Sécheresse, cours en baisse, trésoreries en berne : un cocktail explosif
Sécheresse > La FDSEA et les JA ont réuni la presse lundi 8 juin sur l’exploitation du Gaec du Fox à St Christophe/Dolaizon pour faire le point sur la sécheresse.
La sécheresse sévit sur une grande partie de la Haute-Loire. Pour mettre en évidence cette problématique et en mesurer les conséquences, les présidents de la FDSEA Yannick Fialip et des JA43 Anthony Fayolle, avaient réuni des agriculteurs du secteur et la presse sur les terres du Gaec du Fox à St Christophe sur Dolaizon.
Il suffisait alors de regarder la prairie à ses pieds, qui ressemble à un paillasson jaune, pour se rendre compte de la réalité. Pascal Valette et Bernard Pays, les 2 associés expliquent qu’ils n’ont pas vu la moindre goutte de pluie depuis des mois. Ils font le bilan de la situation.
Alors que pour nourrir leurs 70 vaches laitières et leur suite, ils procèdent d’ordinaire à une première coupe d’ensilage sur 20 à 25 ha, cette année ils ont dû couper 42 ha sans arriver à remplir leurs 2 silos. Quant au foin, ils ont récolté pour l’instant 36 boules sur 6 ha soit 5 à 6 boules par ha contre 15 une année normale.
Les premiers stocks sont maigres, mais ce qui inquiète le plus les exploitants, c’est de voir qu’il n’y a aucune repousse. «Nous avions fait des luzernes, qui sont sensées mieux résister à la sécheresse ; mais elles ne sont pas reparties» explique Pascal Valette. Les vaches ne vont plus pâturer. Seules les génisses ont encore 15 jours de réserve, après… Et au vu de la situation, le Gaec peut faire une croix sur les 2èmes coupes.
Autre source d’inquiétude pour les 2 associés, ce sont les maïs. Semés dans des terres fortes, ils ne sont pas ou mal sortis. «Il en manque 50 % environ, signale Bernard Pays. De plus les désherbants n’ayant pas marché en raison de la sécheresse aussi, la mauvaise herbe s’est installée».
Situation très préoccupante
Le bilan est très préoccupant. Le Gaec du Fox puise donc déjà dans ses stocks. Il a par ailleurs acheté un peu de pommes de terre au prix de 30 €/tonne, pour «rallonger les silos de maïs». Il est un peu tôt pour prendre des décisions, mais d’ici 15 jours un autre bilan s’imposera avec à la clé des choix : vente d’animaux, achat de fourrages… Déjà, les associés ont choisi de ne pas engraisser de réformes comme ils le faisaient
d’habitude.
Pour pallier le manque de fourrages, il faudra acheter. Un rapide calcul : les 2 associés pourraient devoir sortir de 10 000 €, si la pluie arrive très rapidement et permet à la végétation de repartir, à 40 000 € si la sécheresse perdure.
Autour des 2 agriculteurs, d’autres exploitants du secteur et des communes voisines étaient présents. Le constat est le même ou presque - certains secteurs ont reçu un peu d’eau ce week-end d’autres rien - la situation est très préoccupante.
C’est aussi l’avis des présidents de la FDSEA et des JA qui ont fait un premier bilan ce matin en conseil d’administration. Selon les secteurs, les pertes à ce jour vont de 30 à 70 %.
Et même si Anthony Fayolle remarquait - comme un appel du pied à M. Météo - que «l’an dernier (on) a ouvert un dossier sécheresse et il a plu ; on l’a donc refermé», les 2 responsables ont voulu réagir cette année aussi très vite face à cette situation. Une situation qui, de plus, s’ajoute à un contexte économique déjà très difficile, pour nombre de productions, le lait, la viande bovine, le porc, (et même les ovins) qui voient leurs cours baisser, de façon drastique pour certaines.
«Le risque, soulignent-ils, c’est de ne pouvoir faire face à des achats de fourrages pour compenser des stocks très faibles, et de devoir décapitaliser. Et trop d’animaux sur le marché conduira à une baisse des cours. Une spirale inéxorable…».
Réaction et action
FDSEA et JA réagissent. Ils demandent donc l’ouverture d’un dossier «calamités agricoles». Bernard Meyronneinc de la Direction Départementale des Territoires a apporté quelques précisions quant à la procédure à suivre. Un tel dossier porte sur les prairies permanentes et temporaires, 1ères et 2èmes coupes, et le maïs ensilage.
Une première enquête de terrain devrait se dérouler début juillet, puis sera confortée à l’automne ; l’examen final du dossier n’ayant lieu qu’à l’automne une fois toutes les récoltes comptabilisées. M. Meyronneinc devait rappeler que pour émarger à cette procédure, il faut justifier d’au moins 30 % de perte. Notons aussi que l’administration suit de près ce dossier, et qu’un Comité sécheresse devrait se réunir prochainement.
Par ailleurs, le syndicalisme majoritaire a aussi décidé d’anticiper un peu et de doubler les quantités de paille commandées dans le cadre de son opération collective, soit environ 5 000 tonnes. Cette initiative vise à diminuer les coûts de transports et à maîtriser un peu le prix (prix qui aura tendance à s’envoler si beaucoup de régions sont touchées par la sécheresse en France). Aujourd’hui, précise Yannick Fialip : «il semblerait que les régions les plus touchées soient le Massif-central et une partie du sud-ouest et du sud-est. Les régions céréalières sont à ce jour moins touchées».
Le décor a été planté et la première impression laisse présager des semaines difficiles pour les troupeaux, et même si la pluie devait enfin tomber, les pertes aujourd’hui constatées sont irréversibles.
Tous les agriculteurs présents ce lundi à St Christophe, sont unanimes pour reconnaître qu’une telle sécheresse «si tôt dans la saison», c’est du jamais vu ou presque.
«On n’avait pourtant pas besoin
d’une sécheresse aujourd’hui dans le contexte économique actuel» ajoute Yannick Fialip, pour qui «cours en baisse, manque de trésorerie et sécheresse forment un cocktail explosif».
Suzanne Marion