Dans le Sud-Ouest
Le couvoir de la Côte d’Argent, spécialiste des poussins colorés
Frappé au cœur par l'influenza en 2017, le couvoir landais a sorti la tête de l'eau. Il maintient ses spécificités tout en se réorganisant pour s’adapter aux risques sanitaires et assurer son avenir dans un métier en pleine restructuration.
Frappé au cœur par l'influenza en 2017, le couvoir landais a sorti la tête de l'eau. Il maintient ses spécificités tout en se réorganisant pour s’adapter aux risques sanitaires et assurer son avenir dans un métier en pleine restructuration.
Situé à Magescq, au sud des Landes en bordure de l’autoroute A63, le couvoir de la Côte d’Argent a été créé en 1948 par la famille Courau. Damien Betouigt a pris la succession de Georges et Émilienne Courau en 2009 et il compte bien préserver l’identité de l’entreprise, même si l’environnement économique et sanitaire a profondément changé. Il emploie 22 collaborateurs et commercialise 10 millions de poussins par an. Outre le couvoir, le site abrite trois poussinières (30 000 places) et sept bâtiments de ponte (70 000 places).
Une structure aux produits et aux marchés diversifiés
« Notre métier, c’est le marché du poussin coloré, autour du label rouge, bio et fermier, et les volailles festives, majoritairement du jaune cou nu, précise le dirigeant. Nos souches sont issues des poules SA 51 (génétique Sasso) et JA 57 ET JA 57 KI (génétique Hubbard). Cela correspond bien aux demandes de notre clientèle, composée de producteurs spécialisés comme d’éleveurs de taille plus modeste axés sur les circuits courts. » Les deux tiers de la production vont chez des éleveurs des groupements coopératifs du Sud-Ouest. Le dernier tiers part chez des indépendants et à l’export. Présent au Portugal, en Espagne, en Italie et en Europe de l’Est, le couvoir accentue son travail de prospection auprès des élevages indépendants de taille importante. « Selon les jours, il faut livrer jusqu’à 10 000 poussins au détail. Cela nécessite un savoir-faire dans l’organisation et la logistique avec une gestion pointue des plannings de production. Ces clients exigeants trouvent chez nous une qualité d’écoute et de proximité. Nous leur proposons la vaccination à la carte, le sexage, et des produits d’une douzaine de croisements. Grâce à une clientèle plus diversifiée, ce travail "d’épicerie" dégage aussi une meilleure valeur ajoutée. »
Un coup de massue le 12 février 2017
Tout en effectuant la remise aux normes sanitaires dès 2009, l’entreprise est arrivée à la saturation de ses outils. Cela avait conduit Damien Betouigt à envisager une extension du couvoir, avec une diversification pour se sécuriser encore mieux. En effet, son talon d’Achille, c’est la concentration de toute la chaîne de production en un même point, qui plus est dans une zone dense en élevages avicoles. Fin 2015, le premier épisode d’influenza a changé la donne. Après une première épizootie se soldant par une baisse d’activité de 20 %, celle de 2016-2017 a remis en cause les idées reçues sur l’invulnérabilité de la production avicole. « Nous avons terminé 2016 sur une courbe baissière. Le coup de massue est arrivé le 12 février 2017 avec la fermeture temporaire. » Quelques jours auparavant, le virus H5N8 hautement pathogène était détecté sur le site, ce qui signifiait l’abattage des animaux et la destruction des œufs. " Sans la volonté du personnel et des partenaires de la filière pour faire repartir la machine, nous aurions sans doute disparu. Après 7 000 heures de décontamination et de travaux de relance, nous avons sorti la tête de l’eau. Les indemnisations de l’État nous ont permis de sauver les meubles, mais il a vite fallu penser au jour d’après et réfléchir à comment mieux sécuriser nos productions. »
Un couvoir au cœur de la France fin 2019
La réponse n’a pas tardé à émerger : « externaliser la production hors des zones de forte densité avicole et s’accrocher à la sécurité sanitaire tous azimuts ». Le plus gros reste à faire, selon Damien Betouigt. « Il faut faire agir la solidarité et raisonner collectif pour trouver les solutions de sauvegarde de la filière. » Ce constat était partagé avec deux clients historiques du couvoir, les coopératives Terres du Sud et Volailles d’Albret. « Ensemble, nous avons cherché des solutions pour comprendre le métier de demain et répondre aux nouveaux enjeux, tout en sécurisant les approvisionnements des coopératives et les débouchés du couvoir. » Ils se sont associés pour bâtir un couvoir au cœur de la France, proche du Sud-Ouest, mais préservé des fortes densités en volaille. Il est prévu pour une capacité initiale de 10 millions de poussins annuels. Opérationnel fin 2019-début 2020 sur un site plus propice à l’ouverture vers d’autres régions, le couvoir développera son activité vers les groupements, et spécialement celle de ses associés. Les trois partenaires considèrent qu’ils offriront une alternative à la filière en cas de nouvelle épizootie. Quant au couvoir landais de Magescq, « se détacher de ce site historique ne veut pas dire le supprimer. La production s’y poursuivra avec la même stratégie commerciale ».
Xavier Cresp
Prendre le tournant de la biosécurité
Dès la reprise en 2009, Damien Betouigt a mis l’accent sur la biosécurité. « Mon premier objectif a été de modifier les habitudes et les comportements pour accroître notre sécurité sanitaire. Conscient du savoir-faire technique de mes collaborateurs, je devais les habituer à planifier le travail au quotidien et à la semaine, à effectuer les tâches dans un certain ordre pour respecter la marche en avant. La majorité des résultats économiques ont été réinvestis dans la modernisation de l’outil d’élevage, poursuit Damien Betouigt. Avec une première enveloppe de 30 000 euros, nous avons mis en place des sas et des douches aux endroits stratégiques, réorganisé nos circuits quotidiens. Nous nous sommes habitués aux tenues différenciées par secteur. Ce qui semblait a priori chronophage a provoqué l’effet inverse. Aujourd’hui, on n’oublie plus un outil, sous peine de repasser sous la douche et de changer de tenue. Bref, on s’organise pour faire l’essentiel au bon endroit au bon moment avec du matériel d’entretien dédié à chaque unité de production. On gère donc mieux son temps. »
Un homme attaché à ses racines
Âgé de 45 ans, Damien Bétouigt est comme il aime le dire « Béarnais et fils de paysan ».