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Accord UE et Mercosur : berlines allemandes contre aloyaux sud-américains 

En concluant un accord avec le Mercosur, la commission européenne donne priorité à son industrie et ses services aux dépends de son agriculture. Le texte doit désormais être ratifié par les 27 chefs d’état et de gouvernement puis validé par le Parlement européen

L'accord UE Mercosur laisse présager de parts de marché accrues pour la viande sud américaine pour laquelle la Restauration Hors Foyer sera le débouché prévisible.  © F. d'Alteroche
L'accord UE Mercosur laisse présager de parts de marché accrues pour la viande sud américaine pour laquelle la Restauration Hors Foyer sera le débouché prévisible.
© F. d'Alteroche

Echangerai berlines allemandes contre aloyaux sud-américains. Suis ouvert à toutes propositions. Ne suis pas regardant sur l’hygiène et l’environnement. » Tel aurait pu être l’intitulé de la petite annonce qui s’est soldée le vendredi 28 juin au soir par la conclusion d’un accord commercial entre les quatre pays (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay) composants le Mercosur et les représentants de la Commission Européenne. Les discussions duraient depuis près de 20 ans pour un accord de libre-échange qui concernera quelques 780 millions de consommateurs.

Réduire les droits de douane

L’objectif premier de cet accord était de supprimer ou tout du moins de réduire fortement le niveau des droits de douane affectant différents produits et services. L’UE s’est ainsi engagée à ouvrir graduellement sur 5 ans d’importants contingents d’importation tarifaires pour une série de produits sensibles. Cela concerne notamment 99 000 tonnes de viande bovine (quelque 44 000 t étant réservées au seul Brésil), dont 55 000 t de viande fraîche et réfrigérée et 45 000 t de viande congelée pour la transformation, au droit de 7,5 %. L’accord porte également sur 180 000 t de volaille à droit nul ; 180 000 t de sucre à droit nul et 650 000 t d’éthanol.En retour, les taxes du Mercosur sur le vin (27%), le chocolat (20%), les spiritueux (de 20 à 35%), les biscuits (16 à 18%), les pêches en conserve (55%), les boissons gazeuses (20 à 35%) ou les olives seront supprimées. Fromages et produits laitiers de l’UE, bénéficieraient, selon le commissaire européen à l’Agriculture Phil Hogan de « larges quotas » sans taxes. Dans l’industrie, les droits de douane du Mercosur seront progressivement éliminés sur les voitures (35%), les pièces détachées (14 à 18%), les équipements industriels (14 à 20%), la chimie (jusqu’à 18%), l’habillement (jusqu’à 35%) ou les produits pharmaceutiques (jusqu’à 14%).

Par ailleurs l'accord comprend un "mécanisme de sauvegarde", qui autorise l'UE et le Mercosur à imposer des mesures temporaires pour réglementer les importations en cas d'augmentation inattendue et significative susceptible "de causer un préjudice grave à leur industrie". Ces garanties s'appliquent aux produits agricoles. Le Mercosur s'engage à protéger 357 "indications géographiques" européennes comme le jambon de Parme, le Champagne, le Porto ou le whisky irlandais. L'UE protégera également certaines appellations d'Amérique du sud comme la cachaça brésilienne ou le vin argentin de Mendoza.

Levée de boucliers des organisations agricoles

Cet accord a évidemment suscité une levée de bouclier de la part des représentants des agriculteurs. "Quelques semaines après l'élection européenne, inacceptable signature d'un accord Mercosur-UE qui va exposer les agriculteurs européens à une concurrence déloyale et les consommateurs à une tromperie totale", a ainsi twitté Christiane Lambert, présidente de la FNSEA.“Inadmissible pour nous de voir UE valider l’accord Mercosur. Sacrifice de l’agriculture et l’élevage sur l’autel d’un commerce cannibale et d’une course folle à la croissance, au détriment du climat, de la planète et des hommes. Opposition à ces accords mortifères”. twitte de son côté la Confédération Paysanne. 

