Un nouveau concept d’éclosion à la ferme
Le concept NestBorn, créé par le couvoir belge Vervaeke-Belavi, consiste à faire éclore les poussins à la ferme. Il a été mis en place pour la première en France chez Sylvie et Jean-Christophe Rufin, installés dans le Nord.
Le concept NestBorn, créé par le couvoir belge Vervaeke-Belavi, consiste à faire éclore les poussins à la ferme. Il a été mis en place pour la première en France chez Sylvie et Jean-Christophe Rufin, installés dans le Nord.
Dans le poulailler, le thermomètre affiche 35°C. Les œufs alignés en bandes sur un lit de copeaux sont prêts à éclore. À intervalles réguliers, de gros capteurs noirs enlacent les coquilles encore intactes. Leur mission ? Surveiller la température des œufs, du bâtiment et l’hygrométrie des lieux, comme le lait sur le feu, pour garantir le bon déroulement de l’éclosion à la ferme de 35 000 poussins. Une première en France avec le système NestBorn, qui a eu lieu le 11 avril chez Sylvie et Jean-Christophe Rufin, éleveurs nordistes installés à Mairieux, près de la frontière belge, et sous la houlette du couvoir belge Vervaeke-Belavi. Moins de manipulations et de stress pour les volatiles, pas de transport ni de déchargement de poussins récemment éclos, un accès direct à l’aliment et à l’eau, plus d’espace, de lumière, du calme pendant l’éclosion, moins de lésions aux pattes, réductions des antibiotiques… Tels sont les bienfaits attendus.
50 000 œufs par heure
Développée conjointement par trois couvoirs belges et hollandais (Vervaeke-Belavi, van Hulst et Belgabroed), la machine NestBorn est proposée depuis février dernier à leurs clients. Mobile, elle dépose les œufs trois jours avant la fin de l’éclosion prévue. Avec ses deux plateaux de 150 ventouses, NestBorn installe 300 par 300 les œufs pré-incubés – soit une capacité de 50 000 œufs par heure – sur des bandes de copeaux de 40 m par 2 m et d’une épaisseur de 5 à 7 cm préalablement déposées par l’éleveur. La litière a pour fonction de maintenir les œufs à la verticale, à une distance précise les uns des autres. « Il s’agit d’avoir une température uniforme de 35°C », explique Erik Hoeven, coordinateur recherche et développement chez Vervaeke-Belavi. « Avec ce système, les poussins dans les œufs communiquent entre eux, ce qu’ils ne peuvent pas faire en éclosoir avec le bruit de la ventilation. »
Une préparation du bâtiment au préalable est nécessaire : nettoyage, désinfection, pose des copeaux… Soit 4 à 5 heures de manutention par deux personnes. Après installation des œufs par la machine, il n’y a plus qu’à attendre, dans les conditions optimales. « Une fois sortis de l’œuf, les poussins se sèchent pendant huit heures. Ensuite, ils peuvent commencer à bouger directement sur la litière comme ils le feraient dans un nid. Ils ont accès à l’eau et à l’alimentation, ce qu’ils n’ont pas en éclosoir, où ils n’y accèdent qu’en arrivant chez l’éleveur, pour certains au bout de 24 à 36 h », explique Jean-Christophe Rufin, enthousiasmé par cette première expérience. « Nous sommes conscients des attentes sociétales qui pèsent sur le secteur de l’élevage. Le traitement mécanique du poussin dans le couvoir est un stress. Avec l’éclosion à la ferme, ceux-ci seront plus calmes, moins manipulés… C’est la certitude de bien travailler. »
Pas de surcoût pour l’éleveur
