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Maladies respiratoires : quels agents circulent en atelier d’engraissement ?

Malgré les efforts, les troubles respiratoires restent une problématique forte en atelier d’engraissement. La recherche se poursuit pour mieux connaître les agents viraux et bactériens présents, évaluer l’intérêt de leur prévention et détecter les troubles toujours plus précocement.

Quels sont les virus et les bactéries responsables des troubles respiratoires en atelier d’engraissement ? Lors d’une étude menée sur 650 jeunes bovins issus de neuf élevages différents à l’hiver 2022-2023 (1), les PCR réalisés sur les animaux malades ont identifié certains agents avec une fréquence plus élevée par rapport à leur arrivée sur l’atelier : Mycoplasma bovis était le plus souvent retrouvé, suivi par différentes espèces de pasteurella, dont Mannheimia haemolytica et Histophilus somni, ainsi que le virus respiratoire syncytial bovin (VRSB) (voir tableau).

L’analyse par Zoetis de prélèvements respiratoires profonds réalisés entre janvier 2020 et mars 2023 sur des jeunes bovins malades dans 115 ateliers d’engraissement identifie ces mêmes pathogènes : « Une analyse sur deux est positive au VRSB, et plus de trois analyses sur quatre pour Mycoplasma bovis », dévoile Stéfanie Bernheim, responsable technique du fabricant pharmaceutique. La présence des agents dans les poumons suggère leur implication dans les troubles respiratoires profonds.

« Ces pathogènes circulent également en élevage naisseur, mais leur prévalence apparente est particulièrement importante en atelier d’engraissement », souligne Stéfanie Bernheim.

La détection précoce, le nerf de la guerre

Dans l’étude Septime, le VRSB et la pasteurelle Mannheimia haemolytica étaient détectés dans 7,9 % et 14,3 % des PCR sur animaux malades, malgré des séroconversions de 41,2 %. Cependant, une partie des lots étaient vaccinés contre ces agents, ce qui peut expliquer en partie cette montée en anticorps, et donc cet écart. L’expression clinique et les lésions pulmonaires dépendent de nombreux critères tels que l’agent en cause et son niveau de pathogénicité, l’immunité et l’état de santé global de l’animal. « Il est également possible que l’impact clinique du VRSB ait été sous-estimé étant donné sa durée d’excrétion courte par rapport aux autres agents », commente Carole Toczé, vétérinaire à l’Institut de l’élevage (Idele). « Quand l’animal malade est prélevé, l’agent initiateur de la maladie peut être toujours présent, mais peut aussi avoir disparu. Les stratégies de traitements et les protocoles de prévention (vaccination, biosécurité…) tiendront compte de ces résultats d’analyses, qui permettent d’avoir un premier éclairage sur les agents circulants, mais la prise en compte des antécédents sanitaires dans l’élevage et des différents facteurs de risque à maîtriser est aussi cruciale pour une meilleure maîtrise de ces maladies. »

Thibault Jozan, vétérinaire responsable technique chez MSD Santé animale, précise que « les infections virales primaires peuvent passer inaperçues s’il n’est pas possible de prélever plusieurs animaux en début d’infection ». Les virus comme le coronavirus (BCoV) et le parainfluenza 3 (Pi3) peuvent par exemple générer une infection de l’appareil respiratoire supérieur et favorisant des coinfections et surinfections bactériennes plus profondes. « Le Pi3 ne provoque pas toujours beaucoup de symptômes, il génère donc moins de prélèvements », bien qu’il circule dans les élevages, comme le montrent les taux de conversion en ateliers naisseurs et engraisseurs. « Pourtant, il abîme l’épithélium respiratoire, qui est le mécanisme d’évacuation des pathogènes hors des poumons, et détruit les macrophages alvéolaires qui participent à la défense immunitaire pulmonaire », illustre Arnaud Bolon, vétérinaire chez Boehringer Ingelheim.

Les virus circulent avant même le sevrage en ateliers naisseurs-engraisseurs

Dans le cadre de l’étude Septime, à l’arrivée en ateliers d’engraissement, des coronavirus et Pasteurella multocida étaient détectés par PCR au niveau nasal chez 59,4 % et 51,4 % des jeunes bovins respectivement. « Le coronavirus est de plus en plus souvent détecté lors des analyses », souligne Carole Toczé.

Le risque d’infection des veaux se révèle élevé dès l’automne, et avant même le sevrage comme le souligne une étude de thèse vétérinaire de l’École nationale vétérinaire de Nantes (Oniris) conduite conjointement avec des cliniques vétérinaires de l’ouest de la France et le laboratoire pharmaceutique MSD Santé animale. Le suivi a concerné quinze élevages allaitants en système naisseur-engraisseur ayant un historique de maladies respiratoires. Pendant la saison en bâtiment, les séroconversions ont été très élevées chez les veaux sevrés : 100 % des élevages et plus de 70 % des veaux dans plus de la moitié des élevages pour le BcoV, 87 % des élevages avec plus de la moitié ces veaux pour le VRSB, 40 % des élevages et plus de 67 % des veaux dans plus de la moitié de ces élevages pour Pi3. Et même chez les veaux non sevrés, les séroconversions pouvaient être élevées, notamment pour le BCoV (75 % des élevages avec plus de 50 % des veaux dans plus de la moitié de ces élevages). L’exposition à Mycoplasma bovis était plus rare.

