Une revalorisation à géométrie variable
La revalorisation des retraites à 85% du SMIC effective depuis le 1er décembre 2021 a finalement créé pas mal de frustrations. En cause, un mode de calcul auquel rien n'échappe qui a écarté un certain nombre de retraités.
Depuis trois mois, lorsqu'il échange avec les adhérents, au téléphone, en réunion ou lors de moments festifs, Jean-Claude Chalencon avoue être face à deux profils : les satisfaits et les mécontents. Il y a ceux qui ont vu leur pension de retraites progresser et les autres pour qui rien n'a changé malgré l'entrée en vigueur de la loi Chassaigne au 1er novembre 2021 dont l'objectif était de revaloriser les retraites à hauteur de 85 % du SMIC brut. Si le président de la section régionale des anciens exploitants d'Auvergne-Rhône-Alpes se doutait qu'il y aurait forcément « des trous dans la raquette », il n'avait pas mesuré l'ampleur. Car pour bénéficier de cette centaine d'euros supplémentaire en moyenne tous les mois¹, il faut cocher plusieurs cases : d'abord, justifier d'une carrière complète en tant que chef d'exploitation, « dans ces conditions les agriculteurs qui en début de carrière ont effectué 5 ou 6 ans en tant qu'aides familiaux sont pénalisés », analyse Jean-Claude Chalencon.
Agriculteurs et élus
Ensuite, le calcul de la pension intègre les potentiels retraites d'élus, de responsables professionnels (les mandats au sein des chambres d'agriculture notamment)... ce qui fait basculer une majorité d'anciens exploitants au-delà du seuil de déclenchement de la revalorisation... parfois seulement pour quelques euros. En milieu rural, en effet, nombreux sont les agriculteurs à avoir donné du temps pour leur commune au sein de leur conseil municipal. Aujourd'hui parce que cet engagement les pénalise, alertée par l'AMF du Cantal, l'Association des maires de France est montée au créneau du Gouvernement. Objectif : obtenir une révision de la loi, afin d'exclure les retraites Ircantec (régime obligatoire des élus) des anciens agriculteurs dans le calcul du plafond retenu pour la revalorisation. « Pour ceux qui ont plus de 1 060 euros brut, cela ne passe pas », explique l'ancien agriculteur.
Obtenir 85 % du SMIC net
Car au-delà du problème des mandats, la majoration pour enfants compte aussi... Une aberration pour Jean-Claude Chalencon, « à partir du troisième enfant, beaucoup de retraités passent à la trappe. Ce n'est pas juste, car il est normal de percevoir plus dès lors que l'on a eu plus d'enfants ». En Auvergne, selon les chiffres de la MSA, sur un peu plus de 60 000 retraités anciens chefs d'exploitation, 11 104 ont bénéficié de la revalorisation. Dans le détail 9 183 sont des hommes et 1 921 des femmes². Les conjointes et les aides familiaux ont eux aussi bénéficié d'une revalorisation dans le cadre du second volet de la loi Chassaigne. En Auvergne, on en dénombre 11 478. « Au final, ceux qui sont gagnants sont les petits exploitants qui étaient au forfait et étaient chefs d'exploitation durant toute leur carrière », résume le président de la section régionale. Malgré ses effets discutables, la loi Chassaigne était attendue, et constitue un premier pas salutaire. Entre sa première proposition de loi en 2016, et le vote de la loi en juillet 2020 cinq ans se sont écoulés. « Nous allons continuer notre combat pour obtenir une revalorisation des pensions pour les exploitants et les conjointes à hauteur de 85 % du SMIC net », conclu Jean-Claude Chalencon.
1. Selon les cas de figure, la revalorisation oscille entre 20 et 150 euros par mois pour des bénéficiaire dont la pension mensuelle brute était en moyenne de 953 euros (852 euros pour les hommes).
2. Nombre d'assurés ayant bénéficié d'un complément de RCO en janvier 2022 : 2 461 dans l'Allier, 2 994 dans le Cantal, 2 533 en Haute-Loire et 3 116 dans le Puy-de-Dôme. Chiffres MSA Auvergne.