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La filière de chair bio veut s’adapter aux consommateurs

Avec un marché en plein essor, la filière des volailles bio doit se développer en anticipant les attentes des consommateurs en matière de traçabilité, d’éthique et de bien-être animal.

Depuis les années 2000, la France est le premier pays producteur de poulets bio de l’Union européenne, avec 9,7 millions de têtes (+ 15 %) en 2016 produites dans 794 exploitations (+ 5 %), contre 17 millions dans l’UE en 2015. « En 2016, le marché français des poulets bio (90 % des volailles) était estimé à 177 millions d’euros, en croissance de 10,6 % après 10 % de hausse en 2015 », indiquait Juliette Protino du Synalaf à la conférence organisée durant le Space par Initiative Bio Bretagne et Inter Bio Pays de la Loire. Selon Kantar Worldpanel, le bio représente aujourd’hui 9,6 % des achats des ménages en poulet PAC et 3,9 % en découpe de poulet. Malgré des spécificités françaises, notamment l’âge minimal d’abattage (81 jours), l’export est aussi en forte hausse. Plusieurs tendances sont favorables : des consommateurs plus jeunes qu’en label rouge, le renforcement des attentes de bien-être animal, la recherche de naturalité, l’absence d’antibiotique, l’origine France, la tendance à « manger moins mais mieux ». Néanmoins, le secteur a aussi ses faiblesses : le fort écart de prix avec le conventionnel, la concurrence du label rouge, le faible développement en restauration hors foyer, le déséquilibre matière en découpe (demande de filet).

Le défi d’un aliment 100 % bio et français

Des menaces pèsent également. L’obligation au 1er janvier prochain d’une alimentation 100 % bio pose la question de la disponibilité en protéines. Des recherches ont été menées sur de nouvelles sources. « En général, soit l’alimentation coûte plus cher, soit les performances sont dégradées », rapporte Juliette Protino. S’ajoute la nécessité d’une origine locale ou au moins française. « Le cahier des charges est une assurance, mais les consommateurs veulent aussi savoir où et comment sont produites les volailles, et avec quels aliments », estime Pierre Luc Pavageau, producteur pour l’abattoir vendéen Bodin Bio (groupe Terrena), qui regroupe 114 éleveurs. « Nous devons sécuriser nos appros de nos matières premières et améliorer leur traçabilité. »

À petite échelle, un approvisionnement 100 % français est possible. La coopérative Volailles Bio de l’Ouest (VBO), qui rassemble 35 éleveurs partenaires du réseau Biocoop, teste une alimentation 100 % française tracée. Les protéines viennent d’une usine d’extrusion de soja du Maine-et-Loire. « Il y a une demande pour rassurer sur l’origine des aliments », constate Marc Pousin, président de VBO. À plus grande échelle, la sécurisation des appros passera par le collectif. Terrena travaille pour assurer son appro de céréales pour la volaille, le porc et la meunerie. « En trois ans, les conversions ont doublé, grâce notamment à l’agriculture écologiquement intensive, qui amène progressivement à la bio », indique Pierre Luc Pavageau.

Mieux que le cahier des charges européen

Une autre menace est liée à l’écart d’application de la réglementation européenne entre États membres, avec la concurrence des poulets allemands Bio de 55 jours, et celle des productions alternatives (free range au Royaume-Uni, chicken of tomorrow et Beter leven aux Pays-Bas). Les producteurs français s’accordent sur le fait qu’ils doivent aller plus loin que le socle européen, en respectant l’éthique et la qualité. « Nous devons revenir aux fondamentaux, l’alimentation 100 % bio, le lien au sol (au moins pour l’épandage), le refus de la mixité… », estime Marc Pousin. « Il faut être mieux disant que l’UE, acquiesce Pierre Luc Pavageau. Mais, avec beaucoup de nouveaux intervenants, il faut moraliser pour que le produit soit accessible au consommateur, qu’il réponde à ses attentes et qu’il y ait un partage de valeur dans la filière. » Avec la multiplication des cahiers des charges, les producteurs s’interrogent sur un socle national commun. « Il faut rester vigilant à ne pas décevoir le consommateur », insiste Denis Paturel, administrateur d’Initiative Bio Bretagne.

Développer la vente en RHF

Quatre-vingt-deux pour cent des poulets PAC bio sont vendus en GMS, principalement sous marques de distributeur, devant les magasins spécialisés et la vente en circuits courts. Leur prix moyen est stable (9,60 €/kg en 2016), avec une quasi-absence de promotion. Par contre, les ventes en restauration hors foyer sont très limitées et à développer en priorité. Les pistes sont de proposer des poulets entiers prédécoupés, de travailler sur les besoins nutritionnels des enfants pour réduire les portions, de former les cuisiniers (moins de pertes d’eau à la cuisson, moins de gaspillage).
Les produits élaborés sont eux aussi très peu développés, car trop chers. « Il faudrait des panés, de la charcuterie, des pizzas…, constate Marc Pousin même si cela ne ramène pas forcément de la valeur. »

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