« Cette étude montre que tous les troupeaux sont exposés aux virus VRSB, BCoV, Pi3, souligne Thibault Jozan. Le BCoV notamment est très présent toute l’année, chez les veaux non sevrés comme chez les veaux sevrés, dans les élevages naisseurs-engraisseurs. L’exposition au VRSB était moins systématique. Des co-infections ou des surinfections par des bactéries sont également très fréquentes. »

Parmi les facteurs de risque identifiés, la multiplication des interventions dans les cases, la venue de personnel extérieur sur l’élevage et les mouvements d’animaux dans les cases adjacentes augmenteraient le risque de séroconversion vis-à-vis des agents respiratoires en bâtiment. « Il est important de pouvoir renforcer la biosécurité et d’assurer l’immunité des animaux au niveau des élevages naisseurs et des engraisseurs. Il est maintenant possible de protéger rapidement les veaux contre les 3 virus BCoV, VRSB et Pi3 en les vaccinant par voie intranasale », insiste Thibault Jozan. L’étude va se poursuivre avec l’analyse des facteurs de risque d’exposition aux maladies respiratoires à l’échelle des lots.

Agir sur les facteurs de risque

La lutte contre les maladies respiratoires passe aussi forcément par la réduction des différents stress subis par les jeunes bovins, qui compromettent leur capacité de réponse immunitaire. L’arrivée en atelier d’engraissement est le moment qui rassemble le plus de facteurs de risque. Réduire les temps de transports, proposer une alimentation de transition riche en fibres avant de passer à la ration d’engraissement font partie des leviers. La stratégie d’allotement joue également un rôle. « Il peut être préférable de limiter le nombre de provenances des animaux, quitte à ce que les lots soient un peu moins homogènes en poids. Cela limite le stress lié à l’établissement d’une hiérarchie sociale entre les veaux, ainsi que le brassage des agents pathogènes », illustre Stéfanie Bernheim.

Des études ont également porté sur l’utilisation d’huiles essentielles pour réduire le stress des jeunes bovins(2). L’administration d’huile essentielle de lavande en pour-on au centre de tri et en pulvérisation sur des cordes à proximité des animaux en atelier d’engraissement, n’a pas montré d’effet sur le comportement des animaux, ni de baisse d’apparition des maladies respiratoires. Sur ce sujet, les vétérinaires interrogés se montrent prudents et expliquent de tels résultats : « Pour trouver un réel intérêt à l’aromathérapie, il faut d’abord assurer une base solide sur l’ensemble des facteurs de risque », insiste Stéfanie Bernheim. Certains éleveurs sont en tout cas convaincus des bienfaits de ces pratiques alternatives (lire pages 20 et 21).

L’autre volet de la prévention consiste à limiter la circulation des pathogènes sur l’atelier d’engraissement. La bonne ventilation du bâtiment est essentielle. La vaccination, si elle est bien réalisée, permet elle aussi de limiter selon les cas l’expression clinique, l’apparition de lésions ou l’excrétion d’agents potentiellement pathogènes.

Pour réagir rapidement et éviter la diffusion de la maladie à l’ensemble de l’atelier d’engraissement, il est crucial de travailler sur la prévention en amont avec les naisseurs et les centres d’allotement, et de pouvoir mieux détecter les troubles respiratoires.

Les nouvelles technologies en appui pour mieux maîtriser les maladies respiratoires

C’est pourquoi la recherche travaille depuis plusieurs années à développer des méthodes de détection des troubles respiratoires moins invasives. Même si le thermomètre reste l’outil numéro un en élevage pour détecter le plus précocement possible les malades (hyperthermie en général 48 heures avant les premiers signes cliniques respiratoires spécifiques), l’échographie pulmonaire se positionne comme un outil complémentaire intéressant pour dresser un bilan d’extension et de gravité dans le lot afin d’adapter au mieux le protocole de prise en charge par le vétérinaire. Elle peut permettre de détecter des images anormales évocatrices de lésions pulmonaires sur les jeunes bovins dès leur arrivée sur l’atelier d’engraissement. Plusieurs autres projets de recherche étudient l’utilisation du monitoring pour détecter les changements de comportement précurseurs d’un trouble respiratoire, en s’appuyant sur des capteurs d’activité sur collier ou dans le rumen, ainsi que de la surveillance vidéo.

(1) Projet Septime porté par l’Idele, Inrae et Oniris.
(2) Projet Resphe, piloté par l’Idele en partenariat avec Oniris, la SNGTV, la ferme expérimentale des Établières et Ter’Eeevage
 
Avec Véronique Bargain

Les prélèvements pourraient se passer d’écouvillon

Un dispositif en développement par Inrae se penche sur l’analyse de l’air expiré par les bovins (1) pour identifier les pathogènes présents, à la place de l’écouvillon. « Les équipes de recherche ont validé la preuve de concept pour la détection du coronavirus bovin. Il nous reste à valider les résultats sur le terrain, dans différents contextes pour ce même pathogène. Les résultats sont toujours en cours d’analyses », affirme Élise Vanbergue, de l’Idele.

(1) Projet Aidav, piloté par Inrae et le CEA.

Le saviez-vous ?

Différentes indications précisent le niveau de protection apportée par chaque vaccin. Ces indications sont réglementées par l’Agence nationale du médicament vétérinaire.

« Réduction de l’excrétion » signifie que le vaccin a démontré sa capacité à réduire l’excrétion de l’agent ;
« Réduction de la clinique » signifie que le vaccin a démontré sa capacité à réduire la sévérité des signes cliniques dus à l’infection ;
« Réduction des lésions » signifie que le vaccin a démontré sa capacité à réduire les lésions dues à l’infection ;
« Prévention » signifie qu’il a été démontré une protection contre l’infection : pas d’excrétion, pas de signes cliniques, …

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