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Diversification : du pigeon de chair au Padda de Java

Féru d’innovation et de nouveauté, Fabien Boga s’est entiché d’un oiseau exotique attachant, au point de se lancer dans son élevage facilité par son expérience de la production de pigeonneaux de chair.

Le padda de Java et le diamant de Gould ne sont ni une nouvelle espèce d’ours trouvée en Indonésie, ni une pierre précieuse. Pesant une vingtaine de grammes pour le premier et une dizaine pour le second, ces deux petits passereaux aux couleurs chatoyantes peuplaient autrefois l’Indonésie et l’Australie.

Aujourd’hui, il n’en reste que quelques milliers à l’état sauvage et la survie de l’espèce dépend de leur élevage à des fins d’agrément. C’est ce qu’a entrepris Fabien Boga depuis 2019 à Plounéour-Ménez (Finistère), à titre professionnel. En France, ils ne seraient que deux éleveurs professionnels alors qu’existent plusieurs milliers de détenteurs amateurs, souvent regroupés dans des clubs.

Un système d’élevage « maison »

Ayant découvert les paddas par hasard, Fabien s’y est d’abord intéressé sous l’angle de l’éleveur de pigeons voulant améliorer leur reproduction par la nutrition et la technique. Il a vite été compris que son expérience colombophile lui permettrait de se lancer dans cet élevage. « Mais j’avais des lacunes sur le comportement et l’apprivoisement, relate l’éleveur, ce qui m’a conduit à me rapprocher d’Amandine Diot, une comportementaliste aviaire ayant travaillé dans des fauconneries (Parc du Puy du Fou, Zoo de Beauval). »

Amandine Diot l’a aussi aidé à peaufiner la conception et l’aménagement de ses cages de reproducteurs. Il fallait un système adapté aux besoins des oiseaux (nid double, perchoirs, douche, pipette automatique, mangeoire à graines, éclairage en lumière du jour) et aux impératifs d’élevage (évacuer les fientes par tapis, faciliter le nettoyage et la manipulation des jeunes, ouvrir souvent les nids).

Entièrement climatisée, la salle des 72 cages de reproducteurs assure des conditions de vie optimales (climat régulier, programme lumineux, risque sanitaire minimisé)

Fabien Boga a dessiné les plans des 72 cages en inox et conçu l’automate de la climatisation qui n’existent nulle part ailleurs. La salle de reproduction est un ancien container frigorifique maritime de 45 pieds (14 x 2,6 m), rendu totalement étanche et réaménagé avec deux rangées de cages sur les côtés et sur trois niveaux.

L’air extérieur est filtré grossièrement (filtre G 4) avant de transiter par un puits canadien placé sous le container. Il traverse ensuite un échangeur d’air pour récupérer les calories de l’air sortant, filtré une seconde fois plus finement (filtre F 9), décontaminé par des lampes à UV) et réchauffé par une résistance électrique si besoin (notamment la nuit). « J’ai besoin d’environ 250 m3/heure. C’est vraiment peu », souligne Fabien. Une partie de l’air peut également être recyclée.

Vue extérieure du container et du pignon technique. L’élevage des P’tites Z’ailes est constitué de trois containers maritimes aménagés, dont un uniquement pour la reproduction.

Dans la salle, un tuyau de gros diamètre achemine l’air neuf à plusieurs points du container. « Avec cela, je maintiens une ambiance à 20 °C, 50 % d’humidité, et 15-20 Pascals de surpression pour que les oiseaux s’habituent aux conditions moyennes d’une maison. »

Beaucoup de temps à apprivoiser les jeunes

L’élevage des paddas est simple, en théorie. Une fois « mariée », la femelle pond plusieurs œufs (jusqu’à 8) qui sont aussi couvés par le mâle durant 15 jours. Les jeunes sont nourris par les parents, avec une pâtée alimentaire à base d’œufs. « Je l’ai amélioré avec des produits pour les pigeons » note Fabien.

Cette pâtée est peu à peu complétée par des graines qui constituent le régime alimentaire (alpiste, chènevis, riz paddy, millet en grain et en grappe…). Deux couvées pouvant se chevaucher (incubation et nourrissage simultanés), le nid est double. Les jeunes deviennent autonomes vers l’âge de trois semaines.

La manipulation des jeunes à la main est réalisé quatre fois par jour sur tous les jeunes paddas au nid

Chloé, l’animalière, pratique l’apprentissage à la main pour habituer les oisillons à l’être humain. L’objectif est de les rendre curieux et proches physiquement de leur futur propriétaire. Chloé les manipule quatre fois par jour selon une durée croissante.

