Quand l’or blanc fond comme neige au soleil
Le 23 novembre dernier, la station du Lioran réalisait la préouverture la plus précoce de son histoire, laissant augurer un cru d’exception.Trois mois plus tard, la météo a douché les espoirs.
Les deux dernières semaines de février, le taux de remplissage des hébergements de la station du Lioran a affiché 90 % (63 % cette dernière semaine de vacances, 71 % la première du 10 au 17 février). De quoi donner le sourire aux hébergeurs privés et collectifs, mais loin de refléter l’activité sur les pistes. Car Pierre Leduc, directeur de la SAEM Super-Lioran développement, le sait, quand bien même les précieux flocons ont fait leur retour redonnant du baume au cœur aux vacanciers et professionnels du tourisme blanc, ce manteau neigeux tardif ne suffira pas à redresser la barre d’une saison qui restera comme un très mauvais cru.
Trop tôt encore pour annoncer l’impact sur le chiffre d’affaires mais ce dernier s’annonce en net recul par rapport à 2019, un autre hiver qui avait mal démarré avant que les chutes de neige de janvier viennent regarnir les recettes (6,24 millions d’euros de chiffre d’affaires) avec un mois de février ensoleillé et “historique”. Cet hiver, si la station a pu ouvrir durant les vacances de Noël grâce aux chutes de neige précoces et abondantes de fin novembre, la neige de culture a elle permis de faire le tuilage jusqu’aux vacances de février, non sans difficultés. “On n’a pas eu de grosses fenêtres de production avec des températures qui ont juste frôlé la température de démarrage, soit - 3°, - 4° C mais avec des ratios de production très bas”, explique Pierre Leduc.
Sans neige, “on ne sait pas faire”
Un hiver 2019-2020 à vite oublier donc, diront certains. “Surtout pas !”, corrige Pierre Leduc pour qui les températures exceptionnellement douces de ce début d’année conjuguées à l’absence d’enneigement doivent au contraire inciter le Lioran - comme ses consœurs du Massif central et au-delà - à tirer des enseignements pour l’avenir et leur pérennité. Si les professionnels de la montagne ne doutent plus de l’impact sur l’activité hivernale du réchauffement climatique, pour le directeur de la station cantalienne, cet hiver doit fait figure de nouvel électrochoc pour accélerer l’adaptation et la mutation des stations de moyenne montagne. Même si des actions sont déjà engagées depuis plusieurs années autour du concept d’une station aux quatre saisons(1), “il faut se mettre au travail pour continuer à diversifier nos activités, affirme Pierre Leduc. Mais on ne saura pas faire un hiver sans neige, sans glisse, il faudra faire le maximum pour assurer la skiabilité au moins d’une partie du domaine”.
En attendant, ces dernières semaines, il a fallu s’adapter et composer avec les caprices de la météo, un soleil et des températures printanières alternant avec des épisodes de pluie. “Les gens ont toujours pu skier, on n’a jamais fermé, en passant, au plus bas, d’une seule piste à 22 pistes ouvertes, sachant que le secteur du Plomb du Cantal a affiché la meilleure skiabilité depuis le mois de janvier.”
Accélérer la diversification
Pour satisfaire une clientèle majoritairement familiale, certaines animations ont été doublées comme les spectacles de magie et d’hypnose, la visite des coulisses du téléphérique, les séances de la patinoire... “On a remis en place le VTT de descente sur le Remberter”, ajoute le directeur. Randonnée, déval’luge, paintball, quadbike, escape game,... sont venus compléter le programme hebdomadaire avec en outre la venue de Glisse& Fromages ou encore, la “Tripoux N truffade” (course d’obstacle) le week-end dernier. Tandis que plusieurs manifestations viendront baliser le mois de mars jusqu’à la fermeture de la station prévue pour l’heure le 29 mars. D’ici là donc, si les conditions d’enneigement et météo le permettent, le Cantal tour sport hivernal fera étape le dimanche 8 mars, en même temps que Cantalpinisme, suivi le week-end des 14 et 15 mars par un tournoi de curling puis les 21 et 22 mars par la première édition du Madcow winter festival.
De quoi attirer une clientèle locale qui a logiquement un peu boudé la station, mais dont le directeur a bon espoir qu’elle soit au rendez-vous cette dernière semaine des vacances scolaires et lors des prochains week-end en voyant les sommets enneigés.
(1) Une étude plus globale sur le développement stratégique de la station a été diligentée qui devrait rendre ses conclusions dans les prochains mois.
Jusqu’à - 40 % d’épaisseur en 2050
Faute de disposer d’un grand nombre de séries de mesures de qualité sur une période suffisamment longue, il est difficile de chiffrer précisément l’évolution de l’enneigement au cours des dernières décennies en France. Néanmoins, le site de mesure du col de Porte (1 325 m) dans le massif de la Chartreuse (Alpes) permet un recul de 60 ans en moyenne montagne : entre les périodes 1960-1990 et 1990-2019, l’enneigement y a fondu de près de 40 cm d’épaisseur (de neige hivernale moyenne) et la température hivernale y a augmenté de près de 1°C. Dans le cadre d’un projet de recherche baptisé Adamont, des projections climatiques dédiées à la montagne et utilisant plusieurs scenarii de teneur en gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère utilisés par le Giec indiquent, à l’horizon 2050, une réduction de plusieurs semaines de la durée d’enneigement en moyenne montagne et une épaisseur moyenne hivernale en repli de 10 à 40 %. Et ce quel que soit le scénario. À l’horizon 2100, ces conditions d’enneigement seraient stabilisées en cas de fortes réductions des émissions de gaz à effet de serre, mais l’épaisseur d’enneigement serait réduite de 80 à 90 % avec un manteau neigeux quasi inexistant dans le cas contraire (fortes émissions de GES). Source : MétéoFrance.