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La performance de ponte passe par une formule concentrée

Pour obtenir plus d’œufs au calibre souhaité, des éleveurs de pondeuses fabricants d’aliments à la ferme n’hésitent pas recourir à des formules plus concentrées.

En production d’œuf, tout le monde sait que « la poule pond par le bec. » Cet animal, sélectionné pour exporter dans la masse d’œuf huit à neuf fois sa masse corporelle en un cycle de ponte, peut répondre à cette promesse à condition qu’il soit alimenté à la hauteur de son potentiel génétique. C’est à quoi s’attache, avec ses clients, Romaric Raccouard, technico-commercial pour la société Calcialiment. Depuis l’acquisition de ce « minéralier » par le premier groupe coopératif danois DLG, l’approche technique a évolué. Désormais, ce fournisseur de CMV (concentré vitaminique et minéral), qui apporte, entre autres, du conseil technique aux éleveurs "fafeurs" (ponte et volaille de chair), a choisi la différenciation par le haut. " Nous avons une approche globale, qui tient compte des objectifs technico-économiques de l’éleveur, explique Romaric Raccouard. En utilisant une formulation plus concentrée et à la carte qui adapte aux poules l’aliment issu des matières premières de l’exploitation. » C’est le coût alimentaire à l’œuf produit qui compte plutôt que le coût de revient de l’aliment à la tonne. Le programme alimentaire basé sur trois ou quatre formules pour couvrir les principales phases du cycle (début, cœur et fin de ponte) fait partie du passé. Le technicien propose des formules évolutives et personnalisées qui vont tenir compte des débouchés commerciaux et des manières de produire propres à chaque structure. Trois utilisateurs font part de leur expérience : la famille Rigoreau, Nicole Rousseau et la famille Chopin.

Approche « sur mesure et productiviste »

De 2011 à 2104, Calcialiment est progressivement entré dans le groupe coopératif Danois DLG (7,9 milliards d'euros de chiffre d’affaires), au sein de sa filiale Vilofoss en charge de la nutrition et des premix au niveau européen. Fondée en 1935, la société bretonne est active sur quatre métiers : les minéraux et le conseil vendus aux éleveurs fabricants, l’aliment porcelet premier âge, les premix pour industriels et la biosécurité. Elle défend une démarche sur mesure, adaptée, cohérente et basée sur la performance. Calcialiment détient aussi la société mayennaise SANM depuis 2011 qui, avec ses huit camions usines, va fabriquer l’aliment chez les agriculteurs.

Les Rigoreau veulent faire simple dans la durée

Anciens éleveurs de dindes en Loir-et-Cher, Denis et Sylvie Rigoreau ont converti leurs terres en 1999 et transformé leurs poulaillers en pondeuse bio en 2003. Déçus par l’aliment commercial, ils optent pour la fabrication à la ferme mobile en 2004, sous la forme d’une prestation de service (20 euros par tonne). Puis, en 2010, ils investissent 30 000 euros dans une fabrique à la ferme semi-automatisée (broyeur et mélangeur de marque Toy avec pesée), hors silos déjà présents, qui a été amortie en trois ans. Aujourd’hui, rejoints par leurs enfants Carine et Ludovic, les Rigoreau détiennent 18 000 poules réparties en cinq âges sur deux sites, et un centre de conditionnement. Depuis trois ans, ils vendent leurs 100 000 œufs hebdomadaires sous la marque Mont Saint Père, qu’ils livrent sur la région parisienne. Pour se démarquer commercialement, ils cherchent à produire 70 % d’œufs en gros calibre et 30 % en moyen. L’aliment fermier s’inscrit dans une démarche globale de recherche d’autonomie maximale sur les intrants comme sur les débouchés (allant jusqu’à la transformation des poules de réforme en charcuterie). Avec 280 hectares de SAU, les éleveurs ont assez pour fabriquer les 850 tonnes d’aliment. Les assolements sont établis en fonction des poules, avec notamment des céréales (blé, triticale, maïs, avoine nue), des protéagineux (luzerne, féverole, pois, soja) et d’autres cultures (essai en lin…).

À la recherche de l’autonomie complète

Le tourteau de soja acheté pèse pour moins de 10 % dans la formule (contre 20 à 25 % classiquement), avec l’objectif de le produire et de le transformer sur place, mais en tenant compte de l’écart de prix de la graine vendue et du tourteau acheté comparé au coût de transformation. Une faible part de tournesol est envisagée, à condition de maîtriser le démarrage cultural. L’autre contrainte impactant la formule alimentaire est leur besoin de simplicité. « Quand on passe beaucoup de temps dans nos bâtiments, c’est plutôt mauvais signe », résume Denis, le père. Autrement dit : « plus un lot est bien nourri, moins on y passe et plus cela rapporte », ajoute Ludovic. Très occupés par le commercial, les Rigoreau privilégient un nombre réduit de formules (deux à trois par cycle), capables de satisfaire leurs poules « marathoniennes » jusqu’à 75/80 semaines, avec du gros calibre et une tenue de coquille. C’est ainsi qu’ils parviennent à obtenir en moyenne de l’ordre de 270-275 œufs de 62-63 g à 64 semaines d’âge. Leur souci majeur est d’avoir des poules performantes et durables, des marathoniennes plutôt que des sprinteuses. « Aujourd’hui, ce sont des Formule 1, qui se dérèglent plus vite qu’avant. »