L’autre technique d’élevage à la main (dite EAM) est surtout pratiquée pour les perroquets. Séparés de leurs parents dès leur naissance et alimentés artificiellement, l’accoutumance est plus rapide, mais l’oiseau ne possède pas les codes sociaux de son espèce. « Comme on veut proposer de beaux sujets et déjà bien apprivoisés, nous complétons cela par des séances de training, une fois les jeunes sevrés et mis en cage individuelle », complète Fabien.

Les P’tites Z’ailes élève également le Diamant de Gould. « Pour l’instant, sa production est limitée parce que nous maîtrisons moins son apprentissage. Les acheteurs veulent des oiseaux avec lesquels ils peuvent interagir. »

Le marché fixe le niveau de production

À raison de huit portées par an et quatre jeunes sevrés, la capacité de production du site dépasse les 2 000 individus par an. « Nous en sommes encore loin, car c’est le marché qui fixe notre planning d’élevage. À vrai dire, nous connaissons encore mal le potentiel. » Il faut dire que Fabien Boga a fait le choix de la vente uniquement par e-commerce, en délaissant pour l’instant le débouché des animaleries de jardineries.

Jeune en gros plan de quelques jours Les papilles du bord du bec permettent aux parents de repérer les jeunes pour les nourrir dans l’obscurité

La vente directe nécessite beaucoup de communication, notamment sur les réseaux sociaux. Sachant qu’un padda coûte plus de 200 euros et un diamant plus du double, un tel achat n’a rien d’impulsif. Il est donc primordial d’apporter du conseil avant d’acheter et de l’accompagnement avec une gamme de produits service (nutrition, santé) et du matériel (cage, perchoir…) choisis pour minimiser le service après-vente. N’ayant pas encore atteint le seuil de rentabilité, Fabien reste confiant. « Posséder un oiseau de compagnie qui vous suit partout une fois sorti de sa cage peut attirer autant qu’un lapin ou un animal plus habituel. »

Un pigeonnier hors norme

Fils d’éleveur de pigeons, Fabien a repris l’élevage familial de 7000 couples en 2011 avec son frère Mickaël. Après avoir construit un abattoir pour vendre les pigeonneaux en direct aux restaurateurs haut de gamme, les deux frères ont conçu avec leur père Jean-Jacques un système d’élevage des couples de pigeons hors norme.

D’habitude logés en bâtiment semi plein air (une façade ouverte vers l’extérieur), quelque 2000 couples sont abrités dans un local entièrement automatisé (eau, alimentation, évacuation des fientes) et fermé, imposant une climatisation complexe en raison de la production de fines poussières. « Nous avons voulu le faire pour nous affranchir des risques sanitaires et surtout pour obtenir des pigeonneaux de qualité régulière pour notre clientèle haut de gamme », souligne Fabien Boga.

Deux « moineaux » multicolores

Lentille, le padda de l’animalière Chloé est une femelle présentant la mutation phénotypique Opale

À l’état sauvage, le Padda mâle arbore un plumage gris pâle avec une tête noire comme la queue, et des joues blanches. Le bec rouge est légèrement conique. Il était très commun dans les rizières où il consommait le riz, ce qui l’a conduit à sa perte en Asie, et notamment au Japon (jour du moineau de java le 24 octobre : Buncho Day), le padda est désormais devenu un oiseau de compagnie grâce à ses aptitudes à l’apprivoisement. L’espèce est considérée en danger donc protégée. Seuls les phénotypes mutants peuvent être élevés et commercialisés. Le phénotype gris sauvage cède alors la place au blanc panaché ou non, au pastel (Isabelle), à l’opale… Importé au Japon et aux USA, des paddas échappés ont proliféré dans la nature, au point de devenir invasifs et considérés comme nuisibles en Californie. C’est en effet un oiseau prolifique, comme tous les passereaux. Il peut vivre 7-8 ans en captivité, si on en prend bien soin.

Chico est une femelle Diamant de Gould à tête noire et poitrine blanche.

Quant au Diamant de Gould, originaire d’Australie, le phénotype sauvage possède une tête noire ou rouge, un dos vert et une poitrine violette, la femelle étant moins colorée. Protégé comme le padda (exportation interdite depuis 1959), il provient désormais exclusivement de l’élevage, avec de nombreuses mutations du plumage. Les P’tites Z’ailes soutient financièrement le fonds australien de sauvegarde du diamant de Gould.

Le saviez-vous

Installer un puits canadien consiste à faire passer, avant qu’il ne pénètre dans la salle, tout ou partie de l’air de renouvellement par des tuyaux enterrés dans le sol, à une profondeur de l’ordre de d’un à deux mètres. En hiver, le sol plus chaud que la température extérieure préchauffe l’air froid. En été, c’est le contraire.

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