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« Le coronavirus a fragilisé la filière viande bovine italienne »

Daniele Bonfante, responsable commercial de la coopérative italienne Azove fait le point sur le secteur viande bovine dans la péninsule, face aux impacts de la pandémie mondiale qui a fortement touché le pays.

 

 

 

Daniele Bonfante : « Un gros point d’interrogation reste pour les semaines à venir mais la situation n’est pas très positive »
© F. D'Alteroche

Quels ont été les bouleversements engendrés par le confinement lié au coronavirus en Italie ?

Daniele Bonfante - L’Italie a été le premier pays impacté en Europe par le coronavirus. Et il reste encore aujourd’hui le plus touché par la pandémie. Dès février, les restaurations ont fermé leurs portes tout comme les activités industrielles, à l’exception bien-sûr des activités essentielles (alimentaire, sanitaire…).

L’arrêt des activités a eu plusieurs effets sur nous.

  • En premier lieu sur la logistique. Les flux d’importations des viandes ont en effet été bloqués du jour au lendemain, les chauffeurs ne voulaient plus venir par peur de la pandémie. Les distributeurs se sont ainsi tournés vers la production nationale.

 

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  • La fermeture de la restauration hors domicile a par ailleurs entraîné un changement du type de demande en viande. Réservée à la restauration hors foyer, la consommation des pièces nobles a ainsi chuté notamment celle du déhanché (filet, faux-filet). De plus, la GMS s’est davantage portée sur des muscles spécifiques et non sur des carcasses entières, posant la question de la valorisation de ces dernières.

 

  • Autre problème, la fermeture des tanneries. Du jour au lendemain, on n’avait plus de solution de valorisation des peaux. Les ramasseurs et abattoirs ont donc commencé à proposer du stockage, du salage… cette situation devrait perdurer pendant quelques mois encore, ne sachant pas quand l’activité repartira. La situation actuelle, ajoutée à un marché déjà en crise depuis de nombreuses années a contribué à une forte perte de valeur de la peau et à des problèmes d’organisation.

 

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  • Dernier facteur qui a eu un impact direct sur les abattoirs et sur la filière, c’est le changement des circuits de commercialisation. Le confinement et la hausse de la consommation familiale ont entraîné une augmentation des ventes à proximité du foyer. Les ventes en supermarchés, discounts et boucheries se sont développées, à l’inverse de celles en hypermarchés.

 

Comment ont évolué la consommation et les prix payés aux producteurs ?

D. B. – Les premières semaines, on a observé une progression de la demande (environ 25 % au niveau des abattoirs). Elle s’est maintenue ensuite mais a davantage concerné de la viande hachée aux dépens des muscles tranchés, pénalisant ainsi la vente de carcasses.

Les prix payés aux producteurs ont de ce fait un peu augmenté en début de confinement avant de reprendre leur tendance saisonnière habituelle. Depuis Pâques, le marché est encombré. De plus, l’évolution de la consommation a favorisé l’import des viandes européennes, françaises surtout mais aussi irlandaises, espagnoles et allemandes, plus compétitives. Les abattoirs ont ainsi commencé à diminuer leur activité en raison de la demande moindre, entrainant des problèmes de rentabilité. Tous ces facteurs ont ainsi contribué à une perte de valeur de la carcasse.

Au niveau de la coopérative, on a évalué la perte à 113 € par tête soit 0,27 €/kg carcasse pour un jeune bovin charolais. Pour minimiser cette dégradation, on a cherché à revaloriser les avants. La revalorisation du globe (+ 0,40 €/kg) et des avants (+ 0,35 €/kg) a ainsi permis de réduire sa perte de valeur à 48 €.

 

 

 

Toutes les catégories d’animaux ont-elles été touchées ?

D. B. - La perte de valeur est différente selon les catégories d’animaux. Les mâles charolais et croisés sont les plus pénalisés. Les génisses charolaises s’en sortent mieux tout comme les jeunes bovins nés en Italie (12-13 % de la production). Ceci pose donc la question à l’avenir des jeunes bovins mâles de race charolaise et croisés en provenance de France car chaque année, cette baisse de valorisation est plus importante, lors des pics de production ou lors de baisse de consommation.

 

A quoi peut-on s’attendre dans les semaines à venir ?

