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Emmanuel Bernard, Interbev : "une OPA sur la viande pour gagner toujours plus »

Emmanuel Bernard, éleveur dans la Nièvre, est depuis fin septembre président de la section gros bovin d’Interbev. Il donne son analyse sur les galettes végétales et autres ersatz de viande produits en laboratoire.

 © F. d'Alteroche
© F. d'Alteroche

Le fait que des fabricants de galettes à base de protéines de céréales et de soja nomment leur entreprise Les nouveaux fermiers avec l’objectif avoué de prendre des parts de marché aux produits carnés vous suscite quelle réaction ?

Emmanuel Bernard - Faire passer ce qui n’est qu’une usine pour une ferme est un abus de langage et l’utilisation mensongère du mot « fermier » a quelque chose de scandaleux. À Interbev nous avons contacté les dirigeants de cette entreprise en cours d’été, mais sans réponse à ce jour (NDLR : le 12 octobre). Derrière ce fabricant à la chaîne de galettes végétales faussement baptisées « steaks végétaux », il y a des investisseurs qui entendent changer les modalités de notre alimentation et l’origine des protéines que nous consommons. Ces investisseurs sont des entrepreneurs multimillionnaires pour certains, multimilliardaires pour d’autres. Après avoir bâti leur fortune dans l’économie numérique, ils étendent leurs activités à l’alimentation. Ces mêmes personnes ont été à l’initiative du référendum d’initiative populaire (RIP) pour les animaux. Sous couvert de grandes et généreuses déclarations en faveur de la cause animale, ils cherchent ni plus ni moins à réaliser une OPA sur la viande et par ce biais à gagner toujours plus. Ce mélange des genres n’est pas honnête, mais au moins maintenant leurs intentions sont pour nous très claires. Le danger est également lié au fait que certains de ces chefs d’entreprise possèdent, donc contrôlent, différents médias. Dès le 23 septembre, Interbev associé à Inaporc et à l’Anvol (Interprofession de la volaille de chair) a adressé un courrier au Premier ministre pour dénoncer cet affranchissement aux « règles de la concurrence et de la transparence vis-à-vis du consommateur ». L’emploi usurpé des mots « viande végétale » et « fermier » n’est pas conforme à la réglementation.

Simultanément à cette problématique des galettes végétales, des fonds d’investissement misent des sommes colossales pour mettre au point des protéines produites en laboratoire…

E. B. - Ces nouveaux produits ne sont pas encore techniquement au point. Mais les fonds d’investissement qui financent ces travaux ont tout à gagner si les produits issus des activités d’élevage sont de plus en plus boudés par les consommateurs. Affaiblir l’élevage sert leurs futurs intérêts et prétendre contribuer au bien-être des animaux n’est qu’un prétexte. Il convient également de souligner que ces « aliments » atteindront des sommets en tant que produits agroalimentaires ultra-transformés. Au pays de la gastronomie, ce serait un comble de les voir arriver dans nos rayons pour se substituer au moins pour partie à la « vraie viande ». Cette problématique de la viande cellulaire remémore à certains d’entre nous l’alimentation Tricatel mise en scène avec humour et de façon prémonitoire par Louis de Funès et Coluche dans le film L’aile ou la cuisse, sorti en 1976 !

En quoi certaines associations véganes favorisent la croissance ces jeunes entreprises ?

E. B. - Bien des activistes végans ne sont que les pantins de ces investisseurs. Certains ne se rendent probablement même pas compte que par leurs actions, ils servent les intérêts de milliardaires qui misent sur ces galettes végétales et autres ersatz de viande pour gagner toujours plus. Ils se font berner par ces investisseurs qui eux font preuve d’un opportunisme de circonstance et d’un parfait cynisme. En finançant certaines associations, ils leur donnent les moyens d’aller mettre le bazar dans nos filières. Et pour l’instant les planètes semblent s’être alignées pour servir au mieux leurs intérêts.

Alors que l’Union européenne refuse les biotechnologies et défend dans ses nouvelles orientations la stratégie « de la ferme à l’assiette » en donnant priorité à l’agro-écologie et l’agriculture biologique, elle laisse développer sans entraves ces nouvelles formes d’alimentation dont les promoteurs prétendent qu’elles vont contribuer à sauvegarder la planète. Tout cela n’est pas cohérent.

« Au pays de la gastronomie, ce serait un comble ! »

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