[Réchauffement climatique] Les questions à se poser avant d’acheter des ventilateurs
Bien évaluer l’impact du stress thermique dans son élevage et optimiser la ventilation naturelle du bâtiment est la meilleure façon de raisonner ses investissements à bon escient.
Bien évaluer l’impact du stress thermique dans son élevage et optimiser la ventilation naturelle du bâtiment est la meilleure façon de raisonner ses investissements à bon escient.
« Une des premières questions à se poser pour évaluer l’ampleur du stress thermique est : pendant combien de jours la température reste au-dessus de 22 °C y compris la nuit ? », indique Bertrand Fagoo, de l’Institut de l’élevage. Si la situation est jugée suffisamment critique sur le plan météo, il faudra réfléchir à ce qu'il est possible d’améliorer notamment du côté de la ventilation naturelle du bâtiment et du rayonnement direct et indirect du soleil avant d’acheter des ventilateurs mécaniques.
La conduite d’élevage a également son importance. « Des troupeaux en moins bonne forme avant une vague de chaleur vont souffrir davantage. Il convient donc d’abord d’améliorer leur état de forme avant l’investissement dans du matériel, au risque d’être déçu. »
Les solutions d’aménagement proposées doivent répondre à des critères techniques mais aussi aux souhaits des éleveurs. Pour y parvenir, Denis Denion, consultant Nutrition et Robot chez Seenovia, s’appuie sur un audit de l’élevage. Évaluer l’effet sur la production laitière, les taux, les performances de reproduction en été, la rumination et l’ingestion permet de qualifier le degré d’impact du stress thermique.
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« Si la baisse de lait n’est que de 1 à 2 kg par vache et que cela ne dure que deux ou trois jours par an, l’impact du stress thermique est faible. » La prise en compte des boiteries est également un bon indicateur. Quand une vache est couchée, un tiers de sa surface corporelle n’est plus en contact avec l’extérieur. Quand elle a trop chaud, une vache a tendance à rester debout pour essayer de diminuer sa température corporelle. La position debout prolongée peut provoquer des boiteries.
Autre impact, la baisse d’ingestion en période de stress thermique va conduire à une mobilisation des réserves corporelles y compris au niveau du coussinet plantaire de la vache. « Combinée à une position debout prolongée, cela va amplifier les boiteries sur l’automne », prévient Denis Denion. Plus généralement, l’observation du comportement des animaux (temps passé debout, regroupement dans certaines zones…) est très instructif.
Une visite méticuleuse du bâtiment et du site
Les visites du site et des bâtiments permettent d’évaluer si de simples modifications suffiront pour améliorer la situation ou s’il faut envisager d’investir dans des ventilateurs mécaniques. En termes d’ambiance, la conception d’une stabulation doit répondre à deux enjeux : permettre une bonne ventilation naturelle et limiter les excès de rayonnement direct et indirect du soleil. Mais attention à ne pas tout gâcher par la présence d’obstacles au vent (autres bâtiments, haies à proximité…). « Dans l’absolu, il ne faudrait pas d’obstacle à moins de 30 mètres des bâtiments pour ne pas pénaliser leur ventilation. En réalité dans nos conditions, cela est rarement possible. Un minimum de 15 mètres serait souhaitable », précise Bertrand Fagoo.
L’agrandissement des troupeaux rime fréquemment avec construction de nouveaux bâtiments sur le site. Denis Denion met en garde contre la tentation de construire une nouvelle stabulation, par exemple pour des génisses, en face de celle des vaches pour partager le même couloir d’alimentation. « Même si vous enlevez une partie de l’ancien bardage, cela ne suffira pas pour compenser la perte de ventilation naturelle. »
La présence de moisissure ou de toiles d’araignées sur la toiture, la concentration d’animaux dans certaines zones quand il fait chaud et l’odeur d’ammoniac font partie de la check-list des observations.