D. B. - Certes, il est difficile de faire des prévisions. Mais si on parle de produit intérieur brut, on estime, dans la meilleure des situations, une chute de - 9,5 %. Mais si à l’automne, il y a un retour du Covid-19, on évalue le recul du PIB à – 15 %.

Tous les jours des sondages sont effectués. La plus grande préoccupation des personnes interrogées sur le coronavirus n’est pas liée à la situation sanitaire mais concerne la résilience de l’économie italienne. Selon les données de Nomisma-Crif, pas moins de 9 millions d’italiens craignent de devoir utiliser leurs économies pour faire face à la récession déclenchée par la pandémie.

Les italiens sont donc très négatifs. Cela va très certainement se répercuter sur la consommation en général et celle de viande bovine, en particulier. Cette dernière reste la plus sensible au pouvoir d’achat. Les difficultés de l’économie italienne vont entraîner une fragilisation du secteur de la viande bovine. On s’attend à une baisse de la consommation, à davantage de compétition avec les viandes d’importation. On a encore beaucoup de petits abattoirs en Italie. On pressent une accentuation de la réduction de la production avec la fermeture des élevages les moins compétitifs et les moins intégrés dans la filière. Un gros point d’interrogation subsiste pour les semaines à venir mais la situation n’est pas très positive.

 

Dans ce contexte que vous venez de nous décrire, peut-on s’attendre à encore davantage de viande ou de broutards polonais dans les importations italiennes, au détriment des exportations françaises ?

D. B. - La France est désormais le second fournisseur de viande bovine derrière la Pologne.

Les importations polonaises sont réservées à la restauration hors domicile. Elles ont donc été bloquées pendant le confinement et n’ont pas, à l’heure actuelle, une place importante dans les grandes surfaces. On n’envisage pas de changement dans la distribution de ces viandes-là. Par contre, la concurrence pour les animaux français et irlandais viendrait plutôt de l’Espagne qui propose des bovins finis gras pour l’abattage. Ce constat est vrai pour le Sud de l’Italie mais tend à se généraliser à l’ensemble de l’Italie car leurs prix sont très compétitifs.

 

 

Azove est une organisation d’engraisseurs de bovins italiens, située dans la région de la Vénétie, dans la plaine du Pô, au Nord-Est de l’Italie. Cette coopérative regroupe 360 producteurs et commercialise 51 000 jeunes bovins par an, 52 000 tonnes de matières premières et aliments pour un chiffre d’affaires de 138 millions d’euros. Elle réalise également les activités d’abattage et de transformation des viandes.

 

Le secteur bovin italien en chiffres :

  • 6 millions de têtes de cheptel

  • 2,4 millions de bovins viande

  • 324 000 vaches allaitantes

  • 2,65 millions de têtes abattues dont 1,35 millions de jeunes bovins (principalement des mâles, 64 %)

  • 1 million de tonnes de consommation (35 % d’importations de viande et 12 % de mâles vifs maigres et 5 % de vifs maigres femelles).

  • 17,2 kg/habitant de consommation de viande bovine dont 35 % de consommation hors domicile

  • 35 % de la consommation s’effectuent hors domicile

 

Presque 40 % des volumes abattus dans l’UE sont échangés entre Etats membres. En 2019, 39% de la viande bovine abattue dans l’UE ont été échangés entre États membres. « De plus, 70 % des volumes échangés entre Etats membres sont fournis par 5 d’entre eux (Pays-Bas, Pologne, Irlande, Allemagne et France) et 8 importent 84 % des volumes échangés (Allemagne, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni, France, Portugal, Grèce et Espagne) », souligne Caroline Monniot, chef de projet conjoncture viande bovine à l'Idele, lors d’un webinaire organisé le 28 mai dernier. Au 1er semestre 2020, le confinement généralisé en Europe et la fermeture de la restauration ont entraîné une renationalisation des marchés, un déséquilibre dans la valorisation des carcasses, des retards d’abattages et de fortes baisses de prix. La Commission européenne a pris des mesures qui sont pour l’instant utilisées de façon très partielle. Le commerce de bovins vivants reste une activité majeure pour l’équilibre des filières européennes. Les échanges avec les pays-tiers se développent, répondant à des demandes spécifiques.

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