Prend-on un risque à élever sans produits anticoccidiens ?
Jean-Michel Répérant - « Oui, car les coccidies sont présentes quasiment dans tous les élevages. Le risque est d’avoir une coccidiose clinique (avec des symptômes) ou une coccidiose subclinique (inapparente) qui pénalise les performances par une baisse de croissance et une dégradation de l’indice de consommation. On peut se passer de ces produits, à condition d’accepter le risque d’une baisse de rentabilité et le risque de maladie, voire de mortalité avec trois espèces de coccidies agressives (E. necatrix, E. brunetti et E. tenella). »
Donc, il faut faire de la prévention…
J.-M. R. - « L’enjeu de la prévention n’est pas d’éradiquer les coccidies, mais de les contenir à un niveau acceptable pour l’animal, c’est-à-dire sans mortalité et sans baisse des performances. Il s’agit de rétablir un équilibre favorable à l’oiseau. On peut le faire de deux façons différentes : par la vaccination (uniquement pour Gallus) ou par la prévention avec des coccidiostats. Le vaccin est constitué de souches de coccidies vivantes atténuées non virulentes qui stimulent les défenses immunitaires des oiseaux sans lésions (ou faibles) ni maladie. La protection conférée est spécifique à chaque espèce de coccidie vaccinale administrée. Les produits anticoccidiens (à action ionophore ou chimique) sont employés pour contrôler le développement des coccidies à un niveau suffisamment bas. Ils n’empêchent pas l’oiseau de s’immuniser naturellement, si celui-ci rencontre les parasites et si ces derniers réalisent leur cycle parasitaire en totalité. Par contre, si la supplémentation anticoccidienne est arrêtée, il est possible qu’un oiseau développe une coccidiose après avoir rencontré pour la première fois une espèce agressive (comme E. necatrix ou E. brunetti), contre laquelle il n’était pas immunisé. De plus, les coccidiostats utilisés trop longtemps en continu peuvent contribuer à sélectionner des populations de coccidies qui leur sont résistantes, débouchant sur des lésions. »
Y a-t-il une troisième voie de prévention ?
J.-M. R. - « Oui, mais les données scientifiques d’évaluation des solutions complémentaires aux vaccins et aux produits chimiques traditionnels font un peu défaut. Du moins, les preuves qu’elles pourraient s’y substituer ne sont pas probantes. Leur effet direct n’est pas démontré sur les parasites, mais elles peuvent avoir un effet d’accompagnement et de compensation sur d’autres critères que l’infection coccidienne. Par exemple, en limitant les conséquences négatives des coccidies sur les parois intestinales ou en agissant sur d’autres germes opportunistes (orientation de la flore bactérienne). Certaines huiles essentielles sont connues pour leurs effets antiseptiques, d’autres molécules pour orienter la flore. »
Pourquoi est-il si difficile de démontrer leurs effets ?
J.-M. R. - « Une coccidiose clinique ne dure que quelques jours et l’oiseau guérit spontanément, sauf cas extrême (forte infestation, espèces agressives). Qu’on traite ou pas, l’animal malade va de toute façon se rétablir. Le traitement vise à rompre le cycle démarré sur les autres sujets du lot apparemment sains. Il agit à titre préventif sur ces oiseaux non encore atteints, alors qu’il n’a aucun impact sur les malades qui vont guérir naturellement. Il faut être très réactif pour agir dès les premiers malades. Un traitement efficace est celui qui empêche la propagation et l’aggravation de la coccidiose. C’est là que réside la difficulté de l’évaluation des solutions complémentaires. On peut avoir l’impression qu’une solution est efficace, alors que c’est l’immunité ou le temps qui fait son travail. En général, ces solutions complémentaires sont préconisées à titre préventif, mais qu’il n’y ait pas eu de coccidiose ne veut pas dire que c’est grâce au produit. »