Aller au contenu principal

Agriculture de précision : zoner les hétérogénéités du sol pour moduler intrants et semis

En situation de sols hétérogènes, l’adaptation de la densité de semis ou de l’apport d’intrants peut être intéressante pour optimiser les rendements. La cartographie par conductivité ou résistivité électrique permet de les zoner sur une parcelle.

Michael Godiet, agriculteur dans la Marne. « Je peux corriger mes apports d’engrais pour chaque élément zone par zone et moduler l’azote. » © M. Godiet
Michael Godiet, agriculteur dans la Marne. « Je peux corriger mes apports d’engrais pour chaque élément zone par zone et moduler l’azote. »
© M. Godiet

Ces dernières années, la modulation de la fumure de fond et de l’azote connaît une réelle progression. Cet ajustement des doses au sein même d’une parcelle est au cœur de l’agriculture de précision. « Le point de départ de l’agriculture de précision est la connaissance de l’hétérogénéité des parcelles de l’exploitation, souligne Édouard Berthelin, responsable OAD de la coopérative Terrena. Les zones hétérogènes sont identifiées par résistivité au sein de la parcelle, puis un pédologue se sert de ce scanner de sol pour prélever des échantillons de terre. » Grâce aux progrès technologiques, les possibilités de croisement de données se multiplient, jusqu’à établir des cartes de rentabilité par zone pour une meilleure gestion en amont de tous les intrants.

Michael Godiet, agriculteur sur 120 hectares en grandes cultures à Rouffy, dans la Marne, s’est converti à ces techniques. « Depuis mon installation en 2010, j’utilise divers moyens technologiques pour améliorer mes performances technico-économiques. Après avoir utilisé des outils d’aide à la décision en végétation puis équipé ma moissonneuse d’un capteur de rendement, je me suis lancé en 2017 dans la cartographie de mes parcelles en utilisant les services Précifield », explique l’exploitant.

Modulation possible pour tous types d’intrants

En un seul passage, la société Précifield scanne le sol : la texture est caractérisée grâce à la conductivité électrique qui mesure l’intensité du retour de l’arc électrique impulsé dans le sol, tandis qu’un capteur infrarouge mesure la colorimétrie pour évaluer la teneur en matière organique. Dans le même temps, deux sondes déterminent le pH, et le géoréférencement établit la topographie de la parcelle. Ces valeurs sont ensuite calibrées par les analyses de sol dont la compilation rend possible la modulation de tous types d’intrants à la parcelle.

Chez Michael Godiet, l’outil a révélé une forte hétérogénéité au sein de son parcellaire situé dans un rayon de 17 kilomètres. L’objectif principal de l’agriculteur est de faire de la modulation intraparcellaire de tous ses intrants (engrais, produits phytosanitaires, densité de semis…) « Sur le logiciel de Précifield, je peux importer mes cartes de biomasse et de rendement, explique-t-il. Je compare toutes les informations qui m’intéressent pour trouver des corrélations entre elles. Je peux corriger mes apports d’engrais pour chaque élément zone par zone et moduler l’azote. Cette année, j’ai apporté sur une parcelle entre 120 et 200 unités d’azote sur le colza selon les zones. »

Au final, le rendement a été compris entre 30 et 45 q/ha entre les différentes zones de la parcelle. « Dans tous les cas, la modulation azotée ne permet pas de compenser entièrement le déficit de végétation avant l’hiver mais elle optimise la dose sur les gros colzas en modulant en fonction de la biomasse à la sortie d’hiver », souligne l’exploitant.

L’expertise du pédologue reste indispensable

Maxime Bujon, agriculteur à Limalonges, dans les Deux-Sèvres, est lui aussi confronté à l’hétérogénéité des sols sur ses 187 hectares en grandes cultures. « Sur une parcelle de 6,5 hectares, sept types de sol différents ont été trouvés », illustre l’exploitant. Pour caractériser ses sols, Maxime Bujon a opté pour les services de Fertilio e-RM avec ses cartes Geocarta.

Pour l’exploitant, l’expertise du pédologue reste indispensable. Il a d’abord porté son attention sur la modulation de la fertilisation, qui représente 60 % de ses charges opérationnelles. « Ces charges restent toujours au même niveau mais elles sont orientées différemment selon l’élément considéré dans les zones identifiées, détaille l’agriculteur. Sur une parcelle de blé selon les zones, les apports en phosphore varient entre 0 et 90 unités/ha et, pour le potassium, entre 0 et 80 unités/ha. » L’intérêt des cartes est pour lui de « privilégier les zones à haut potentiel et d’orienter mes choix de cultures à la parcelle ».

