Un nouveau vigneron à Ispagnac
L’association foncière agricole des coteaux des gorges du Tarn a aidé à l’installation d’un quatrième viticulteur à Ispagnac, Marin Paquereau.
L’association foncière agricole des coteaux des gorges du Tarn a aidé à l’installation d’un quatrième viticulteur à Ispagnac, Marin Paquereau.
Sur les coteaux d’Ispagnac perdure une tradition qui, il y a quelques décennies encore, faisait la réputation de la vallée : la vigne. Si les coteaux n’ont plus autant de vignerons que passé une époque, la flamme est entretenue grâce à trois vignerons installés là depuis quelques années. Et qui sont, cette année, rejoint par un troisième, Marin Paquereau. Venu du Maine-et-Loire, ce dernier s’est toujours passionné pour le vin. Et « connaissant Ispagnac depuis tout petit, chaque année on venait au camping avec mes parents l’été », il n’a pas hésité à venir poser ses pénates en Lozère, une fois terminé son BTS viticulture-œnologie.
« Il y a Sylvain Gachet, que j’ai commencé à rencontrer et à sympathiser avec, quand j’ai fait mon BTS viticulture-œnologie, et à la fin de mon BTS, j’avais plusieurs plans, et Sylvain me disait, « ce serait bien qu’il y ait des jeunes qui arrivent et qui s’installent parce que ça manque ». Et ça me plaisait, cette idée. Et il y avait un côté où il y a tout à faire ici… Rester dans le Maine-et-Loire, le vin, il y en a partout, il faut se démarquer, alors qu’ici, en fait, il n’y a personne. Quand on dit qu’on fait du vin en Lozère, les gens sont surpris », s’amuse le jeune vigneron, en pleine taille de ses pieds de vigne sur ses deux parcelles surplombant la commune en ce doux mois de février.
L’AFA, une structure utile
Mais pour en arriver à ces deux parcelles de 0,9 hectare sur lesquelles Marin Paquereau exerce son activité, et prêtées par les vignerons alentour pour « mettre le pied à l’étrier au nouvel installé », différentes étapes ont été nécessaires. Pour sa part, le jeune agriculteur a frappé à de nombreuses portes, pour savoir quelles étaient ses options.
Première démarche : la mairie d’Ispagnac, pour vérifier les disponibilités des terrains alentour. En frappant là, Marin Paquereau, qui n’en connaissait pas le principe, découvre l’existence d’une AFA (association foncière agricole, une douzaine existent en Lozère, avec des associations foncières pastorales), dont le but est de regrouper les propriétaires fonciers qui le souhaitent dans une structure unique,et dont la mairie d’Ispagnac est partie prenante. Diminuant d’autant les formalités pour les agriculteurs souhaitant louer des parcelles puisqu’ils n’ont plus qu’un seul interlocuteur plutôt qu’une multiplicité. Selon une étude publiée en 2022 par Terres de Liens, « un agriculteur fait face, en moyenne, à 14 propriétaires différents ».
Cette AFA s’était créée dans les années 2000, avec une quarantaine de propriétaires, au moment où certains agriculteurs souhaitent s’installer pour refaire couler du vin en Lozère. Selon certains documents historiques, « en 1851, 101 hectares étaient plantés en vigne sur la commune d’Ispagnac, 64 hectares en 1956, 3,5 hectares en 1998 ». Et l’Afa a contribué à l’installation de trois vignerons, pour 16 hectares de terre en location, puisque les propriétaires entrés dans l’association foncière avaient pour objectif de revaloriser le travail de la vigne à Ispagnac. En 2022, après une décennie en dormance car les vignerons étaient installés et que tout s’était mis en place, l’Afa s’est donc réveillé avec la demande de Marin Paquereau. « Nous devons reconstruire l’Afa, qui avait un peu été oubliée », soupire Jean-Claude Grau, le nouveau président de l’association et lui-même propriétaire foncier à Ispagnac. « Il y a tout un travail administratif de reconstruction légale à réaliser ». Une tâche entamée en 2022 et qui n’est pas encore terminée en 2024, au vu du nombre d’acteurs impliqués dans le projet, et du travail de fourmi que cela représente. « Notre objectif est de revitaliser un territoire agricole en déshérence », détaille Jean-Claude Grau, qui ne cache pas une certaine nostalgie de l’époque où « la viticulture vivrière, avec des amandiers au milieu des vignes, par exemple, ou une petite arboriculture », était la norme à Ispagnac. Sans parler de l’entretien du territoire, et de la lutte contre la déprise agricole qui se joue dans le soutien à ces installations. « À l’époque de la création de l’Afa, tous les acteurs institutionnels et organismes professionnels s’étaient impliqués dans le projet ». En 2024, les bonnes volontés semblent plus compliquées à réveiller, même si les acteurs assurent de leur présence aux côtés de l’Afa.
« Deux ans après notre première rencontre avec Marin, nous sommes toujours en train de travailler sur la remise au propre d’une copie avec le foncier actuel indiquant les propriétaires actuels ou encore, si les terres ont été exploitées, par exemple. Un travail qui devrait être bientôt finalisé pour pouvoir le présenter en assemblée générale. Puis faire des choix sur ce que l’on garde et que l’on fait sortir et officiellement installer Marin par le biais de convention entre l’AFA et lui », détaille Pierre Herrgott, troisième adjoint à la mairie d’Ispagnac en charge de l’environnement et des ressources naturelles. Un travail de longue haleine, qui s’inscrit aussi dans une réflexion des élus sur l’agriculture, le territoire, et l’accompagnement de projets. « On aura un défi à venir qui sera le renouvellement des générations en agriculture. C’est quelque chose que l’on pressent pour les années à venir, après la façon d’intervenir, je pense qu’on la maîtrise mal, mais ces outils de regroupement de foncier peuvent être une réponse à l’intervention de la collectivité. C’est une préoccupation de pouvoir accompagner la mutation au travers la reprise d’exploitations agricoles et de l’évolution des métiers. »
Jean-Claude Grau, pour sa part, reste attaché à l’idée première qui a sous-tendu la constitution de l’AFA : la viticulture. « Et puis, c’est beau la vigne », rêvasse le président de l’association, qui voudrait redonner son éclat à la filière viticole. Une affirmation que ne renierait pas Marin Paquereau, dont les premières vendanges sont prévues pour septembre 2024. Et les premières bouteilles à la vente en 2025, en chardonnay et pinot noir. Même si le vigneron espère bien travailler d’autres cépages à l’avenir, notamment « le chenin, en blanc, parce que je viens de la Loire », s’amuse-t-il.