Installés depuis trente ans avec leurs vaches laitières, les Rufin se sont mis à l’aviculture il y a cinq ans pour intégrer à leur ferme un ancien stagiaire. Pour se fournir, ils se tournent, comme tous leurs confrères des environs, vers le couvoir belge Vervaeke-Belavi. C’est lui qui propose au couple de devenir les premiers éleveurs français à accueillir le NestBorn. Perfectionnée en Belgique depuis deux ans et demi avec l’entreprise Viscon BE Group, la machine a été testée dans 36 entreprises en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne, avec le concours de Petersime (leader mondial d’incubateurs et de couvoirs), et SoundTalks, une entreprise dérivée de l’université de Louvain. « Jusqu’ici, le principal système pour déposer des œufs dans un bâtiment était le X-Treck de Vencomatic, monté sur rails », retrace Erik Hoeven. « Mais c’est un investissement assez lourd avec une durée d’amortissement conséquente. L’utilisation de NestBorn est simple : nous amenons le robot à la ferme pour déposer le lot. L’éleveur arrête la prestation quand il le souhaite. » Jusqu’ici, selon Vervaeke-Belavi, 95 % des éleveurs qui l’ont testé continuent à l’utiliser. Avec ce système, le calcul du prix du poussin se fait à J + 7, sans surcoût pour l’éleveur. Car l’amortissement de NestBorn est ailleurs : « financièrement, l’éclosion à la ferme peut être plus avantageuse pour un couvoir qui s’y investit à 100 % : c’est trois jours de présence en moins des œufs dans le couvoir, et moins de personnel dédié », assure Erik Hoeven.
Rendre l’élevage intensif acceptable
Aux Pays-Bas, où la loi impose des restrictions sur les antibiotiques, des solutions comme NestBorn sont salutaires. En France, l’éclosion à le ferme revêt un intérêt plus sociétal. « Nous avons la mission de rendre plus acceptable l’élevage intensif au consommateur », reconnaît Erik Hoeven. « Cette méthode est un engagement en faveur du bien-être animal : moins de mortalité, entre -20 et -40 % d’antibiotiques, quasiment deux fois moins des lésions aux pattes… La nutrition précoce est également meilleure pour le développement des organes. Selon nos tests, les poussins nés à la ferme pèsent 50 g, contre 45 g avec la méthode classique. Leur immunité est meilleure, ils ont besoin de moins de traitements, ont moins de risque d’entérocoque, sont plus dynamiques… Sans compter que la provenance des œufs est inscrite sur la coquille. Ça nous pousse à être encore plus transparents ! » Des avantages en cascade à faire valoir auprès de leurs clients, particuliers ou distributeurs. Et qui dessinent aussi le prochain challenge des concepteurs de NestBorn : trouver comment parler de la méthode au consommateur… sans nuire à la filière conventionnelle.
NestBorn : le timing
J-3 avant l’éclosion : le poulailler est nettoyé, désinfecté et bien séché, et la litière de copeaux est déposée en bandes de 40 m par 2 m. Les œufs sont ensuite déposés par la machine 300 par 300. Attention aux courants d’air ! La clé du succès : le contrôle de la température du sol, entre 28 et 30 °C à la réception. Les capteurs Ovoscan sans fil (technologie Petersime) sont alors posés entre les œufs pour surveiller la température des coquilles, de l’air, ainsi que l’humidité. Les conditions optimales ? 35 % d’humidité, une température ambiante de 33 à 35°C, et une température des œufs comprise entre 97 et 100°F. Un écran de contrôle mis à jour tous les quarts d’heure surveille les températures des œufs et leur degré d’éclosion, ainsi que l’évolution des paramètres clés. Il est ensuite temps de poser les mangeoires. Le couvoir suit l’éclosion à distance via un système de monitoring.
J-2 : les premiers poussins percent leur coquille.
J-1 : c’est le pic d’éclosion. Les poussins mangent, boivent et peuvent se dégourdir les pattes.
J + 1 : les derniers poussins sortent de l’œuf. Le couvoir récupère et détruit ensuite les œufs non éclos, soit environ 2 %. L’éleveur reçoit en fin de processus un rapport attestant de l’éclosion en bâtiment.