Conséquences de l’instauration des « unités de production »
Gérer autrement la bande unique en prêt à gaver
Laurent Deffreix, vétérinaire, a analysé les effets d’un agrandissement des tailles de lots de canards prêts à gaver consécutif au passage à la bande unique.
Laurent Deffreix, vétérinaire, a analysé les effets d’un agrandissement des tailles de lots de canards prêts à gaver consécutif au passage à la bande unique.
Conséquence de l’arrêté biosécurité du 8 février, la création des unités de production en bande unique dans les exploitations de canard à foie gras se traduira par moins de lots de canards Pag présents en même temps sur une exploitation. Pour retrouver l’équivalent de 6 000 canards démarrés toutes les six semaines, Laurent Deffreix, vétérinaire des Landes, calcule qu’il faut en démarrer 14 000 toutes les 14 semaines. « Ce changement de dimension a des impacts sur plusieurs niveaux », a détaillé le 3 juin le vétérinaire, lors d’une réunion du réseau Cristal consacrée à l’influenza aviaire.
Réaménager les parcours
Première évidence, la taille du bâtiment de démarrage doit être adaptée, mais pas qu’elle. Le parcours aussi a besoin d’être modifié. Laurent Deffreix souligne l’importance à respecter les normes en matériel extérieur d’alimentation et d’abreuvement, pour limiter la compétition et conserver l’homogénéité entre les canards. Conséquence logique, la pesée régulière ne sera plus une option, quitte à investir dans un matériel adapté. D’autre part, le comportement des canards pourrait changer, dans la mesure où ils seront moins souvent en contact avec l’éleveur. « Avec des animaux naturellement émotifs et avec le risque de stress qui s’amplifie, il faudra sans doute plus de présence, plus d’attention lors des manipulations et plus de suivi. » Dans certains cas, il faudra revoir le tracé des parcs. « Un passage étroit dans un parc est tolérable en petit effectif, mais il posera problème avec un cheptel plus important », souligne-il. En pratique, la réalisation de sous lots permettant de réduire l’effet taille est à envisager. Les impacts digestifs de mises à jeun techniques successives réalisées à l’occasion d’enlèvements échelonnés seront à surveiller. Elles pourraient se traduire par des entérites nécrotiques et des blocages digestifs en début de gavage.
Adapter la gestion sanitaire au grand lot
C’est sur le portage des virus influenza et des bactéries liées à l’environnement (salmonelles notamment) que les améliorations de la biosécurité sont les plus attendues. Cependant, augmenter le nombre d’animaux impose un suivi sanitaire plus anticipateur : faire des contrôles de parasitologie pour gérer la coccidiose ; vérifier les prises vaccinales par des sérologies. Avec l’amélioration apportée (sas sanitaire, bande unique, barrières sanitaires), la réévaluation des risques sanitaires d’élevages audités montrent une amélioration, mais pas une transformation totale du statut sanitaire. Le trio pasteurelle-réovirose-maladie de Derszy risque de rester « globalement endémique dans le sud-ouest. » La bande unique ne résoudra pas la pasteurellose. Celle-ci pourra encore se transmettre entre des élevages proches, menés en bande unique mais en âges décalés. D’autant que trois éléments généraux sont à considérer : la transformation des élevages en bande unique sera progressive ; avec moins 20 % de capacité globale de production, la filière a besoin que tous les canards mis en place soient gavés ; la pression réglementaire sur les antibiotiques critiques se durcit. Les quinolones ne peuvent plus être prescrites contre le choléra en première intention. « On n’a pas le droit à l’erreur contre le choléra, estime Laurent Deffreix. On pourra difficilement faire l’impasse sur la vaccination. »
Changer l’organisation de l’élevage
Pour le vétérinaire, les changements dans l’organisation se manifesteront d’abord par la hausse du temps passé à utiliser correctement les barrières sanitaires et à réaliser systématiquement les opérations de nettoyage et de désinfection. Le recours à des équipes d’intervention professionnelles risque d’être plus fréquent. « Monter une équipe pour 2 000 canards avec de la main-d’œuvre familiale, c’est facile. Pour 12 000, il faut des professionnels. » Ce qui implique des équipements adaptés au nombre présent et aux impératifs sanitaires : sas de taille adaptée, tenues à fournir et peut-être douches, w.-c. et salle de repos en zone protégée. « Si on n’y pense pas, ces points seront souvent des freins à la bonne réalisation des plans de prophylaxie. » Les autres impacts concernent la réorganisation des traitements de masse par l’eau de boisson (prévoir les équipements et les procédures adéquats), ainsi que la gestion sanitaire des animaux non valorisables (tri et infirmerie en cours, euthanasie en fin de lot). « Ici encore, la division de la bande unique en sous-unités de production pourrait être intéressante à réfléchir. » Et son confrère de Vendée, Thierry Gavaret, estime que « pour réussir la conduite en bande unique en termes sanitaires, il faudra réussir à réunir l’ensemble des moyens ».
Des tuyaux d’eau au diamètre suffisant
Le vétérinaire des Landes a beaucoup insisté sur la capacité de distribution du réseau d’eau, sachant qu’un canard boit en moyenne un litre d’eau après son repas. Passer de 6 000 à 14 000 litres distribués n’est pas anodin. Cette inadéquation a déjà été constatée sur de petits lots, avec des syndromes de foies hémorragiques et d’entérites nécrotiques. Alors que s’équiper d’un compteur d’eau par parc semble important, ajouter une pompe pour augmenter le débit ne suffira pas si le diamètre des canalisations n’est pas réévalué. Plus ce diamètre est important, mieux c’est, mais pas trop pour éviter les dépôts liés à un débit insuffisant (en cas de traitement). Avoir des canalisations propres, notamment par un décapage physique (alternance air comprimé-eau) sera aussi un plus pour limiter les pertes de charge.
Journée Palmipèdes du réseau Cristal
Devenue un rendez-vous national sanitaire incontournable pour la filière à foie gras, l’édition 2015 a intégralement été consacrée à l’influenza aviaire. Sont intervenus, le professeur Jean-Luc Guérin (ENV de Toulouse) sur les aspects scientifiques, le vétérinaire Jean-Yves Ferré (SNGTV) sur la gestion de la crise, Laurent Deffreix et Virginie Billiault (Géosane) sur les points clés du nettoyage et de la désinfection. Une matinée conclue par Marie Pierre Pé, déléguée du Cifog.