Les Français sont de plus en plus flexitariens
Si peu de Français sont réellement prêts à ne plus consommer de viande, beaucoup en réduisent la consommation, pas seulement sous l’influence des discours végans.
Si peu de Français sont réellement prêts à ne plus consommer de viande, beaucoup en réduisent la consommation, pas seulement sous l’influence des discours végans.
« Sommes-nous tous appelés à devenir tôt ou tard végans ? », s’interroge Eddy Fougier en conclusion de l’étude sur la contestation animaliste radicale qu’il a réalisée pour la Fondapol. Pour affirmer aussitôt : « en France, on semble en être loin ». Les végans représentent moins de 0,5 % de la population française selon plusieurs sondages et estimations. En outre, dit-il : « les végans sont plutôt impopulaires », comme le montrent plusieurs enquêtes récentes. Dans l’une d’entre elles (CSA/Adocom-RP citée dans l’étude mais non publiée), les personnes interrogées rejettent majoritairement (69 %) les principes que défendent les associations véganes ; considèrent que les médias accordent trop d’audience à leurs actions (59 %) ; ne font pas confiance à leurs informations (69 %) ; s’opposent à l’interdiction de l’élevage des animaux (85 %) ; refusent de se laisser convaincre d’arrêter la consommation de produits issus des animaux (85 %) ; condamnent les vidéos intrusives (68 %) et le non-respect des lois (85 %). Le bruit que font les végans dans l’espace public (médias, réseaux sociaux…) est donc « sans commune mesure avec leur poids réel dans la société française ». Mais, ils parviennent à faire croire que leurs idées sont majoritaires et les attentes des citoyens fortes.
Dix millions de « sympathisants végans »
Ils incarnent ce que des sociologues nomment une « minorité consistante », qui ne change pas de position dans le temps. Des chercheurs ont montré qu’à partir du moment où 10 % de la population partage une croyance inconditionnelle, celle-ci sera systématiquement adoptée par l’ensemble de la société. Nous sommes encore loin de ce seuil de basculement. Mais, l’enquête CSA/Adocom-RP révèle qu’une partie des Français est sensible à des degrés divers au véganisme.
Les déjà convaincus (3 à 5 %) — qui recouvrent grosso modo le noyau dur végan et les végétariens — constituent un premier cercle d’irréductibles.
Les « sympathisants végans » forment un deuxième cercle (environ 15 %) de citoyens très sensibles à l’argumentaire des associations véganes et susceptibles de « basculer dans un véganisme actif ». Une partie d’entre eux (11 %) se disent « tout à fait prêts » à remplacer toutes les protéines animales par des protéines végétales. L’enquête montre enfin que 31 % des personnes interrogées composent un troisième cercle de Français qui se disent « intéressés par le discours des associations véganes » et font confiance à leurs informations.
Des jeunes sensibles au discours mais gros mangeurs de viande
Cet intérêt pour le véganisme est très vif chez les jeunes : 48 % des 18-24 ans font confiance aux associations véganes. De là à devenir végan, il y a un pas que peu franchissent. Les études du Crédoc montrent en effet que cette tranche d’âge est la plus grosse consommatrice de produits carnés en France. Être sensible est une chose. S’encombrer des contraintes d’un mode de vie aussi rigoriste que le véganisme en est une autre.
L’érosion de la consommation de viande ne date pas d’aujourd’hui et les causes sont multiples. Difficile de dire quelle est la responsabilité des mouvements antiviandes dans cette baisse tendancielle. Le refus de consommer de la viande reste très minoritaire : en 2018, plus de 98 % des ménages en ont acheté et la consommation a même repris de la vigueur. En revanche, le flexitarisme est en plein développement. D’après une enquête OpinionWay/Casino publiée à l’automne dernier, le taux de Français qui disent réduire leur consommation de viande et de poisson serait passé de 23 à 28 % en un an. Une hausse qui ne tient pas qu’à la perméabilité aux discours végans. Préoccupations santé, recherche de qualité, souci de l’environnement conduisent aussi à vouloir manger moins mais mieux. « Ma conviction, c’est que le flexitarisme est l’avenir de la viande dans les pays riches : nous pouvons concilier modération, qualité et plaisir, en accord avec les nouvelles aspirations sociétales… comme certains de nos concitoyens le font déjà », affirme Éric Birlouez, sociologue (cité par Interbev).
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