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« J’économise fioul et engrais avec des échanges paille contre lisiers et fumiers »

Paille contre fumier ou lisier, luzerne… Cédric Soenen pratique des échanges avec des éleveurs en quête de synergies et d’atouts agronomiques, comme l’effet booster sur colza.

Cédric Soenen, à gauche, épand depuis plus de dix ans le fumier de Joseph Lecocq, son voisin éleveur laitier, qu'il échange contre de la paille.
© M.-P. Crosnier

« Pour le colza, je constate vraiment une amélioration. Depuis que j’épands du lisier de bovin avant son implantation, il démarre mieux, avec un véritable effet booster. » Cédric Soenen, polyculteur à Noailles, à 60 kilomètres au nord de Paris, se félicite de l’échange paille-lisier qu’il pratique avec un voisin éleveur laitier. Sur ses 186 hectares, un tiers sont des limons argileux, un tiers des argiles à silex et un tiers des crannettes au potentiel limité. « Sur ces craies, j’apportais 100 kg/ha d’engrais starter DAP 18/46 lors des semis de colza. Le lisier joue ce rôle avec de plus un aspect humidifiant, avec 30 à 40 m3/ha », détaille-t-il.

L’échange fonctionne depuis plus de dix ans. Joseph Lecocq, un voisin éleveur laitier situé à un kilomètre, manquait de paille. La première année, Cédric lui vend 10 hectares. La seconde, la totalité de ses pailles de blé, soit 70 ha. Depuis, cela perdure. Le céréalier récupère 600 m3 de lisier de bovins avec des apports d’éléments fertilisants (2,2 unités d’azote total, 1 unité de P2O5 par tonneet 2,3 u K20/t). Moins d’engrais à acheter, moins de fuel pour broyer la paille (près de 100 litres par jour), de plus beaux colzas… Cédric apprécie.

« Pour plus de clarté, nous nous achetons la matière brute : la paille en andain et le lisier départ ferme », explique l’agriculteur. Les prix s’inspirent des barèmes chambre d’agriculture du département de l’Oise, pondérés selon le marché. Le barème de l’Oise 2020-2021 propose 18 euros la tonne (€/t) pour la paille en andain, 7 €/t pour le lisier pur et 4 €/t pour le dilué.

Apparemment, le système satisfait les deux parties. Des outils de calcul d’équivalence, variables selon les départements, existent (1), ainsi que des calculettes d’échange paille-fumier ou paille-lisier. Ces dernières intègrent trop de critères portant à discussion, considère Cédric Soenen : éléments fertilisants (N, P, K et Mg), taux de transformation en humus, prix moyen des engrais simples, barème d’entraide…

Lui cherche la simplicité, sans échange monétaire. Pour arriver à l’équilibre, il n’hésite pas à aider son voisin pendant deux jours lors des travaux d’ensilage. L’organisation est carrée, comme les balles de paille de l’éleveur. Sitôt la moisson réalisée, celui-ci presse et ramasse les ballots dans les 48 heures. Une condition de réussite indispensable, le céréalier ne voulant pas prendre du retard dans ses travaux d’été.

Cédric s’occupe de l’épandage du lisier (environ 600 m3), enfoui dans les 24 heures, avec l’épandeur de l’éleveur. Cela prend trois à quatre jours de travail (30 à 45 m3/ha), avec le temps de remplissage de la cuve, le transport et l’épandage au champ.

En 2016, Cédric répond à l’appel d’un autre éleveur manquant de paille. Depuis, il lui laisse sa paille d’escourgeon, environ 25 hectares, contre du fumier (150 à 200 tonnes par an). Contrairement au lisier, le fumier apporte de la matière organique stable (humus), avec des effets positifs sur les propriétés physiques, chimiques et biologiques du sol. Mais à la différence du lisier, son azote se minéralise lentement.

Les deux effluents apportent une fertilisation de fond facilement disponible, se réjouit l’agriculteur (100 % de disponibilité pour la potasse et la magnésie et 65 à 100 % pour le phosphore). Des atouts qu’il valorise en épandant son fumier avant betteraves. 30 t/ha d’un fumier « moyen » apportent 200 unités d’azote, 100 u de P205, 264 u de K20 et 54 u de MgO. Sans oublier le bénéfice pour la vie microbienne.

De la luzerne vendue sur pied à des éleveurs

En 2019, troisième accord avec un éleveur. « Ne sachant quoi implanter sur une terre de craie, j’ai implanté 4 hectares de luzerne. Comme c’était une année sèche, trois éleveurs m’ont appelé. Depuis, je la vends sur pied à l’un d’eux, avec quatre coupes par an. » Le poids est estimé à partir du nombre de boules enrubannées. « C’est incroyable, même en année sèche, elle pousse », s’amuse Cédric.

Seuls freins : le coût de la semence, qui avale pratiquement le gain d’une coupe, et la pression altises au semis. C’est peu par rapport à l’atout de restructuration du sol, sans compter les économies en azote pour le prochain blé. Et elle ne nécessite pas de travail pendant trois ans. Reste que si en année sèche les acheteurs se bousculent, ce n’est pas le cas en année favorable aux cultures fourragères. D’où la nécessité d’avoir des rapports de confiance avec l’éleveur. Cédric aimerait développer cette culture, s’il trouve d’autres voisins intéressés.

Comme pour les échanges paille-fumier, il se passe de contrat. Ses échanges reposent sur la confiance et la proximité, les deux clés de la réussite selon lui. Pour ce polyculteur qui apprécie les relations (il préside un groupe de développement agricole, un syndicat cantonal et est membre de la chambre d’agriculture), ces échanges avec des éleveurs renforcent les liens entre agriculteurs et consolident le tissu agricole. « Dans la commune, il ne reste plus que deux éleveurs. Et passé la limite communale, jusqu’à Paris, il n’y a pratiquement plus d’élevage, ni vaches, ni moutons. Alors si on peut créer des synergies gagnantes… »

(1) 1 tonne de paille en andain contre 2 t de fumier en stabulation ou 1,4 t de fumier en déposé en bout de champ (1 km) ou 1,2 t de fumier épandu (chambre agriculture Oise 2020-2021).

 

Enregistrement obligatoire avec bordereau de vente

Les effluents bruts (lisier, fumier, fiente…) ne nécessitent pas de documents particuliers lors de leur cession, en dehors d’une facture et d’un étiquetage. Leur épandage doit être fixé dans un plan d’épandage. Un bordereau cosigné par le vendeur et l’acheteur doit être établi. Il permet à l’éleveur de justifier des quantités de fumier exportées et à l’exploitant receveur de prouver la provenance de ces mêmes effluents. Ce bordereau doit indiquer l’identification des deux exploitations, des îlots culturaux recevant les effluents, le volume et leur nature, les quantités d’azote épandu et la date d’épandage.

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