Biostimulants : un secteur en émergence
En plein développement depuis dix ans, le secteur des biostimulants reste encore flou pour les producteurs. La situation devrait se clarifier avec la normalisation européenne et l’expérimentation.
En plein développement depuis dix ans, le secteur des biostimulants reste encore flou pour les producteurs. La situation devrait se clarifier avec la normalisation européenne et l’expérimentation.
Le secteur des biostimulants est en pleine expansion. En France, selon Afaïa, syndicat des acteurs de la filière supports de culture, paillages, amendements, engrais et biostimulants, le marché augmente de 10 à 12 % par an depuis cinq ans. Les deux tiers concernent les productions spécialisées, notamment les fruits, les légumes et la vigne. La réglementation française ne définissant pas clairement le terme « biostimulant », les produits sont vendus sous différentes appellations (préparation microbienne, substance humique, matière organique biostimulée…), avec une Autorisation de mise sur le marché (AMM) comme Matières fertilisantes et supports de culture (MFSC) et une allégation de type biostimulant. Quelques produits sans AMM sont également vendus en direct par les fabricants. Aucune preuve d’efficacité n’est obligatoire. Et les producteurs peinent à s’y retrouver, entre des produits dont l’efficacité n’est pas prouvée et la composition mal connue, des biostimulants vendus en mélange avec des engrais, des produits associant des allégations de type biostimulant et de type biocontrôle… En juillet 2019 toutefois, le futur règlement européen harmonisé des matières fertilisantes, le 2019/1009, est paru au Journal Officiel, pour une mise en application en juillet 2022. Il fixe les règles de mise en marché pour six catégories de matières fertilisantes, dont les biostimulants, et pour les mélanges de ces matières. « Ce règlement est une reconnaissance que les biostimulants sont du côté des fertilisants et non des phytosanitaires », souligne Laurent Largant, délégué général d’Afaïa. Le règlement donne désormais une définition claire du terme « biostimulant ». Les biostimulants sont « des fertilisants qui stimulent le processus de nutrition des végétaux indépendamment des éléments nutritifs qu’ils contiennent, dans le seul but d’améliorer une ou plusieurs caractéristiques des végétaux ou de leur rhizosphère : l’efficacité d’utilisation des éléments nutritifs, la tolérance aux stress abiotiques, les caractéristiques qualitatives et la disponibilité des éléments nutritifs confinés dans le sol ou la rhizosphère. »
Définir les règles de certification
D’ici juillet 2022, tout produit voulant bénéficier de l’étiquetage Biostimulant CE devra être certifié conforme au règlement concernant la véracité de ses revendications, son innocuité, sa composition, et cela avec des règles de certification harmonisées au niveau européen. En mai 2020, chaque état membre devait avoir désigné une autorité d’accréditation, auprès de laquelle les organismes certificateurs souhaitant être accrédités pour la certification des biostimulants devaient se faire connaître. Les produits certifiés pourront alors être commercialisés avec l’étiquetage Biostimulant CE. La vente de produits sous AMM, pour un usage particulier et dans un pays, restera possible, mais sans l’étiquetage Biostimulant CE. Les règles de certification restent toutefois à définir. Un objectif du programme européen Bio4Safe est donc de proposer au comité de normalisation une boîte à outils et une méthodologie permettant cette certification. En parallèle, les firmes cherchent aussi à prouver l’efficacité de leurs biostimulants. Depuis deux ans, beaucoup s’adressent aux stations expérimentales pour mettre en place des essais sur leurs produits. « Tout se passe comme pour le biocontrôle à ses débuts, avec beaucoup de produits qu’il faut trier et peu de visibilité, analyse Charlotte Berthelot, du CTIFL de Carquefou. Le règlement européen donne un cadre et permet notamment de différencier biostimulants et fertilisants. Mais il demande à être approfondi, et tous les produits n’entrent pas dans ce cadre. Il y a toutefois une volonté des firmes de comprendre comment agissent leurs produits et de prouver leur efficacité. Le secteur devrait se clarifier dans les années à venir. »
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Apporter des preuves scientifiques de l’efficacité des biostimulants
Même si elle reste très complexe, l’expérimentation sur les biostimulants se développe, notamment en légumes. En arboriculture, leur impact est plus compliqué à déterminer.
L’expérimentation des biostimulants s’avère très complexe, notamment pour les cultures pérennes. « En arboriculture, leur impact est difficile à mesurer, parce que les arbres ont des cycles longs, que les biostimulants touchent à différents aspects physiologiques et que les arbres sont soumis au sol, au climat, à l’environnement », note Benjamin Gandubert, de la station de la Morinière. Les essais se développent par contre en légumes, plus faciles à cultiver en conditions contrôlées et aux cycles plus courts. « Il y a actuellement une grosse demande d’expérimentation de la part de producteurs souhaitant réduire les apports d’intrants et améliorer la qualité des légumes et qui veulent des preuves scientifiques de l’efficacité des biostimulants », constate Charlotte Berthelot. Au-delà des essais pour les firmes, des projets publics se mettent en place. L’ISA de Lille (Yncréa Hauts-de-France) et le Pôle Légumes Région Nord sont engagés depuis 2018 dans le projet européen Bio4Safe qui vise à réduire la consommation d’eau et d’engrais des légumes et fleurs via l’utilisation de biostimulants et de capteurs. « L’idée est qu’en combinant des biostimulants et des capteurs permettant de piloter les apports, on pourra plus facilement baisser les intrants », explique Bertrand Vandoorne, de l’ISA de Lille. Le projet associe des partenaires de Belgique (horticulture), France (tomate en sol, laitue), Pays-Bas (tulipe) et Royaume-Uni (fraise, framboise). Quatre biostimulants à base d’algues et deux types de capteurs (sondes capacitives, capteurs de pigments photosynthétiques) sont testés. En 2018, les essais en tomate et laitue réalisés en absence de stress n’ont pas montré d’effet significatif des biostimulants sur le rendement, un point confirmé sur les autres espèces. En 2019, avec une réduction de 20 % des apports en eau et fertilisant, des effets commencent à se voir sur la plupart des espèces. « En tomate, certains biostimulants permettent notamment de conserver le calibre », indique Bertrand Vandoorne. En 2020, un stress de -40 % en eau et fertilisants sera appliqué et l’effet des produits sur la conservation sera étudié.
Associer biostimulants et biocontrôle