Monitoring : des caméras intelligentes pour analyser le comportement des jeunes bovins
Combiner la technologie vidéo et l’intelligence artificielle pour analyser le comportement des bovins, sans risque pour les observateurs : les premiers essais menés en atelier d’engraissement explorant cette piste sont prometteurs.
La technologie vidéo, combinée à l’intelligence artificielle (IA), peut-elle aider l’éleveur à mieux cerner les comportements de ses animaux et à repérer précocement d’éventuels troubles ? Les résultats obtenus dans le cadre du projet BeBoP (Bien-être des bovins en parc d’engraissement) (1), qui touche à sa fin, vont dans ce sens. « Le projet n’est qu’au stade de la preuve de concept, mais les perspectives sont prometteuses », confirme Agathe Cheype, responsable de ce programme Casdar à l’Institut de l’élevage.
L’enjeu est particulièrement sensible en atelier d’engraissement, où les compétitions pour l’accès à l’espace, à l’alimentation et à l’abreuvement sont fortes. De même, les risques liés à l’entrée dans les parcs lors des visites de routine, et la difficulté à observer efficacement l’ensemble des animaux répartis en lots rendent délicates l’évaluation de leur bien-être.
Un algorithme d’apprentissage supervisé
À partir de novembre 2020, la ferme expérimentale des Établières, en Vendée, et la station d’évaluation de France limousin sélection à Lanaud, en Haute-Vienne, ont été équipées de caméras, positionnées au-dessus de douze cases de six à quinze taurillons de race charolaise ou limousine. « À partir d’images captées en continu, l’objectif est de créer un modèle prédictif permettant de repérer les modifications de comportement par rapport aux données de référence », explique l’experte. Grâce à la technologie de Deep Learning (2), l’entreprise NeoTec-Vision a travaillé sur la mise au point d’un algorithme capable de localiser chaque bovin dans la case, de détecter sa posture et de classifier son activité/comportement. Ainsi, pour les activités statiques, telles que le temps passé debout, couché, à boire ou à manger, 790 images ont été annotées par l’équipe du projet BeBoP et comparées à l’interprétation par le logiciel. S’agissant des activités dynamiques, décrivant plutôt des interactions sociales, des séquences d’imagettes associées à un comportement d’intérêt ont été extraites et analysées.
Les activités dynamiques donnent du fil à retordre
Dans le cadre de ces essais, les résultats de prédiction font ressortir une sensibilité et une précision très variables en fonction de la complexité des scènes à analyser. « Les prédictions sont meilleures sur l’analyse des activités statiques comme les postures et l’ingestion par rapport aux dynamiques comme les léchages par exemple », souligne Jérôme Manceau, de NeoTec-Vision. L’acquisition croissante de données, mettant en scène une diversité de situations (races, âges et gabarits différents des jeunes bovins selon leur stade d’engraissement, configuration des bâtiments…), dans des conditions journalières variées, et la prise de vue à partir de plusieurs caméras, devraient permettre d’améliorer ces seuils et de compléter la phase d’apprentissage de l’algorithme.
« L’idée est de transformer les images et séquences vidéo produites en indicateurs valorisables et utilisables par l’éleveur. Les possibilités à explorer en lien avec le bien-être sont multiples », indique Agathe Cheype, qui évoque le temps de repos, les durées d’ingestion et d’abreuvement mais aussi, pour aller plus loin, la fréquence de changements de posture, la synchronisation de groupe ou encore l’exploitation de la surface disponible par les animaux. « Nous espérons parvenir à l’analyse de comportements plus fins tels que les stéréotypies, furtives et jusqu’ici peu étudiées », reprend l’experte. L’automatisation de la lecture d’images par l’IA ouvre le champ à d’autres usages possibles, en lien avec la santé notamment. « L’algorithme sera-t-il apte à repérer de façon fiable des symptômes cliniques respiratoires ? », interroge-t-elle. Le processus est long et méticuleux.
Observer sans déranger
« La caméra présente en tout cas l’intérêt d’être un matériel fixe, sur lequel l’éleveur n’a pas besoin d’intervenir, et peu coûteux (autour de 150 euros par caméra auxquels il faut ajouter la pose en hauteur et le calculateur) », fait savoir Vincent Gauthier, de NeoTec-Vision. « C’est aussi un équipement en mesure d’observer les comportements cachés, sans déranger », ajoute Xavier Boivin, éthologiste à l’Inrae. Reste à savoir à combien sera estimé le coût de cette technologie intelligente si elle est rendue utilisable en routine dans les élevages.