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Expéditeurs exportateurs de fruits et légumes : « Nous sommes le bras droit des producteurs et l’oreille attentive de la distribution et des consommateurs »

A l’occasion de l’assemblée générale de l’Aneefel les 20 et 21 mars, FLD vous propose un tour de France avec six expéditeurs exportateurs de fruits et légumes (Voir carte cliquable dans le corps de l'article). Evolution du métier, contraintes et enjeux.... Quel sera le métier d’expéditeur exportateur demain ? Plongée dans ce métier encore mal connu. 

Deux personnes discutent devant une palette de colis de cerises
Les entreprises d'expédition de fruits et légumes sont ancrées dans leur territoire, au plus près des producteurs avec qui elles entretiennent des liens très forts. Photo d'illustration : l'entreprise familiale Chambe Agri-Fruits, 3e génération déjà, dans la région lyonnaise, est spécialisée sur la cerise et notamment la cerise de Bessenay.
© Chambe

« Métier passion ». « Un beau métier », « difficile » et « prenant ». Un « métier d’hommes et de femmes »… Lorsqu’on demande aux expéditeurs exportateurs de fruits et légumes de décrire leur métier, c’est en ces termes qu’ils s’expriment.

Maillon clé de la filière des fruits et légumes, le métier d’expéditeur exportateur reste pourtant assez mal connu. « Quand les acteurs de l’aval parlent de leurs “fournisseurs”, ils font en général allusion aux producteurs, alors qu’il s’agit souvent d’expéditeurs », souligne d’ailleurs le CTIFL(1).

FLD a interrogé 6 expéditeurs exportateurs des quatre coins de la France. Chacun.e, avec son histoire, son profil et sa vision bien à lui ou à elle s’est prêté.e au jeu des questions-réponses. Les 6 portraits sont à retrouver sur le site internet de FLD-Réussir fruits et légumes.


Cliquez sur les photos portraits de la carte ci-dessous pour accéder à chaque interview :

Témoignages : « Je suis expéditeur exportateur de fruits et légumes » par Julia Commandeur. Conception avec Canva

 

Qu’est-ce qu’un expéditeur exportateur de fruits et légumes ?

  • L'expéditeur, le premier metteur en marché

Premier metteur en marché, « nous sommes l’interlocuteur du producteur auprès de la distribution », « celui qui « valorise les produits », explique Léa Gérin. « Le bras droit de l’amont et l’oreille attentive de la dernière mise en marché et des consommateurs », estime même Philippe Dupont.

Certains expéditeurs parlent même de missions : mission auprès de la production, mission auprès de la distribution. Les expéditeurs ont souvent à cœur de maintenir les exploitations agricoles et, notamment celles de plus petite taille qui sont les plus fragiles.

« Nous sommes le bras droit de l’amont et l’oreille attentive de la dernière mise en marché et des consommateurs » : Philippe Dupont

Comme l’explique le CTIFL, l’expéditeur est chargé de collecter, laver, trier, calibrer et conditionner l’offre disponible en production de manière à former des lots homogènes de marchandise, dans le respect de la réglementation en matière sanitaire et de traçabilité, et en apportant un critère qualité, voire une segmentation. Le tout en négociant les prix les plus justes « pour tout le monde », afin de pérenniser sa structure mais aussi ses fournisseurs producteurs.

« Avec les expéditeurs, les producteurs peuvent se concentrer sur leur cœur de métier : produire » : Mathilde Chambe

  • Régulateur de marché

« Nous avons aussi un rôle de régulateur de marché », rappelle Philippe Dupont, expéditeur exportateur d’endives. Il se souvient du marché de l’endive il y a deux ans, où le manque de produits aurait pu pousser les opérateurs à vendre les chicons trop chers, quitte à rebuter les consommateurs d'acheter pour un temps. « Notre rôle a été de limiter les prix et de maintenir une pression promotionnelle » pour sauvegarder la consommation, relate-t-ilC’est aussi à l’expéditeur d’estimer les besoins en volume du marché face à la concurrence à venir d’autres fruits et légumes de saison et d’autres bassins.

  • Et l’exportation ?

L’export est une vraie stratégie pour certains expéditeurs. D’après le diagramme de la distribution des fruits et légumes frais de l’année 2020 du CTIFL, 18 % de la production française est exportée par les metteurs en marché.

« Exporter, c’est valoriser à l’étranger un produit français ancré dans un territoire local », estime Léa Gérin. Quelle fierté de voir son produit dans un rayon de GMS ou sur un étal de marché à l’autre bout du monde ! 

