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À Lamastre en Ardèche
Un séchage en grange pour l’autonomie

Nicolas et Christelle Soubeyrand ont trouvé une solution pour mieux valoriser leur fourrage : le séchage en grange.

Perché sur la colline du Bouchet, l’exploitation caprine de Nicolas et Christelle Soubeyrand est parfois inaccessible l’hiver. Pourtant, c’est là-haut que ce couple a repris l’exploitation familiale de Christelle. Nicolas et Christelle élèvent 160 chèvres, de races Alpine et Saanen, sur leurs 35 ha de terres ardéchoises. Le cheptel pâture mais c’est grâce au séchage en grange que cette exploitation en AOP Picodon peut être à 90 % autonome. Jusqu’en 2014, le couple de chevriers achetait des bottes rondes et du foin de luzerne dont le stockage (et le prix) était devenu un casse-tête. À cette époque, les prix des fourrages flambent et les éleveurs ne s’y retrouvent plus. Ils décident de se lancer dans l’aventure du séchage en grange, encore méconnue en Ardèche. Faisant partie des pionniers en la matière sur leur territoire, ils avancent prudemment et font d’abord un test avec une unité de séchage miniaturisée, posée sur des palettes.

Un séchoir à trois cellules autoconstruit

Satisfaits de leur expérience, ils construisent en 2014 la première unité de séchage en grange du département. L’année suivante, une cellule supplémentaire est construite et, en 2016, un agrandissement et une troisième cellule sont réalisés. « Nicolas est très bricoleur, décrit Christelle, 36 ans. On a tout réalisé en autoconstruction, hormis le bâtiment de stockage. On trouve le matériel et les connaissances chez nous et autour de nous, chez la famille ou les amis. » Le couple a aussi participé à de nombreuses visites d’exploitations possédant déjà des séchoirs en grange avant de se lancer dans leur projet. Leur décision fait suite à deux années très pluvieuses et répond à leur souhait d’autonomie fourragère face aux prix qui augmentent. Le couple a investi en tout 95 000 € pour l’aménagement du bâtiment de 20 mètres de long et l’achat de l’autochargeuse. Pour le reste de la ration, « les céréales viennent de la Drôme et la luzerne vient de chez le beau-frère de ma compagne, qui produit en bio", détaille Nicolas, 35 ans. 

L’air chauffé par le soleil capte l’humidité du foin

Le séchage en grange repose sur le principe de séchage en vrac des fourrages et le séchage à l’énergie solaire. L’air extérieur pénètre dans l’espace créé entre la toiture en tôle et la sous-toiture en panneau de lamelles de bois (OSB). En conditions ensoleillées, cette lame d’air absorbe l’énergie solaire captée par la toiture. Par l’intermédiaire d’un ventilateur et d’une gaine d’aspiration collectrice, l’air réchauffé entre la tôle et l’OSB parvient dans une chambre, le caisson du ventilateur, d’où il est propulsé sous le sommier du foin par l’intermédiaire de la gaine de diffusion de l’air. Soufflé par le ventilateur, l’air chaud et sec traverse le fourrage de bas en haut. Il capte son humidité et le sèche progressivement. Une fois mis en route, le ventilateur souffle en continu. Cependant, dès que la sonde détecte une hygrométrie trop élevée, il se stoppe puis se remet en route toutes les deux heures pendant 15 minutes afin d’éviter au foin de trop monter en température.

