Bâtiment d’élevage : « Nous souhaitions disposer d’un outil de travail qui soit avant tout fonctionnel et ergonomique »
Joël, Fabienne Liotard et leur fils, Jordan, situés en Haute-Loire, ont commencé la construction de leur bâtiment d’élevage en pleine montée de l’inflation. Pour ne pas exploser leur budget, les éleveurs ont dû s’adapter pour aboutir à un outil de travail répondant à leurs besoins et confortable pour leurs bovins.
Joël, Fabienne Liotard et leur fils, Jordan, situés en Haute-Loire, ont commencé la construction de leur bâtiment d’élevage en pleine montée de l’inflation. Pour ne pas exploser leur budget, les éleveurs ont dû s’adapter pour aboutir à un outil de travail répondant à leurs besoins et confortable pour leurs bovins.
Repreneur de l’exploitation familiale laitière, à Saint-Germain-Laprade en Haute-Loire, Joël Liotard avait dû déjà procéder à de nombreux aménagements dans les stabulations existantes pour loger son troupeau de soixante-quinze vaches limousines. Malgré ces travaux de modernisation, le résultat était loin d’être idéal pour Joël et son épouse, Fabienne, contraints de pailler et distribuer l’alimentation à la main. Aussi, « par manque de place, nous devions laisser toutes nos génisses de deux ans et nos vaches non suitées dehors toute l’année », expliquent les éleveurs. L’installation de leur fils, Jordan, en 2021, est l’occasion pour se lancer dans la construction d’un nouveau bâtiment d’élevage. Leur priorité numéro un : s’appuyer sur un outil fonctionnel et ergonomique, pour gagner en efficacité et en confort de travail.
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Se dégager du temps et être autonome
« Nos réflexions se sont axées en grande partie sur la mécanisation des tâches et la manutention des animaux », souligne Jordan. Ce projet avait également pour objectif de sécuriser la carrière de Jordan. « Je souhaitais disposer d’un outil qui me permette d’envisager plus sereinement l’avenir et de travailler seul, une fois mes parents partis à la retraite », indique le jeune éleveur.
Les trois associés avaient dès le départ une idée assez aboutie en tête, mais la visite de plusieurs bâtiments d’élevage aux conceptions similaires à leurs attentes les a aidés à valider certaines hypothèses (dôme éclairant, taille de marche…). « Nous sommes allés voir des exploitations situées dans la région, soumises aux mêmes contraintes paysagères et climatiques pour pouvoir nous comparer », précise Fabienne. « L’accompagnement par un conseiller spécialisé en bâtiment expérimenté, Didier Chazalon, à la chambre d’agriculture départementale, s’est aussi révélé utile pour trouver la conception qui garantisse à la fois une circulation optimisée des hommes et des engins et un espace de vie suffisant et confortable pour les bovins », ajoute Jordan. Et ceci, en tenant compte des contraintes budgétaires.
Depuis la mise en service du bâtiment en novembre 2022, le quotidien n’est plus le même. « Nous n’avions jamais connu un bâtiment véritablement pensé pour les allaitantes », rapporte Joël, convaincu que les vaches gagnent en carrière depuis qu’elles ont quitté les logettes pour l’aire paillée. Moins de pépins sanitaires, moins de mortalité, moins de concurrence… « Des vaches bien logées savent vous le rendre », sourit Didier Chazalon. Et ça se chiffre : « Nous avons abaissé nos frais vétérinaires de 1 500 euros par an et nous comptons un gain de poids vif de 30 kg en moyenne sur nos broutards vendus entre neuf et dix mois à 350 kg », calcule Jordan.
Une grange accolée à la stabulation gage de confort
L’important travail en amont sur l’ambiance du bâtiment est gage de résultat. Sur la circulation, les couloirs sur les longs pans, donnant un accès direct aux parcs des vaches et des veaux, ainsi que les portes sectionnelles à chaque extrémité sont appréciés. « Nous passons avec le tracteur sans contraintes, ce qui facilite nettement l’astreinte », appuie Jordan. Le fait d’avoir construit une grange dans le prolongement de la stabulation est aussi un précieux atout pour gagner du temps.
Si le budget n’avait pas été le facteur limitant, le jeune éleveur aurait opté pour un couloir latéral aussi au fond du bâtiment de sorte à faire le tour complet des cases. « Nous aurions aussi misé sur une pailleuse suspendue pour faire des économies de paille et limiter la poussière », ajoute-t-il. Mais les autres stabulations étant toujours fonctionnelles, il était impossible d’investir dans un tel matériel d’usage pour un seul bâtiment.