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Les anciennes stabulations ayant souvent été conçues sans tenir compte du stress thermique en période estivale (excès de bardage…), l’audit amène dans beaucoup de situations à imposer des aménagements. « Certains éleveurs attachent beaucoup d’importance à l’esthétique de leur bâtiment. Dans ce cas, ils ne veulent pas modifier son aspect extérieur. Ils choisissent alors d’installer des ventilateurs mécaniques. Mais cette solution ne sera efficace que si le bâtiment est relativement ouvert. A contrario, d’autres préfèrent réaliser des modifications sur le bâtiment plutôt que d’investir plus », constate Denis Denion.
Cette seconde solution est à privilégier. « Si vous vous contentez d’installer des ventilateurs, il se peut que dans les années à venir, si le réchauffement climatique s’intensifie, cela ne soit plus suffisant pour obtenir une ventilation adéquate », argumente-t-il.
La pose de ventilateurs représente un coût et donne parfois des résultats décevants, comme l’ont constaté les conseillers (Institut de l’élevage et organismes de conseils) participant au projet dédié aux bâtiments d’élevage de demain, financé par le Cniel. C’est notamment le cas lorsque les caractéristiques du ventilateur et/ou leur installation ne sont pas adaptées à la problématique (pas assez de ventilateurs, anciens modèles peu performants…).
Une large palette de solutions pour bien aérer
Les solutions d’aménagements pour apporter de la vitesse d'air sans chaleur supplémentaire en été sont nombreuses. La plus radicale consiste à enlever tous les bardages. Le bâtiment parasol n’est pas réservé qu’aux élevages israéliens, italiens… Cette solution peut parfois s’envisager quand le site est naturellement protégé des vents dominants (fond de vallée…). Attention toutefois à ne pas augmenter le rayonnement direct ni l'impact des intempéries côté ouest. Autrement dit, mieux vaut réserver les ouvertures aux côtés nord et est.
Plus généralement, le démontage partiel des bardages installés sur les long-pans ou les pignons représente une alternative intéressante. Retirer une planche sur deux d’un bardage en bois côtés nord et est est envisageable. Il est également possible de faire des trappes amovibles dans le bardage. Ce dernier peut également être remplacé par des rideaux amovibles. Le bémol de cette solution, c’est son prix. « Il varie entre 70 et 140 euros par mètre carré selon les modèles et les options. Mais cela permet d’apporter de la lumière latéralement et de compenser l’obturation des translucides en toitures pour réduire le rayonnement », précise Bertrand Fagoo.
La limitation du rayonnement direct et indirect du soleil est en effet un autre enjeu pour diminuer le stress thermique. Parmi les solutions envisageables, un débord de toiture côté sud, correctement dimensionné, permettra au soleil d’hiver d’entrer dans le bâtiment et apportera de l’ombre en été. Par ailleurs, les murs en béton sont à proscrire, en particulier côtés sud et ouest. « La chaleur est absorbée par le mur durant tout l’après-midi et jusqu’au soir. Et il la restitue la nuit. »
Si la qualité de conduite d’élevage et les aménagements réalisés dans le bâtiment ne suffisent pas, alors l’option pose de ventilateurs mécaniques s’impose.
À retenir
L’installation de ventilateurs n’est pas une solution miracle. Elle ne peut donner satisfaction que si la ventilation naturelle du bâtiment est déjà correcte.
Mise en garde
La création d’une ouverture (bardage amovible…) pour améliorer la ventilation naturelle ne doit pas contribuer à augmenter le rayonnement.
Côté web
Suite au programme « Bâtiments d'élevage de demain », le Cniel propose sur son site deux documents de synthèse : Améliorer le confort thermique des vaches laitières en bâtiment en période chaude et Plan d'action pour adapter son bâtiment d'élevage laitier aux conditions chaudes estivales.
Un système de refroidissement défaillant chez les bovins
« Ce n’est pas parce que vous avez froid dans la stabulation en hiver que les vaches ou génisses partagent cette même sensation. Ce ressenti pousse parfois à trop fermer les bâtiments », constate Denis Denion.
Une vache adulte est dans sa zone de confort avec des températures comprises entre 2 et 15°C. « Une vache a besoin de se refroidir parce qu’elle produit beaucoup de chaleur par son processus de digestion. Le phénomène est aggravé par son insuffisance respiratoire. Au final, elle commence à être en stress thermique à partir de 22 °C si l’hygrométrie dépasse 50 %. »