Et pour Christophe Artero, dont c’est le métier depuis 30 ans, si des marchés se ferment, d’autres restent à ouvrir. Il y a encore de belles opportunités sont à saisir pour les fruits et légumes français !

Lire aussi : « En échalote, nous allons être impactés par les décisions de Donald Trump mais très intelligent celui qui pourra prédire ce qui va se passer », témoigne l’exportateur Christophe Artero 

 

Les expéditeurs exportateurs, de vrais acteurs des terroirs, au cœur des bassins de production

  • Marchés au cadran et carreaux de producteurs : une époque révolue

Plusieurs systèmes de mise en marché des fruits et légumes frais coexistent : le cadran, le bureau de vente, la contractualisation, les marchés de producteurs (gré à gré)...

Le système d’achat au cadran avec ses enchères dégressives a périclité pour ne plus exister qu’en Bretagne et dans la Manche. Serge Le Bonniec, à Paimpol, achète 60 à 65 % de ses légumes -bretons à marque Prince de Bretagne- sur le cadran de Paimpol. « Il y a donc un enjeu à acheter la quantité dont on a besoin au prix le plus juste. La spéculation sur le légume peut être un atout de réussite mais peut s’avérer dangereuse ».

Au sud de l’Hexagone, dans le Sud-Est et le Sud-Ouest, historiquement « c’est le modèle du marché physique qui prédominait » avec les carreaux de producteurs, explique le CTIFL. « A ses débuts, mon grand-père se rendait sur les marchés de producteurs de la région pour acheter les fruits et les réexpédier aux grossistes et magasins parisiens. Mais les marchés de producteurs se sont raréfiés et aujourd’hui les producteurs sont passés en flux direct et nous livrent directement », raconte Mathilde Chambe, expéditrice dans la région lyonnaise.

Dans le Sud-Ouest, Olivier Lemouzy se souvient que son grand-père expéditeur se déplaçait avec la production : l’été il commercialisait à Moissac les fruits du Tarn-et-Garonne et l’hiver il se rendait dans les Pyrénées pour vendre artichauts et salades qui venaient de sortir de terre. « Les boutiques nomades sont ensuite devenues sédentaires », raconte-t-il en évoquant les outils de communication qui ont évolué

  • Un marché de rencontres

La dématérialisation des échanges commerciaux avec le téléphone portable et les mails ont changé la façon de travailler. Pour autant, Serge Le Bonniec n’envisage pas son métier coincé au bureau devant ses mails. « Il faut être en présence des légumes tous les jours », martèle-t-il. Sinon, comment juger au mieux de la qualité de la marchandise ? Comment sentir le marché ? « Les fruits et légumes restent un marché d’offre et de demande et de rencontres », plussoie Olivier Lemouzy.

Christophe Artero aussi confirme : « Il faut connaître et aimer les produits. Pour les vendre, d’autant plus à l’international, il faut y être sensible pour véhiculer l’attrait du produit. »

« Les fruits et légumes restent un marché d’offre et de demande et de rencontres » Olivier Lemouzy

  • L’ancrage au territoire : l’expédition est souvent une histoire de famille

Tous les expéditeurs exportateurs interrogés revendiquent travailler avec les producteurs au cœur de leur terroir et territoire agricole. Le lien avec la production est fort, d’autant que certains connaissent leurs fournisseurs depuis toujours ou presque. Comme en production, l’expédition est souvent une histoire de famille qui se transmet de génération en génération (mais pas toujours, comme en témoignent Serge Le Bonniec et Christophe Artero).

« On connaît parfaitement nos producteurs et leurs fruits », assure Mathilde Chambe. Conséquence : un expéditeur peut répartir au mieux sa marchandise selon les clients pour la valoriser au mieux.

A relire : Bernard Gérin, président de l’Aneefel : « nous sommes de vrais acteurs des terroirs, au cœur des bassins de production »

Le lien avec la production est fort, d’autant que certains connaissent leurs fournisseurs depuis toujours ou presque

 

Evolutions du métier et inquiétudes : demain, quel métier pour les expéditeurs exportateurs ?

C’est aussi vers la production que se cristallisent les principales inquiétudes des expéditeurs exportateurs de demain.

  • Une production en danger ?

« Aujourd’hui la production est en train de changer », assure Léa Gérin. Comme d’autres, elles évoquent la raréfaction des petits producteurs, la concentration et la spécialisation de l’activité… Mais aussi les impacts du changement climatique, la non-transmission des exploitations et les contraintes réglementaires de plus en plus fortes (retrait de molécules) qui jouent et vont jouer sur l’offre disponible.

