« Ne laissons pas les opposants parler de notre projet de poulailler à notre place »
Le projet d’élevage label d’Alexis Tordeur a suscité une forte opposition des riverains qui l’a amené à trouver de nouvelles formes de communication et à ne jamais refuser les discussions.
Le projet d’élevage label d’Alexis Tordeur a suscité une forte opposition des riverains qui l’a amené à trouver de nouvelles formes de communication et à ne jamais refuser les discussions.
En Bretagne ou dans les Pays de la Loire, le projet d’installation d’Alexis Tordeur n’aurait sûrement pas provoqué de tels remous dans le voisinage : il porte sur deux poulaillers label pour diversifier l’exploitation céréalière que son père s’apprête à lui transmettre, avec une insertion paysagère soignée du site situé à 800 mètres des premières habitations, bien implanté par rapport aux vents dominants et avec de l’agroforesterie sur 8 hectares… Mais il habite à Rully, village de l’Oise proche de la région parisienne accueillant de plus en plus de néoruraux, qui ne connaissent pas la réalité de l’élevage avicole. « Les oppositions ont démarré début avril suite à l’affichage en mairie de la demande de permis de construire. On est mal parti dès le départ au niveau communication », concède Alexis Tordeur. L’affiche ne précisait pas le lieu exact du projet. « Tout le monde a cru que les poulaillers seraient au bout de leur jardin. Un collectif d’opposants s’est rapidement formé et a distribué un prospectus avec des informations erronées sur la taille et le type d’élevage, les nuisances, le bien-être animal… Les 'marchands de peur' ont été efficaces. Leur pétition a été très largement signée par les habitants, démarchés en porte à porte. »
Apaiser rapidement les inquiétudes
Après l’effet de surprise et de sidération face au flot de méchancetés déversées sur les réseaux sociaux, Alexis a compris qu’il s’agissait surtout d’un enjeu de communication. Ne pouvant pas tenir de réunion publique, du fait du contexte Covid, il a mis en ligne une vidéo de 16 minutes détaillant le projet et ses motivations. « Cela a permis de répondre aux inquiétudes d’une grande partie de la population. » Il en est resté une quarantaine d’opposants, qui ont participé à la manifestation, très médiatisée, qui a suivi quelques semaines après l’obtention du permis. « Une partie de la contestation se cristallise autour d’histoires de clochers qui n’ont rien à voir avec mon projet et sur laquelle je peux difficilement agir », regrette-t-il. Loin d’être découragé, l’éleveur est allé à la rencontre d’opposants pour les entendre et échanger. Il en a emmené visiter un élevage de poulets label. Cela a contribué à apaiser les tensions et à envisager plus sereinement les travaux qui devraient démarrer cet hiver.
Se préparer aux oppositions
Avec le recul, Alexis admet que le fait de parler bien en amont de son projet à son voisinage aurait permis d’éviter l’effet de surprise. Si c’était à refaire, Alexis réfléchirait encore plus à l’acceptabilité de son projet, se rapprocherait d’instances agricoles pour être mieux préparé. « Il faut imaginer le scénario le plus ingrat en se mettant à la place de quelqu’un qui n’est pas du milieu agricole. » Avoir déjà sous la main des supports de présentation de son projet (un powerpoint…) lui aurait aussi permis de réagir plus vite « pour mieux contenir l’incendie ». « Il ne faut pas laisser les opposants parler de notre projet à notre place. » Cela sous-entend aussi de se préparer à répondre aux médias, voire d’aller au-devant d’eux, que ce soit le porteur de projet ou un associé. « On a tout à perdre à ne pas parler aux journalistes. » Lors de la manifestation, il a emmené l’un d’eux sur le lieu du projet, ce qui lui a permis de se faire sa propre idée.
L’éleveur conseille par ailleurs de ne pas rester seul lors de conflits, d’être accompagné et d’en parler, à sa famille, aux voisins agriculteurs ainsi qu’aux amis qui ne sont pas du milieu agricole.
Son projet à terme est d’accueillir les riverains lors d’une porte ouverte et de proposer des visites à l’école du village. « L’agriculture fait vivre des territoires entiers. Elle a surtout besoin d’être expliquée, plus que défendue. »