Bruno Dufayet : « Pour un élevage en phase avec la société »
À l’occasion d’un déplacement dans l’Allier, le président de la FNB, Bruno Dufayet a présenté le travail de fond réalisé par Interbev sur les enjeux environnementaux. Son leitmotiv : reprendre confiance et savoir se remettre en question.
En ce moment, Bruno Dufayet fait pâturer une partie de ses génisses sur les pistes de ski du Sancy. « Le pastoralisme a un double avantage : en été il préserve l’environnement et en hiver il permet de fixer la neige sur les pistes ». Voilà un des nombreux exemples que le président de la Fédération bovine de France a donné pour illustrer le travail de fonds qu’il mène avec toute la filière au sein d’Interbev et qu’il est venu présenter à l’occasion d’une journée d’échanges organisée par la Chambre d’agriculture de l’Allier sur « les enjeux sociétaux de la filière ». En filigrane, il a lancé un message fort.
Vous travaillez, au sein d’Interbev sur les questions, au combien épineuses et douloureuses du bien-être animal, des impacts environnementaux. Que peut-on faire face à la souffrance des éleveurs qui subissent des assauts médiatiques très forts en ce moment ?
Pour moi, c’est très simple : soit on intègre le débat, soit on le subit. J’ai choisi la deuxième solution. Interbev milite pour que nous le fassions tous. Cessons d’être dans la posture et de répondre par voie de presse, cessons de réagir de façon frontale et parlons de ces sujets sans colère, sans tabou. Asseyons-nous à la table des débats. S’exclure, c’est se condamner à ne pas faire entendre nos arguments.
Comment ne pas être en colère ? Les attaques sont de plus en plus rudes. Les vegans tapent sur les tueurs de viande, les écolos sur les pollueurs...
Je comprends l’exaspération. Malheureusement, les débats aujourd’hui se focalisent sur le véganisme, soit 2 % de la population française... Ne perdons pas notre temps à débattre avec ces 2 % d’extrémistes qui n’entendront jamais nos arguments. Concentrons-nous sur les 98 % qui sont très loin d’être vegans. Contrairement aux idées reçues, les Français sont très attachés à leurs éleveurs. Sauf qu’ils méconnaissent de plus en plus notre métier. Il faut recréer du lien entre les urbains et les ruraux. Alors cessons, de prendre les critiques comme des attaques et posons les bonnes questions. Derrière ses esclandres médiatico-médiatiques, il y a des questions fondamentales qui se posent et nous devons opérer une remise en question sur notre modèle de filière, sur notre façon de produire « durablement ». C’est pourquoi, depuis 2014, tous les acteurs de la filière bovine se sont réunis pour faire entendre notre voix à plus grande échelle. Nous avons ainsi participé aux COP20, 21 et 22. Un travail de fond a commencé. La sensibilisation de tous les éleveurs aux enjeux sociétaux est une priorité. Cela devrait être une matière d’enseignement à part entière dans les lycées agricoles.
Quels arguments la filière bovine a-t-elle à faire valoir sur le développement durable ?
Beaucoup. Quand on parle par exemple de bien-être animal, un chiffre très simple : 98 % des exploitations françaises possèdent moins de 150 vaches. On compte 1 actif pour 60 vaches contre 6 pour 200 000 aux États-Unis. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Autre exemple : notre modèle d’élevage herbacé. Nos prairies sont des réservoirs de biodiversité, elles sont aussi le premier filtre naturel de l’eau. La carte des prairies se superpose quasiment à l’identique à celle des eaux potables. Et je ne parle pas de l’intérêt touristique de nos élevages. C’est là-dessus que doivent communiquer les éleveurs. Au lieu d’invectiver l’adversaire, faisons reconnaître nos forces.
Mais ces arguments sont-ils vraiment entendus à haut niveau ?
Pourquoi ne le seraient-ils pas ? Autour de la table, on a plus de chance d’être entendu. On nous demande de faire des efforts sur les questions de développement durable. C’est aussi le moment de dire : oui, nous entamons des réformes de fonds, mais que fait aussi la société pour nous épauler dans cette démarche.