Alors on se serre les coudes. Les liens se resserrent entre l’amont et les premiers metteurs en marché. Les expéditeurs proposent parfois aux producteurs un suivi technique -comme le fait la cerise de Bessenay dont fait partie Chambe Agri-Fruits-, certains se lancent aussi en production propre, comme le frère de Léa Gérin, afin de sécuriser une partie de l’approvisionnement. 

La transmission des entreprises d’expédition est un gage de réassurance pour les producteurs de voir continuer leurs débouchés.

  • La problématique RH

Et comme en production, les expéditeurs font face à des difficultés de recrutement, des saisonniers et parfois des permanents. Le télétravail qui est devenu un enjeu de recrutement, n’est pas possible dans les métiers de l’expédition. Il s’agit donc d’attirer les talents et les garder autrement. Et comment concilier une vie de parent avec les contraintes horaires du métier ? 

La formation est aussi un enjeu. Par exemple, chez Celtileg, l’entreprise de Serge Le Bonniec, les chauffeurs sont aussi agréeurs afin de pouvoir vérifier les produits lors de la collecte. Il faut six mois à un an pour former un chauffeur. Idem pour un préparateur. Alors, ses collaborateurs, il faut les chouchouter.

A relire : Métiers des fruits et légumes : quels sont les besoins en formation de la filière ?

Le métier d’expéditeur, comme celui d’acheteur, se féminise.

  • Une lourdeur administrative

Les expéditeurs exportateurs témoignent aussi d’une accumulation de normes et de changements réglementaires (emballages plastique au niveau français et européen) et d’une « lourdeur administrative ».

A noter : Depuis des d’années, les expéditeurs ont pris à bras le corps le sujet de la qualité en mettant en place dans leurs entreprises un véritable management de la qualité (avec les employés dédiés) et s’engagent dans certaines démarches volontaires : FeL’ Partenariat ou encore Plaisir et Confiance.

 

Alors quel sera le métier d’expéditeur exportateur demain ?

L’intelligence artificielle, l’automatisation, les bouleversements en production… « Nous n’aurons pas les mêmes contraintes que nos parents », confirme Léa Gérin. 

La Commission Jeunes de l’Aneefel (Association nationale des expéditeurs et exportateurs de fruits et légumes) a ainsi été mise en place pour rassembler les jeunes chefs d’entreprises afin qu’ils s’organisent. Dans le cadre de cette Commission Jeunes, « on aimerait bien proposer des formations sur la gestion d’entreprise (comptabilité, finance…) pour nous donner les bonnes clés. Ainsi qu’une formation prise de parole/média training pour pouvoir défendre la production et mettre en lumière les belles initiatives de nos producteurs ; cela nous aiderait à avoir plus de confiance en nous et un sentiment de légitimité -notamment en tant que femme », confie Mathilde Chambe qui est une des représentantes de la Commission Jeunes.

« Nous n’aurons pas les mêmes contraintes que nos parents » : Léa Gérin

Logistique, attractivité des métiers, certification… Tous ces sujets d’avenir du métier seront mis en débat lors de l’assemblée générale de l’Aneefel  les 20 et 21 mars 2025 à Ploubazlanec près de Paimpol (Côtes-d'Armor) afin que l’association professionnelle puisse bâtir sa feuille de route

Une chose est sûre pour les expéditeurs exportateurs, « c’est un métier qui sera toujours utile à la filière des fruits et légumes ». Il s’agit après tout d’alimentation des populations et de vie économique des territoires.

 

364 entreprises d’expédition fruits et légumes en France 

Sur la période 2009-2019, la France comptait 168 expéditeurs et 196 producteurs-expéditeurs, selon les chiffres du CTIFL(2). Comme il s’agit d’un métier profondément ancré dans son territoire avec des liens forts avec les producteurs, un tiers des expéditeurs (et producteurs-expéditeurs) se concentre en Occitanie et en Provence-Alpes-Côte d’Azur, deux grandes régions de production. 

Coopératives, Sica (Société d’Intérêt Collectif Agricole), OP (organisations de producteurs) et expéditeurs en 2020 ont mis « en marché 2,5 millions de tonnes de fruits et légumes chacun », estime encore le CTIFL(3).

 

(1) Détail F&L n°408 de novembre 2004, article de Clément Aubert et Mathilde Viguier.

(2) Observatoire des entreprises de gros et d’expédition de fruits et légumes frais en France – Années 2017-2019, CTIFL.

(3) Chiffres issus du Diagramme de la distribution 2020 – CTIFL.

 

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