En canard mulard, un jardin d'hiver d’abord pour la biosécurité
À la coopérative Val de Sèvre, le jardin d’hiver a été choisi dans deux élevages pour leur permettre d’abriter leurs canards mulards pendant la période réglementaire.
À la coopérative Val de Sèvre, le jardin d’hiver a été choisi dans deux élevages pour leur permettre d’abriter leurs canards mulards pendant la période réglementaire.
« Pour simplifier notre système d’élevage des futurs canards mulards à engraisser, nous avons instauré dans tous les élevages l’obligation de mise à l’abri permanente des animaux entre le 15 novembre et le 15 mars", explique Olivier Brebion, responsable technique de la coopérative Val de Sèvre (1). Cette décision implique que chaque site dispose de suffisamment de surface couverte pour abriter 7 500 canards tout en gardant une densité de cinq animaux par m². « Le schéma type a été de construire deux bâtiments de 750 m², avec une prise en charge du surcoût par la filière, poursuit le technicien. Mais chez Alexia Cantin, il n’y avait pas la place pour deux bâtiments respectant les distances minimales vis-à-vis des voisins. » Elle s’est installée en janvier 2017 avec le projet d’un seul bâtiment de 750 m². La décision d’enfermer les canards a été prise en février, alors que les matériaux étaient déjà livrés. « Avec le constructeur NTD France, nous avons imaginé créer une extension pour doubler la surface. »
Une copie quasi conforme
Accolé à la canetonnière de 750 m² de type Louisiane (ventilation statique latérale), le jardin d’hiver est sa copie conforme en dimensions (53 m x 13 m), structure, et ventilation, sauf qu’il n’est pas classé BEBC (2). La paroi commune permet le passage de l’air et de la lumière (via des volets) et des canards (via des trappes). « La réflexion a été menée à temps pour que le constructeur prévoie d’accrocher la charpente du jardin sur les poteaux du bâtiment », précise Alexia. Le sol est bétonné. La paroi extérieure est constituée de longrines en béton d’un mètre protégeant des prédateurs et d’un filet empêchant l’entrée de l’avifaune tout en laissant passer l’air. Pour améliorer la ventilation, une ouverture a été aménagée au faîtage. L’extension comprend aussi deux rangées d’assiettes et deux lignes de pipettes, comme dans la canetonnière. Les canetons restent dans le bâtiment de démarrage les trois premières semaines. Au-delà, Alexia ouvre manuellement les volets d’aération et les trappes d’accès menant au jardin, uniquement dans la journée. À partir de la 4e semaine, trappes et volets sont ouverts en permanence. Les oiseaux se répartissent à leur convenance entre le bâtiment et le jardin. Du jardin, ils ont accès au parcours uniquement par le portail du pignon.
Être vigilant sur la ventilation et le paillage
La principale difficulté à surmonter est la ventilation naturelle sur une largeur de 26 m. « Pour limiter les coûts, nous avons voulu garder des dimensions standards (deux fois 13 m), indique Olivier Brebion, conscient de la difficulté. Le jardin est exposé aux vents dominants, mais l’élevage reste très technique. » Alexia est très attentive aux déplacements des canards et à l’état de la litière. « Quand ils sont enfermés en permanence, la litière se salit beaucoup plus vite. Il faut pailler chaque jour, à raison de 90 g de paille par jour et par canard. » La période la plus critique se situe entre l’âge de 4 et 6 semaines. « Il faut gérer la ventilation pour que les canards n’aient pas froid, tout en maintenant un bon état de la litière. Cela m’amène souvent à pailler matin et soir. » Le repaillage étant un point clé, Alexia a mécanisé l’opération. Après avoir testé une pailleuse défibreuse, elle a investi dans une automotrice Altec. « Le repaillage est rapide et uniforme sur 12 m de large. Comme le bâtiment et le jardin en font 13, je dois étaler un peu sur les côtés. Mais au total, cela ne prend que 20 à 30 minutes pour les 1 500 m². Et je peux le faire seule. De plus, la pailleuse ne sort pas des bâtiments, ce qui est un atout pour la biosécurité. »
(2) Bâtiment d’élevage à basse consommation d’énergie.
"Plutôt la paille à brins longs"
Alexia Cantin a testé plusieurs litières : paille à brins longs, demi-longs, broyée ou défibrée, miscanthus broyé ou défibré. « Le miscanthus broyé est intéressant au démarrage, mais il nécessite un brassage, ce qui prend du temps. Il est aussi assez coûteux. Le meilleur compromis est la paille longue dont les brins qui s’entremêlent ont un bon effet isolant, avec une absorption correcte en dessous. »
175 euros par mètre carré
L’investissement s’est élevé à 130 000 € pour le « jardin », équipements compris, et à environ 170 000 € pour le bâtiment (227 €/ m²) duquel il faut déduire les aides PCAE (40 % pour une installation JA plafonnée à un investissement de 120 000 euros). La structure ajoutée n’est pas classée BEBC, ce qui a réduit son coût. L’accolement économise aussi une paroi et certains équipements (boîtier électrique…). Les aides de la coopérative sont les mêmes qu’avec un second bâtiment, soit 0,50 € par canard élevé pendant les douze ans d’amortissement pour le surcoût bâtiment et 0,20 € pour le surcoût paille, auxquels s’ajoute un cautionnement simple des prêts. La marge d’Alexia Cantin sur le caneton et l’aliment est de 2,94 € (prime incluse) ce qui la situe dans l’objectif moyen des 2,80 €. Cela correspond à un poids de canard sorti élevage de 3,429 kg et un foie gras de 550 g. « Avec seulement deux éleveurs, nous avons encore peu de recul pour l’instant, souligne Olivier Brebion. Le jardin d’hiver reste une alternative quand la place manque pour un second bâtiment. »