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Fruits à coque : peut-on relocaliser la production bio ?

La majorité des fruits à coque bio consommés ou transformés en France est importée. Peut-on développer les productions d’amandes, de noisettes voire créer des filières françaises en pistaches ou noix de pécan bio ? [Article de Sophie Sabot]

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La production française de fruits à coque bio ne couvre qu’une part anecdotique des marchés du frais et de la transformation.
© Chambre d'agriculture Paca

Les fruits à coque bio sont-ils une voie de diversification à explorer pour les producteurs en recherche d’adaptation face au changement climatique ? Peut-on imaginer relocaliser en France les productions de noisettes, amandes, pistaches, noix de pécan ? C’est pour tenter de répondre à ces questions que le Cluster bio Auvergne-Rhône-Alpes – qui a notamment pour mission de structurer les filières biologiques de l’amont à l’aval – et ses partenaires ont organisé une rencontre à Montélimar (Drôme) en novembre dernier. L’occasion notamment de regarder d’un peu plus près ce marché des fruits à coque bio.

En France, un consommateur de produits bio sur cinq achète des fruits à coque ou des fruits secs d’après le baromètre 2024 de l’Agence bio. La noisette fraîche (décortiquée ou coque) est la deuxième référence vrac en magasin bio. Les boissons à base d’amandes bio sont parmi les « laits végétaux » les plus vendus en France, aux côtés de ceux à base de soja. La pistache et la noix de pécan font aussi partie des fruits secs recherchés en bio. Mais la production française ne couvre qu’une part anecdotique de ces marchés. Pour autant, peut-on parier sur une relocalisation de ces productions ou s’agit-il d’une utopie économique et technique ?

Des transformateurs freinés par le prix

Le premier point à explorer est celui de la compétitivité des fruits à coque français. En bio comme en conventionnel, leur prix au consommateur est globalement supérieur à celui des produits d’import. Un relevé de prix « à titre indicatif », effectué dans différents magasins par le Cluster bio à l’automne 2024, révèle par exemple pour les amandes décortiquées les fourchettes de prix suivantes : 14 euros le kilo (€/kg) en conventionnel importé, 20 à 25 €/kg en conventionnel France, 16 à 30 €/kg en bio importé et 25 à 35 €/kg en bio français.

Du côté des transformateurs bio, le Cluster bio a également effectué un rapide sondage des entreprises de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Cinq d’entre elles, soit un nougatier, un biscuitier, deux chocolatiers et un transformateur d’autres produits, confirment leur souhait de développer une gamme spécifique origine France. Mais celle-ci resterait cantonnée à une partie de leur offre car le prix de la matière première est trop élevé pour faire basculer la totalité de leurs produits. Noisettes et amandes bio sont les produits principalement recherchés. En termes de prix, ces entreprises ont annoncé être prêtes à payer entre 11 et 15 €/kg HT l’amande bio française et 12 à 13 €/kg HT la noisette bio. À titre indicatif, une étude menée dans la Drôme par la chambre d’agriculture a montré qu’en amande bio le seuil de rentabilité se situe à 12,30 €/kg (prix de l’amandon, frais de cassage inclus). Pour dégager un revenu, le producteur doit donc viser un prix de vente au-delà de 13 €/kg.

L’amandier, une espèce difficile à conduire

Rendre les fruits à coque bio français compétitifs, face à la production des pays concurrents (Espagne, Italie, Turquie notamment), est d’autant plus délicat que les producteurs se heurtent aux difficultés techniques. « L’amande a l’image d’une espèce facile, rustique, adaptée au changement climatique… Il convient de tordre le cou à cette image. Si vous cherchez une espèce facile, n’allez pas sur l’amandier », avertit Benoit Chauvin-Buthaud, ingénieur-conseil en arboriculture fruitière à la chambre d’agriculture de la Drôme. Entre la microguêpe Eurytoma amygdali et le chancre à fusicoccum, la conduite de l’amandier reste compliquée. Si le projet Leveab (lever les verrous à la culture de l’amandier en agriculture biologique) a ouvert des pistes, Benoit Chauvin-Buthaud reconnaît qu’il reste du chemin à parcourir pour sauver la production en cas de forte pression sanitaire.