Cet accord est également dénoncé par de nombreuses Organisations Non Gouvernementales liées à la défense de l’environnement. Elles s’avouent préoccupées par les conséquences de cette signature sur l’évolution du climat dans la mesure où, depuis son accession au pouvoir en janvier dernier, Jair Bolsonaro, le nouveau président Brésilien fait peu de cas du patrimoine naturel exceptionnel de son pays. Le défrichement de la forêt Amazonienne serait reparti de plus belle.

La signature de cet accord est en revanche favorablement saluée par l'Association des constructeurs européens d'automobiles. « Il existe un réel potentiel de croissance pour l'industrie automobile de l'UE, compte tenu de la dimension du marché du Mercosur, tant en termes de population que de P.I.B.», a précisé Erik Jonnaert, secrétaire général de cette association dans un communiqué.

Forte pression sur Emmanuel Macron 

Le traité doit encore être ratifié par chacun des Etats membres, puis par le Parlement européen. Une forte pression devrait s’exercer sur Emmanuel Macron dans les jours et semaines à venir, même dans ses propres rangs. Parmi les déçus, citons Jeremy Decerle, ancien président des Jeunes agriculteurs (JA), éleveur de Charolaises en Saône et Loire nouveau député européen de la liste Renaissance soutenue par le Président de la République. “En parfaite transparence, un vendredi soir, l’accord commercial UE Mercosur est conclu par la commission sortante. Les consommateurs et les agriculteurs méritaient plus de respect. En tant que député européen je ne peux pas l’approuver” a-t-il tweeté. De son côté, Jean-Baptiste Moreau, éleveur de Limousines dans la Creuse et député LREM de ce même département a déclaré : « L’accord UE/Mercosur est signé par une Commission Européenne en bout de course. On a l’impression d’un passage en force. C’est cette Europe-là que les gens ont repoussé depuis des années et qui a provoqué le Brexit. »

Ils ont dit 

Dès l’annonce de la signature de l’accord, les déclarations n’ont pas manqué, aussi bien du côté des agriculteurs que des responsables politiques pour en dénoncer le contenu. 

Eric Andrieu, Eurodéputé et membre du Parti Socialiste : « On ne peut pas promouvoir une agriculture durable et faire du climat une priorité, et importer sa viande de l'autre bout de la planète, en favorisant un modèle agricole intensif responsable de 80% de la destruction de la forêt amazonienne ! » 

Laurent Wauquiez, Président Les Républicains du Conseil Régional Aura : « Comment comprendre cet accord Mercosur-UE qui permet d’importer des produits agricoles qui ne respectent pas les règles sanitaires et environnementales appliquées dans les exploitations de notre région ? Agriculteurs, consommateurs et développement durable en paieront le prix. »

Yannick Jadot, Eurodéputé Europe Ecologie Les Verts : « Bolsonaro massacre l'Amazonie, au Canada Trudeau développe les sables bitumineux (...) Le gouvernement, le président, sur ces questions de libre échange, a une position d'une duplicité indigne ! On est dans le mensonge !"

Christiane Lambert, Présidente de la FNSEA : « Comment le gouvernement peut-il dire à l’agriculture française, montez en gamme, moins d’antibiotiques, moins de phytosanitaires, plus de traçabilité, et ouvrir grand les vannes à un pays, le Brésil, qui s’est illustré par des scandales sanitaires à fort retentissement ? » 

Bruno Dufayet, Président de la Fédération Nationale Bovine : « « Cette accumulation de mauvaises décisions ou marques de mépris pour les éleveurs bovins viande et le modèle de production vertueux qu’ils s’efforcent de préserver, en France, a assez duré. Un point de rupture a été atteint. Notre exaspération et notre colère, nous allons désormais, dans les prochaines semaines et les prochains mois, fortement l’exprimer. » 

 

 

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