomber dans le non-résultat. Il recherche le bon compromis. Il gère 125 vaches seul et produit 40 tonnes de viande vive par UMO. Peu d’exploitations parviennent à un tel niveau de productivité du travail. En règle générale, dans un système bien conduit, on est plutôt entre 25 et 30 t/UMO. Ces résultats sont d’autant plus remarquables que le cheptel n’est pas vieux : en 20 ans, il est passé de zéro à 125 vaches. La marge brute se situe autour de 600 euros/UGB. C’est très correct. Son système à base de stocks pèse un peu mais il n’est pas coûteux en distribution. La conduite du pâturage est optimale au vu des contraintes du terrain. Toutes les unités d’azote – 55 unités en moyenne – sont valorisées, ce qui permet d’atteindre un chargement de 1,4 sur des sols peu profonds. Sur le plan technico-économique, la marge de manœuvre est limitée pour progresser encore. Le revenu disponible est un peu plombé par des annuités relativement lourdes (42 000 euros), conséquence d’investissements dans une stabulation très fonctionnelle et dans des équipements performants pour simplifier le travail. »