Un lait bien valorisé

Le séchoir permet aux deux exploitants de valoriser leur propre foin et d’alimenter leur cheptel au lieu d’en acheter. « La rentabilité du système est indiscutable, affirme Nicolas Soubeyrand. Avant d’utiliser le séchage en grange, nous dépensions entre 17 000 et 20 000 euros de luzerne chaque année, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. » Il leur permet aussi de réaliser la coupe un peu plus tôt dans l’année et de réaliser ainsi une seconde coupe. Une fenêtre de trois jours de beau temps suffit. Contrairement à certains membres du groupe « séchage en grange » auxquels Nicolas et Christelle participent qui ont perdu en production laitière, le Gaec n’a pas enregistré de baisse. La production végétale multi-espèces passée au séchoir a bien aidé à conserver la même production laitière qu’avant, soit 1 000 kilos par chèvre et par an. Le couple est très satisfait de leur installation actuelle. « On ne reviendrait pas en arrière », déclare Nicolas Soubeyrand. Le couple souhaiterait acheter des terres supplémentaires pour atteindre 100 % d’autonomie fourragère. Le couple Soubeyrand a intégré l’AOP Picodon en 2016. « À l’époque la surprime était de 19 euros ; aujourd’hui elle est de 45 euros », explique Christelle. L’exploitation produit en désaisonné, ce qui leur permet de faire une meilleure plus-value sur le lait. Les chèvres sont majoritairement à l’intérieur lors du pic de lactation et sont taries au mois de juin. La Fromagerie de la Drôme collecte leur lait tous les deux jours. « Tous les mois, le laboratoire d’analyses nous envoie une lettre qui nous permet de surveiller nos cellules et nos taux, précise Christelle. Ceux-ci sont autour de 39 pour le TB et 35 pour le TP. »

Chiffres-clés

160 chèvres, objectif 180
35 ha dont 15 ha de fauche et 6 ha de pâturage
90 % d’autonomie fourragère
95 000 € pour l’autochargeuse et l’aménagement de la cellule de séchage
2014 : construction de la première cellule de séchage, deuxième cellule en 2015 et troisième cellule en 2016

« Le séchage en grange m’a changé la vie »

Nathaël et Audrey Reboullet ont fait tous les investissements sur leur exploitation  pour avoir plus de temps libre. © B. Morel
Nathaël et Audrey Reboullet transforment entièrement le lait produit par leurs 93 chèvres. Après avoir visité des élevages disposant de structure de séchage en grange, dont l’exploitation des Soubeyrand, Nathaël franchit le pas et se décide pour faire de même sur sa ferme. Le Gaec de la ferme des Presles, situé à Désaignes, dans le nord de l’Ardèche, se dote donc en 2018 d’un bâtiment de séchage en grange surplombant la chèvrerie. Les deux cellules de 6 par 12 mètres, l’autochargeuse, la griffe et le bâtiment lui ont coûté 160 000 euros, dont 60 000 ont été subventionnés par l’Europe. Il a néanmoins économisé entre 30 000 et 40 000 euros en ayant recours à l’autoconstruction pour la partie bâtiment. Celui-ci est principalement en bois, pour l’esthétique et pour la régulation thermique qu’apporte le matériau naturel. Aujourd’hui, ce sont 70 tonnes de foin qui sèchent chaque année dans l’unité de séchage du Gaec de la ferme des Presles.

Deux jours de beau temps suffisent pour faire la fauche et récolter

« J’ai installé un peson sur la griffe, cela me permet de connaître précisément le poids de fourrage dans la ration », se félicite Nathaël. « Je ne suis pas autonome sur l’alimentation, reconnaît l’éleveur de 37 ans. Mais mon objectif est de valoriser mon foin au maximum afin de ne plus avoir à acheter de luzerne. » L’éleveur achète toujours 20 à 30 tonnes de foin de luzerne chaque année, mais le séchage en grange lui a permis de mieux valoriser ses parcelles. « Là où auparavant je ne faisais qu’une coupe, je peux maintenant faucher plus tôt pour faire une deuxième coupe de regain, se réjouit Nathaël Reboullet. Il me suffit de deux jours de soleil pour que je puisse récolter mon foin. » En effet, l’éleveur affirme qu’en rentrant de la luzerne fraîche un peu mouillée, celle-ci est sèche en moins d’une semaine, sans moisissures ni fermentation. « Le séchage en grange m’a permis d’être plus souple dans l’organisation du travail. Je m’en sors mieux financièrement. Les chèvres apprécient le foin séché car il n’y a quasiment pas de refus et c’est agréable de travailler avec la griffe. Je me fais plaisir. »

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