Les éleveurs ont conçu des box assez profonds pour limiter le salissement des bêtes. Pour autant, « le bâtiment reste gourmand en paille », reconnaît Jordan, qui évalue la consommation journalière à 500 kg. Mais le choix de l’aire paillée intégrale s’intègre plus largement dans la logique de leur système d’assolement. « Nous avons des besoins importants en fumure en bio et nos terres, qui sont sableuses, dégradent vite la matière organique. Il est donc plus logique d’apporter du fumier que du lisier », reprend-il.
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Ne pas lésiner sur les moyens pour la contention
Enfin, la contention a fait partie des postes importants à la conception des plans, pour lequel les éleveurs n’ont pas lésiné sur le budget. En plus des trois box aménagés pour la pesée et le parage, ils ont investi dans des cornadis à double cadre qui s’adaptent à tous les gabarits et tous les âges, pour les parcs arrière. « Ce type d’équipement coûte, certes, un peu plus cher mais il nous permet de constituer des plus petits lots et d’intervenir sur les animaux en sécurité », partage Jordan. Cet investissement est d’autant plus cohérent que les éleveurs ont une double période de vêlage et engraissent des génisses l’été dans le bâtiment. Le Gaec du Clapou a d’ailleurs fait partie des fermes visitées dans le cadre du rallye bâtiment l’année dernière, où la MSA Auvergne s’est appuyée sur la manutention de la stabulation bien pensée pour illustrer une formation aux éleveurs.
Une économie de 100 000 euros grâce à l’autoconstruction
Joël, Fabienne et Jordan Liotard, qui avaient prévu d’attaquer le chantier de construction en début d’année 2022, ont dû faire face à de grosses dépenses imprévues en lien avec l’inflation. En février, « le temps que notre formulaire de demande de subventions parvienne à la DDT, les prix ont flambé, raconte Fabienne. Ce délai d’attente, sans pouvoir signer de devis, a été très préjudiciable ». Au total, les éleveurs estiment un renchérissement de 50 000 euros par rapport au budget initial, dont + 36 000 euros rien que sur la charpente et + 10 000 euros sur les tubulaires. Alors qu’ils comptaient déléguer la quasi-intégralité des travaux, ces derniers n’ont eu d’autre choix que d’en prendre en charge une partie pour ne pas se retrouver complètement dans le rouge. Le chantier, qui a duré neuf mois au total, n’a pas été retardé. Un mal pour un bien, « nous avions un peu avancé les dates de fauche, et avec l’été très sec de 2022, nous avions eu moins à ramasser », relève Jordan. Se consacrant à la construction à leurs heures perdues, les éleveurs ont assuré tout de même 75 % des travaux de gros œuvre. « Les finitions, notamment au niveau du dallage, auraient pu être mieux, mais ça n’entache en rien la fonctionnalité du bâtiment. Nous éprouvons aussi une certaine satisfaction à avoir fait par nous-même », confie Jordan. Au final, l’autoconstruction a permis de réaliser une économie de 100 000 euros, ramenant le coût total du bâtiment à 450 000 euros environ. Les éleveurs ont également pu compter sur un réseau d’artisans de proximité, profitant de la présence d’une zone industrielle sur la commune.
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Chiffres clés
Côté éco
Les éleveurs ont obtenu un taux de bonification de 42 % sur le financement total du projet, grâce notamment à la localisation de l’exploitation en zone de montagne, à la certification en agriculture biologique et à l’installation de Jordan Liotard en tant que jeune agriculteur.
Avis d’expert - Didier Chazalon, conseiller spécialisé en bâtiment à la chambre d’agriculture de Haute-Loire
« Les plans sont un assemblage de contraintes »
« Lorsqu’on s’apprête à se lancer, il ne faut pas hésiter à visiter un grand nombre de bâtiments d’élevage et capitaliser sur ce partage d’expérience, ces moments d’échanges pour mûrir son projet. Lorsqu’on entame les esquisses, il est important de prendre en compte les priorités de l’ensemble des personnes autour de la table (qui ne sont pas toujours les mêmes) et de faire en sorte que chacun y trouve son compte. À la conception, il ne faut pas avoir peur de faire et défaire les plans. Il faut imaginer toutes les entrées et sorties possibles pour trouver la meilleure combinaison qui permettra aux éleveurs de travailler confortablement, d’optimiser leur temps de travail, de garantir leur sécurité et le bien-être de leurs animaux. Le bâtiment est un espace de vie à la fois pour les éleveurs et pour les animaux, il faut donc trouver comment les deux peuvent se marier au mieux. L’une des clés pour réussir son bâtiment d’élevage, c’est de passer du temps en amont pour bien fixer son projet et s’y tenir. En effet, on peut parfois être tenté d’effectuer des changements en cours de route sous l’influence de constructeurs, sans penser aux conséquences qu’ils peuvent induire sur les autres postes. Avant d’appliquer des modifications par rapport au cahier des charges initial, il faut bien avoir en tête que les plans constituent un assemblage de contraintes. »