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Changement climatique : « Je réalise huit mois 100 % à l’herbe grâce au pâturage tournant dynamique et à la constitution de stock sur pied »

Guillaume Vandenberghe, en Gironde, réalise huit mois de mise en pâture sans apport de fourrage ni de concentré grâce à l’optimisation du pâturage tournant dynamique et à l’introduction de stock sur pied. Il économise ainsi 50 000 euros par an sur son coût alimentaire.

devant des vaches de race limousine, en gironde, éleveur de bovins viande et conseiller surveillent la pousse de l'herbe dans une prairie permanente conduite avec des stocks ...
Guillaume Vandenberghe (à gauche), accompagné ici de Xavier Barat, a introduit le pâturage du stock sur pied il y a trois ans sur un système conduit en pâturage tournant dynamique depuis 2017.
© A.-L. Galon

Depuis trois ans, Guillaume Vandenberghe a adapté son système de pâturage tournant dynamique (PTD) pour constituer des stocks sur pied dans son exploitation d'Asques, en Gironde. Auparavant, 15 des 75 hectares de prairies naturelles sortaient du circuit de pâturage pour être fauchés en foin sec. Situé au bord de la Dordogne sur des terres argileuses assez profondes, « je n’apporte plus de fourrage à mon troupeau malgré les sécheresses : l’herbe en montaison voire épiaison permet d’obtenir un stock d’une valeur nutritionnelle équivalente à un foin du 20 juin (estimé entre 0,8-0,9 UF et environ 10 % MAT). Du 15 août à septembre, quand l’offre d’herbe verte diminue, les animaux mangeront les stocks sur pied », décrit l’éleveur.

Les parcelles concernées par cette pratique sont des prairies naturelles, composées dans les zones hydromorphes de fétuque et trèfle, avec un peu de ray-grass. Dans les parcelles plus séchantes, on retrouve davantage d’espèces précoces comme le dactyle et la houlque laineuse. « Le PTD est indispensable pour envisager la constitution de stocks sur pied, précise Guillaume, qui a commencé cette pratique en 2018. La flore s’est adaptée, et les prairies produisent environ 6 tonnes de matière sèche à l'hectare, soit 50 % de plus que l’année du passage en PTD. Mais c’est une évolution qui prend du temps. »

 

 
les prairies naturelles sont composées dans les zones hydromorphes de fétuque et trèfle, avec un peu de ray-grass, sur cet élevage bovin viande en Gironde
Le stock sur pied est constitué dans 75 hectares de prairies naturelles composées dans les zones hydromorphes de fétuque et trèfle, avec un peu de ray-grass. © A.-L. Galon

Constituer le stock à chaque passage, dès avril

Pour atteindre une offre d’1,5 à 2 tonnes de matière sèche à l’hectare l’été, la constitution du stock sur pied démarre dès fin avril. « Pendant trois à quatre mois, les animaux prélèvent la moitié de l’herbe à chaque passage. Les gaines ne sont pas pâturées pendant cette phase et atteignent 8 centimètres à la mi-juillet » explique Guillaume, qui estime à l’œil l’offre des parcelles. Au tour suivant, les animaux pâturent l’herbe fraîche. Le déprimage est primordial pour caler le tour de pâturage et pour éviter la montaison : début avril, 100 % des paddocks ont été pâturés. « Déprimer nous fait gagner un mois de pâturage », estime Guillaume.

Le cycle de l’herbe dicte l’allongement des tours de PTD. De juillet à mi-septembre, le temps de repos des parcelles passe de 30 à 50 jours pour le pâturage des mères et des veaux. La transition se fait progressivement sur le mois de juin. « Respecter le cycle de l’herbe permet de moins raser. Ce temps long aide à préserver la repousse racinaire en juin-juillet, explique Xavier Barat, conseiller et fondateur d’Innov-Eco2, qui accompagne l’exploitation. En effet, la présence des gaines et l’épaisseur de prairie refroidissent le sol et entretiennent l’humidité, ce qui favorise la pousse de l’herbe en continu. » Le temps de retour des génisses passe quant à lui de 35 à 45 jours l’été. À partir du 15 septembre, le temps de repos redescend à 35 jours sur l’ensemble des systèmes, ce qui permet de réaliser un à deux cycles de pâturage à l’automne.

Les refus sont pâturés par des animaux à faibles besoins : vaches taries, bœufs de 1,5 an, génisses viande de 22 mois… « Même en plein hiver, il y a toujours une trentaine d’animaux dehors », reprend Guillaume.

Le chargement est divisé par deux

Les veaux, nés entre fin octobre et début janvier, sont sevrés sur la période de juillet à septembre et rentrés au bâtiment pour la fin de l’été, ce qui permet de décharger les parcelles et d’économiser 5 kilos d’herbe par animal et par jour. Lorsque c’est possible, ils sortent à l’automne pour un mois et demi. Les animaux sevrés plus tôt sont orientés vers 15 hectares de prairies de fauche réintroduites l’été dans le circuit de PTD. « Il faut savoir ajuster le lot en fonction des conditions et de l’herbe disponible. Pour pâturer l’été, on passe de 22 à 12 animaux par lot, soit un chargement proche d’un UGB », chiffre l’éleveur. Le temps de présence s’allonge également, passant d’un jour au printemps à un jour et demi ou deux jours l’été. Les animaux sont déplacés avec fil avant et fil arrière.