Nicole Rousseau veut du nombre en calibre moyen

Céréalière dans l’Orne sur 180 hectares de SAU avec son mari William, Nicole Rousseau s’est diversifiée en 2003 avec 6 000 poules bio. Pour le lien au sol, elle cultive la surface nécessaire qu’elle utilise d’abord pour ses poules, mais aussi selon la qualité de la récolte et les circonstances du marché. Déçue de l’aliment et du service technique de son organisation, en 2005 elle fait le choix politique de prendre sa liberté et d’investir de l’ordre de 100 000 euros dans une fabrication à la ferme (FAF) automatisée Acémo, faite pour durer mais surdimensionnée (potentiel de 4 000 tonnes par an). L’unité a quand même été amortie en trois ans, précise-t-elle. « Nous avons choisi la FAF pour garder notre autonomie et notre indépendance, parce que nous maîtrisons la qualité nutritive et l’appétence (odeur, couleur et présentation régulières). » L’unité fabrique environ 280 tonnes d’aliments par an. Elle utilise le blé et le maïs autoproduits (environ 65 % de la ration) complétés de tourteau de soja, de luzerne, de gluten, ainsi que du minéral et du carbonate de calcium. En 2008, s’est ajouté un séchoir basse température Sukup pour le maïs.

Ne pas dépasser le calibre 63 grammes

Nicole Rousseau vend ses œufs à un centre de conditionnement avec une rémunération à l’œuf, d’où son objectif de maximiser le nombre d’œufs en calibre moyen (moins de 63 g). Sa priorité est d’optimiser la performance, « d’abord sur le coût alimentaire à l’œuf, le coût de l’aliment venant après ». Depuis deux lots, elle apprécie la nouvelle démarche technique de Calcialiment. « Je suis une battante. J’aime aller chercher le dernier œuf. Cela, l’aliment standardisé du commerce ne le permettrait pas. » Sa formulation est modifiée régulièrement en fonction du poids des poules et de leurs performances. « Le surcoût marginal d’un tel aliment (compter de l’ordre de 500 euros par tonne) est largement payé par le stress et le travail en moins, et par les performances. » Ainsi, son lot de 2015 a produit 328 œufs pondus à 72 semaines dans le calibre souhaité. Mais chaque lot réagit différemment. Trop précoce, la bande de 28 semaines en cours est montée en flèche (+8 % de ponte par jour) et se trouve à 97 % depuis six semaines. « Leur consommation ne peut pas suivre. À nous d’adapter la formule pour les sortir de la zone rouge. C’est possible avec un suivi technique rigoureux », ajoute-t-elle. Depuis peu, l’éleveuse va aussi visiter les poulettes pour évaluer leur qualité (poids, homogénéité) et anticiper leur arrivée. « Mon souhait serait d’avoir de meilleures poulettes de manière à obtenir des performances régulières. »

Les Chopin veulent un œuf XXL et goûteux

Ludovic Chopin et son père Michel, éleveur depuis 27 ans, détiennent un cheptel de 28 000 poules plein air conventionnelles dans l’Orne, réparties en trois âges dans cinq bâtiments. « Les œufs de la Bigottière » sont vendus et livrés par leurs soins en GMS (huit Leclerc) et dans la restauration parisienne très haut de gamme, avec une réputation à défendre : le goût différent et le calibre très gros. « Nous ne voulons dépendre de personne et avoir la maîtrise totale du goût, affiche Michel Chopin, ce que ne garantirait pas un aliment du commerce. » Les éleveurs en ont fait l’expérience. Leurs 240 hectares suffisent largement avec le tournesol pressé à froid (huile et tourteau), le blé, l’orge, le maïs (séché sur place), le pois, auxquels s’ajoute l’indispensable soja. Ils détiennent une nouvelle unité de fabrication à la ferme volailles (marque Kongskilde) depuis 2009, avec une démarche spécifique qui est de produire l’aliment en petit volume (4 tonnes fabriquées par jour au maximum) pour avoir un aliment frais dans les mangeoires. « En fonction des performances de chacun des cinq lots, je fabrique aussi un aliment spécifique à chaque bâtiment, précise Ludovic, même si les poules sont les mêmes (même souche, même âge). » La formule peut changer souvent pour un même bâtiment.

Ne pas hésiter à modifier la formule

C’est un changement radical par rapport à l’approche précédente d’une formule type, changée à un âge donné sans tenir compte de l’état et des performances du lot. Depuis trois lots, cette approche s’amplifie et porte ses fruits, affirme Ludovic. « Nous sommes en capacité de modifier un paramètre de la formule, de le tester et de voir rapidement ses effets. Nous avons en permanence la possibilité de freiner ou d’accélérer le lot, mais toujours dans une optique de gros calibre. Chaque euro supplémentaire investi en rapporte de cinq à six. » Cette approche alimentaire s’inscrit aussi dans une démarche globale de gestion de la santé et de confort d’ambiance. « On ne connaît plus les soucis de passages viraux, de BI, de chute de ponte… » Sur un lot récent, les poules ont produit 308 œufs à 68 semaines. « Ici, on aime aller au maximum de ce qu’on peut faire. » L’objectif, c’est de dépasser les 90 % de taux de ponte sur trente semaines. Dans ces conditions, les oiseaux en production ne dépassent guère les 66 à 68 semaines d’âge. Michel et Ludovic souhaiteraient des poulettes répondant à leurs attentes, notamment avec 200 grammes supplémentaires de poids vif (1,45 kg à 17 semaines) et qui commencent à pondre à 20-21 semaines. Pas toujours facile avec des effectifs de moins de dix mille animaux, mais leur fournisseur semble avoir entendu le message.

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