Idem en noisette, où le balanin et la punaise diabolique continuent de faire des ravages. Là aussi, des programmes expérimentaux sont en cours, notamment le projet Ripposte qui vise à tester la régulation de la punaise diabolique à l’aide de parasitoïdes oophages. Reste à savoir si le coût de ces solutions émergentes permettrait aux amandes et noisettes bio françaises d’être compétitives dans un marché totalement dominé par les concurrents étrangers. Quant à la pistache, « il n’y a pas encore assez de recul, même chez ceux qui ont planté il y a sept ans », estime Benoit Chauvin-Buthaud. Dans un contexte de changement climatique, il invite à rester prudent sur ces espèces méditerranéennes, parfois présentées comme des solutions miracles. Si le changement climatique est bel et bien à l’œuvre, il est encore trop tôt selon lui pour certaines espèces dans certaines régions. À la fois pour les risques de gel tardif mais aussi pour le nombre d’heures de chaleur nécessaires à la maturité des fruits.

Les fruits à coque bio en France

Amandes

En 2023, 1 062 hectares d’amandiers en bio ou en conversion ont été recensés, dont 524 en région Occitanie, 220 en Provence-Alpes-Côtes d’Azur, 124 en Auvergne-Rhône-Alpes, 113 en Nouvelle-Aquitaine et 74 en Corse (source : Frab Aura à partir des données Agence bio).

Noisettes

En 2023, 1 569 hectares de noisetiers en bio ou en conversion ont été comptabilisés, dont 573 en Nouvelle-Aquitaine, 354 en Occitanie, 108 en Bretagne, 101 en Grand-Est, 89 en Corse et 55 en Auvergne-Rhône-Alpes (source : Frab Aura à partir des données Agence bio).

Pistaches

En 2023, 57 hectares en bio ou en conversion ont été recensés (source : Frab Aura à partir des données Agence bio). En 2024, le syndicat France Pistache estime à 450 ha la surface plantée en France en pistachiers tous modes de production confondus (AB et conventionnel). Sur les 230 ha recensés par le syndicat chez ses 115 adhérents, trois départements concentrent pour l’instant l’essentiel des surfaces : le Vaucluse, les Alpes-de-Haute-Provence et l’Aude.

Noix de Pécan

Moins d’une centaine d’hectares de pacaniers seraient actuellement plantés en France selon Mathieu Duflos, de l’association française d’agroforesterie.

Réduire la prise de risque pour le producteur

« Pour amener un verger d’amandiers en production, il faut compter environ 21 000 euros par hectare d’investissements. C’est une prise de risque très importante pour le producteur. Mieux vaut donc éviter de planter si on n’a pas une visibilité claire sur les débouchés », indique Benoit Chauvin-Buthaud de la chambre d’agriculture de la Drôme. Quels seront réellement les besoins du marché dans un futur proche si l’on prend en compte les plantations réalisées en France sur les cinq à dix dernières années ? Cette question est essentielle selon lui.

Il invite également à rechercher des possibilités de contractualisation entre producteurs et transformateurs. D’autres solutions pour sécuriser les investissements sont également citées par Rémy Frissant, cofondateur de Amandera. Cette société vise à créer des vergers pilotes agroécologiques en fruits à coques. « L’objectif n° 1 est bien sûr de rentabiliser l’outil par la production », souligne Rémy Frissant. Mais il reconnaît que valoriser les démarches agroécologiques par le prix sera certainement compliqué. Pour rentabiliser ces investissements, il invite à étudier des pistes comme les crédits carbone ou la production d’énergie grâce à l’agrivoltaïsme.

Rédaction Réussir

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