Une conduite qui fonctionne, puisque les vaches passent huit mois au pâturage, sans complémentation. « Avant, on sortait des paddocks pour les faucher en foin sec à partir de début avril, mais on utilisait une partie de ces récoltes pour affourager l’été. Aujourd’hui, on produit autant de fourrage, mais avec moins de mécanisation. On économise 500 boules de 250 kilos de fourrage et 50 tonnes de concentré, soit 40 000 à 50 000 euros d’économies », estime l’éleveur, qui n’a arrêté le pâturage que quinze jours en 2022.

Des croissances plus régulières

Les performances techniques tiennent toujours la route. Les veaux affichent un GMQ moyen de 1 100 grammes par jour avant sevrage, soit une perte de 300 grammes. Sélectionneur, Guillaume affirme que « le potentiel génétique n’est pas bloqué par le système herbager : les veaux sont moins fleuris au sevrage, ils pèsent environ 30 kilos de moins, mais ils répondent très vite à l’engraissement ». Les performances d’abattage restent donc similaires, avec des jeunes bovins de 13 mois à 340 kilos carcasse (U=2). Quant aux génisses d’un an et demi, il constate une croissance régulière à 400 grammes de GMQ moyen, en passant huit mois à l’herbe. « Même si la croissance estivale est lente, elle ne s’arrête pas, et les performances globales sont satisfaisantes : 480 kilos carcasse (U=3). »

Lire aussi | Changement climatique : « Des stratégies à combiner pour s’adapter à chaque contexte »

L’association Herbager pâturant du Sud-Ouest, lieu d’émulation et d’expérimentation entre éleveurs

Comment être éleveur pâturant dans une région difficile ? C’est le focus de l'association Herbager pâturant du Sud-Ouest, créée en 2022, autour de laquelle gravitent cent cinquante éleveurs allaitants, laitiers et de petits ruminants. « C’est avant tout un lieu de reconnaissance, avec des échanges et de l’émulation, et de l’expérimentation », décrit Xavier Barat, qui anime pour l’association six groupes Whatsapp ainsi que des rallyes et des groupes d’expérimentation. « Nous expérimentons en milieu réel sur la résilience des prairies, l’agroforesterie, mais aussi sur l’irrigation économe sur prairie avec des systèmes K-line en Occitanie. »

Au sein de ce réseau, soixante éleveurs s’inscrivent dans une démarche régionale d’autocertification sur la base d’un cahier des charges porté par l’association régionale Herbager pâturant et décliné selon les départements et les secteurs pour s’adapter aux conditions pédoclimatiques. Il reconnaît des critères de moyens portant sur les niveaux de chargement, les temps de pacage, etc., pour maximiser le pâturage, limiter le niveau de concentré et économiser l’énergie. Dans le cas des groupes de suivi dans le Sud-Ouest, les exploitations doivent avoir 85-90 % de la SAU en herbe, pâturer au moins 200 jours, et la pâture doit représenter plus de la moitié de la ration alimentaire des animaux.

 

 
Tableau des critères supplémentaires pour les élevages herbagers économes et autonomes : consommation d'énergie, consommation maximale de concentrés, part minimale de ...
Critères supplémentaires pour les élevages herbagers économes et autonomes © Réussir

À l’issue d’un diagnostic, cette démarche volontaire classe les éleveurs en trois catégories : herbagers simples, herbagers économes et herbagers autonomes. Ces catégories permettent aux éleveurs de s’organiser en groupes de progrès. « La démarche n’est pas très rapide, mais on espère qu’elle rendra nos fermes plus pérennes », conclut Guillaume Vandenberghe, président de l’association.

Les haies bocagères rafraîchissent jusqu’à 50 mètres

 

 
la haie bocagère borde la prairie sur cet élevage bovin en Gironde
Les haies bocagères rafraîchissent jusqu’à 50 mètres dans la prairie. © A.-L. Galon

Guillaume Vandenberghe a implanté 5 000 arbres et arbustes en haie bocagère durant les cinq dernières années. Leur effet rafraîchissant est ressenti jusqu’à trente à cinquante mètres dans la prairie et constituent aussi une source potentielle de fourrage qui pourrait être mobilisée d’ici cinq à dix ans.

Chiffres clés

190 ha dont 75 ha de prairies naturelles en PTD, 20 ha de prairies temporaires jeunes en RG-trèfle et 35 ha de prairies de fauche plus éloignées

75 mères limousines pour un effectif de 220 animaux en système naisseur-engraisseur

60 j de repos de la pâture

2 j de séjour dans la pâture

1 UGB/ha

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