Il évite ainsi de mettre des cultures telles que le lupin dans les parcelles identifiées avec beaucoup de calcaire actif. Il souhaite désormais aller plus loin dans la modulation et travailler davantage sur la densité de semis, la gestion des oligoéléments et l’azote. « Sur une même parcelle, je peux être amené à apporter entre 120 et 200 unités/ha d’azote, indique Maxime Bujon. Fertilio e-RM est un outil global qui permet d’avoir une vision plus large de la gestion des intrants sur l’exploitation. »

8 000 euros d’investissement pour équiper un épandeur d’engrais

« Pour s’engager dans l’agriculture de précision, il faut des prérequis, souligne Thomas Lomberty, chez Vivescia. L’agriculteur doit tout d’abord avoir des parcelles montrant une hétérogénéité suffisamment élevée pour justifier de l’usage d’outils de précision. Il doit disposer également d’un matériel capable de lire un conseil spatialisé. » « Généralement, les agriculteurs possèdent du matériel assez performant pour moduler sans avoir recours à des investissements trop conséquents », assure Édouard Berthelin, de la coopérative Terrena. Le surcoût d’équipement d’un épandeur à engrais s’élève à environ 8 000 euros (console, antenne GPS, câbles Isobus et code d’activation compris).

Les coopératives au service de l’agriculture de précision

 

 
Les coopératives mettent en place des services de cartographie par résistivité pour permettre la modulation des intrants. © Géocarta
Les coopératives mettent en place des services de cartographie par résistivité pour permettre la modulation des intrants. © Géocarta
Les coopératives Vivescia et Terrena se sont lancées dans la démarche d’agriculture de précision pour proposer à leurs adhérents des clés afin de les aider à moduler leurs intrants. Vivescia collabore avec la société Précifield, qui effectue le zonage des parcelles par conductivité électrique.

« Notre coopérative propose un abonnement annuel MyEasyFarm, une plateforme informatique qui récupère les cartes Précifield et dont le coût à l’hectare varie de 1 à 4 euros selon la surface exploitée et les options choisies pour la cartographie, précise Thomas Lomberty, responsable en agriculture de précision chez Vivescia. C’est un outil simple permettant la création de tous les types de cartes de modulations (semis, engrais, phytos) pour toutes les marques de matériels. »

Compter 95 €/ha pour le scanner du sol

Ce service permet à l’agriculteur d’accéder à ses données de sol et de biomasse par satellites et à ses cartes de préconisation d’intrants. Il reste libre de choisir les données cartographiques pour agir sur un facteur en particulier et moduler ce qu’il souhaite. « Un scanner de sol coûte environ 95 €/ha qu’il faut ajouter à l’abonnement. Il faut prévoir en moyenne cinq ans pour le rentabiliser », précise Thomas Lomberty

Chez Terrena, 11 600 hectares bénéficient du service Fertilio e-RM, outil de calcul de densité de semis et de fertilisation mis en service en 2016. Pour les sols, la coopérative travaille avec la société Géocarta, qui effectue des mesures de résistivité du sol pour établir des cartographies. Tous les 12 mètres, un système d’électrodes fait passer du courant électrique dans le sol pour en mesurer sa résistance et identifier des zones hétérogènes jusqu’à 1,70 m de profondeur. Chaque zone correspond à une situation différente.

« Le zonage représente un investissement conséquent mais auquel l’agriculteur n’a recours qu’une seule fois dans sa carrière, souligne Édouard Berthelin. Ces techniques de cartographie combinées à la modulation apportent de l’optimisation dans le système de production. Ce n’est en aucun cas une garantie de réduction d’intrants mais plutôt une assurance d’une meilleure répartition. »

Les plus lus

<em class="placeholder">Culture de tournesol soufrant de la sécheresse.</em>
Changement climatique en Nouvelle-Aquitaine : « Une ferme charentaise descend de 8 km vers le sud tous les ans »

En 2050, les températures en Charente seront celles du sud de l’Espagne aujourd’hui, mais le volume de précipitation sera…

<em class="placeholder">Parcelle en jahère.</em>
Jachères de plus de 5 ans : comment les garder en terres arables en 2025 ?

La question de la requalification des jachères de plus de 5 ans en prairies permanentes restait en suspens après les…

<em class="placeholder">Sol nu après une récolte partielle du maïs grain.</em>
Culture secondaire et PAC : des dérogations à leur implantation dans certaines zones

Le contexte météorologique de cet automne 2024 n’ayant permis, l’implantation des cultures secondaires avant le 1er …

<em class="placeholder">Prélèvement d&#039;un échantillon de sol pour une analyse en février 2021 dans un champ de colza en Seine-et-Marne</em>
Phosphore : des analyses de sol incontournables pour mesurer cet élément nutritif

Seule une petite part du phosphore présent dans le sol est assimilable par les cultures. Les analyses de sol apportent des…

<em class="placeholder">commerce des matières premières agricoles / échanges commerciaux de la France avec l&#039;Afrique / exportations / port de Rouen / terminal sucrier de Rouen Robust / chargement ...</em>
Accord Mercosur : quels risques pour les filières sucre et maïs ?

En grandes cultures, les filières sucre et maïs sont concernées par l’accord en cours de négociations entre l’Union européenne…

<em class="placeholder">Romuald Marandet, chef de service à l’Office français de la biodiversité (OFB) dans l’Aisne&quot;La période de septembre à février est idéale pour les travaux sur les ...</em>
Curage des fossés : «La période de septembre à février est idéale, sans formalité administrative la plupart du temps », selon l'OFB de l'Aisne

Chef de service à l’Office français de la biodiversité (OFB) dans l’Aisne, Romuald Marandet précise la réglementation en…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 90€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Grandes Cultures
Consultez les revues Réussir Grandes Cultures au format numérique sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce à la newsletter Grandes Cultures