Quand des chiens errants hypothèquent la pérennité d’une exploitation
La FDSEA, les JA et la Chambre d’agriculture ont invité la presse locale chez Alain Comptour à Vergongheon, dont le troupeau a été victime d’une attaque de chiens errants le 24 février.
Quelques jours après l’attaque que son troupeau de brebis Blanches du Massif Central a subi dans la nuit du 23 au 24 février dans le village de La Jarige à Vergongheon, Alain Comptour, 57 ans, se montre découragé et s’interroge même sur la suite à donner à son activité d’élevage... C’est ce qu’il a révélé le 1er mars lors d’une rencontre avec la presse locale organisée par la FDSEA, les JA et la Chambre d’agriculture, à Vergongheon.
Des brebis entassées au fond du tunnel
Il faut dire que cette attaque causée par des chiens errants a été particlièrement violente et meurtrière chez cet éleveur qui comptabilisait, en ce 1er mars, 97 brebis mortes.
«L’attaque a dû se dérouler vers 4 heures du matin. Lorsque je suis arrivé près des tunnels, à la lampe torche, j’ai vu une brebis couchée sur le flan à l’extérieur ; elle était griffée. Je l’ai ramenée à l’intérieur du 1er tunnel. Ce dernier était vide... J’ai compris qu’il y avait un problème. Dans le second tunnel, j’ai trouvé les brebis toutes entassées au fond» explique Alain Comptour avec émotion.
Certaines portaient des traces de morsures, d’autres avaient été éventrées ou étouffées par leurs congénères au moment de l’attaque. Aucune brebis n’a été mangée, ce qui permet d’exclure la responsabilité du loup, qui de surcroît n’est pas présent dans ce secteur du département.
Les chiens errants sont en revanche une problématique récurrente dans le secteur. «J’ai déjà vécu une attaque en 2017 mais là, c’est la première fois que les chiens pénètrent dans les bâtiments restés ouverts pour éviter que les animaux aient trop chaud» indique-t-il. Depuis ce matin-là, Alain a une appréhension chaque fois qu’il ouvre les portes de ses tunnels. Il a également fait le guet durant 4 nuits dans sa bergerie au cas où il aurait une nouvelle visite. Mais il le sait : «les chiens concernés, (Ndlr : le voisinage parle de trois chiens agressifs de type berger allemand en vadrouille) doivent désormais être enfermés chez leur propriétaire». Sur le plan moral, les dommages importants conduisent Alain Comptour à s’interroger : «faut-il reconstituer un troupeau avec cette menace-là ?».
Jusqu’à 100 000 € de pertes
Du point de vue financier, le préjudice est très lourd, d’autant que toutes ces brebis étaient gestantes et devaient mettre bas au 15 mars. Il estime ses pertes jusqu’à 100 000 euros ! Et c’est d’autant plus difficile, que le bilan s’alourdit de jour en jour. Certaines brebis meurent de leurs blessures, tandis que d’autres avortent en raison du stress subi.
Cette attaque aura des répercussions financières sur plusieurs années. «À partir d’aujourd’hui, chaque fois que cet éleveur perdra une brebis, il perdra une aide ovine. L’aide ovine 2020, calculée sur la productivité de l’élevage en 2019, risque aussi d’être diminuée. La modification du chargement de l’exploitation (due à la perte des brebis) va aussi avoir une incidence négative sur l’ICHN» souligne le président de la FDO Claude Font.
Pour aider cet éleveur, qui avait constitué un troupeau de haute valeur génétique doté d’une bonne productivité, le syndicalisme (FDSEA-JA) a contacté les services de la DDT, de la Préfecture et les OPA. «Dès aujourd’hui, cet élevage a été retiré de la liste des exploitations contrôlables» a indiqué le président de la FDSEA, Yannick Fialip.
Alain Comptour pourra également compter sur l’élan de solidarité qui prend de l’essor sur les réseaux sociaux grâce à une cagnotte en ligne ouverte par ses trois enfants : Anthony, Aurore et David (voir dans cette page).
«Je vis à côté d’une meute et je ne sais pas où elle est»
Mais dans cette affaire, la problématique majeure reste celle des chiens errants. Et Yannick Fialip et Claude Font en appellent à la responsabilité des propriétaires de chiens en divagation : «On ne pourra pas continuer ainsi. Les citoyens doivent maîtriser leurs animaux et prendre conscience qu’ils ont des devoirs».
Si l’enquête menée par la gendarmerie ne permet pas d’identifier les animaux responsables de l’attaque et leur(s) propriétaire(s), Alain Comptour ne pourra pas être indemnisé par les assurances. «Je vis à côté d’une meute et je ne sais pas où elle est !» lance-t-il avec angoisse.
Avec l’aide du syndicalisme agricole, de la Chambre d’agriculture, de sa famille proche et avec l’élan de solidarité qui grandit sur les réseaux sociaux et qui le touche profondément, espérons que cet éleveur ovin retrouvera la force et l’envie de reconstituer son troupeau.
Cagnotte solidaire…
Quelques jours après le “carnage”, les enfants de l’éleveur ont ouvert une cagnotte solidaire pour aider leur père, qui selon leurs termes «n’a plus la force de persévérer, de faire face à ce coup du sort et sauver la ferme». La cagnotte en ligne est hébergée sur le site “Leetchi.com”. Elle est accessible à partir de Facebook, sur la page de soutien à l'exploitation d'Alain Comptour.
Ses enfants tiennent cependant à préciser les choses : «Aidez-le à retrouver l'envie de poursuivre son métier d'éleveur et à continuer à produire une viande de qualité. L’assurance qui couvre l’exploitation ne pourra fonctionner que dans le cas où nous pouvons retrouver les chiens et leurs propriétaires, ce qui parait hélas peu probable. Si, toutefois, ce scénario se produisait, la présente collecte serait annulée et les participants verraient leurs dons ne pas être pris en compte».
L’objectif est d’atteindre un montant de 100 000 €pour cette cagnotte, ce qui correspond à l’ensemble du préjudice causé par cette attaque.
Au 6 mars, cette cagnotte avait déjà permis de collecter 18 600 €. La cagnotte prendra fin le 31 mars.