De nouvelles règles de gestion de l'épandage du lisier
Les mesures de biosécurité révisées en février 2016 obligent les producteurs de canards à modifier leurs pratiques d’épandage. Il ne peut se faire qu’après assainissement ou par enfouissement.
Les mesures de biosécurité révisées en février 2016 obligent les producteurs de canards à modifier leurs pratiques d’épandage. Il ne peut se faire qu’après assainissement ou par enfouissement.
Les lisiers sont des vecteurs potentiels de pathogènes dans l’environnement, et en particulier les virus qui font l’actualité sanitaire des filières canards à rôtir et gras. « Les parvovirus circulent surtout par les fientes ou via les matériaux contaminés : caillebotis, caisses de ramassage… » a confirmé Jérôme Durand, vétérinaire dans le Maine-et-Loire, lors de la journée canard à rôtir de l’Itavi. Même constat pour les virus Influenza aviaire. L’Anses a montré que l’excrétion virale digestive se prolongeait 15 jours après l’infection expérimentale de canards de Barbarie EOPS. « Une étude en cours vise à déterminer la durée de persistance d’un virus Influenza aviaire infectieux dans du lisier. Les résultats préliminaires indiquent une durée d’au moins 15 jours », explique Nicolas Eterradossi, de l’Anses Ploufragan. Au-delà de la bonne décontamination des surfaces en contact avec les déjections, il convient de respecter certaines règles concernant la gestion du lisier. L’implantation des fosses doit être la plus éloignée possible des bâtiments, des parcours ou des aliments, de façon à limiter le propagation des contaminants. Il est fortement conseillé de les couvrir. En la protégeant des eaux de pluie, le volume annuel de lisier est réduit de 20 %.
Plus d’épandage de lisier frais non enfoui
Concernant leur épandage, l’arrêté du 8 février 2016 sur la biosécurité des élevages avicoles introduit de nouvelles règles. Il n’est plus possible de l’épandre tel quel. Il doit désormais être assaini au préalable ou enfoui immédiatement après épandage. Dans ses fiches pédagogiques validées par la DGAL, l’Itavi a listé les différentes possibilités(1).
L’enfouissement immédiat du lisier frais est réalisé à l’aide d’une tonne avec injecteurs à dents ou à disques, suivie de roues de recouvrement. L’épandage avec rampe à pendillards ou rampe à buses reste autorisé à condition qu’il soit suivi simultanément d’un enfouissement par covercrop, à 10-15 cm de profondeur. L’enfouissement direct est potentiellement la solution la plus facile à mettre en œuvre mais il pose tout de même des problèmes pratiques. Il convient aux terres cultivées ainsi qu’aux prairies temporaires, sur des terrains peu pentus. Dans les zones à forte densité d’élevage où l’épandage se fait essentiellement sur des prairies permanentes, l’investissement par une Cuma ou une ETA dans un enfouisseur à disques pour prairies est une solution à envisager (type Pichon). C’est l’option prise par la coopérative Val de Sèvre. « Un forfait a été défini à 2,5 euros/m3 de lisier pour un rayon d’épandage de trois kilomètres et dans le cas d’une fosse couverte, » précise Michel Fruchet, son directeur.
L’assainissement naturel du lisier est obtenu après une durée de stockage de 60 jours (42 jours pour du fumier). Cette solution nécessite une fosse de stockage supplémentaire, non alimentée par le lisier de la bande de canards en cours.
L’assainissement par traitement peut être obtenu selon trois modes : chimique (apport de chaux, ammoniac…), physique (filtration par osmose inverse, déshydratation, traitement thermique), ou biologique. « Ce dernier a lieu par voie aérobie (séparation de phase ou nitrification dénitrification, compostage) ou anaérobie. C’est le principe de la méthanisation, » précise Paul Ponchant de l’Itavi.Le chaulage est théoriquement la voie d’hygiènisation la plus accessible, bien qu’elle reste coûteuse et contraignante (sécurité, maîtrise du process). Son avantage est de ne pas transformer l’effluent. Le produit traité reste utilisable comme engrais organique, bien que son pH soit très basique. Jusqu’à présent, elle a surtout été pratiquée lors des foyers d’Influenza aviaire. Ce procédé consiste à mélanger de la chaux vive ou diluée dans la fosse à lisier, à raison de 40 litres de chaux liquide par m3 de lisier (chaux vive diluée à 600 g/l). L’hygiénisation est obtenue après montée en température entre 40 et 50°C et un maintien à pH 12 pendant 7 jours. Gros inconvénient, ces niveaux de pH ne conviennent pas aux fosses en géomembranes (max pH 10). Des travaux sont en cours à l’Anses, en collaboration avec l’Itavi, pour valider si le fait de baisser le pH à 10 suffirait à inactiver les virus influenza aviaire.
L’exportation du lisier frais est également possible, soit vers un prêteur de terre (il devra aussi enfouir le lisier juste après épandage), soit vers une unité de méthanisation agréée, à condition qu’il en existe à proximité de l’élevage. C’est le cas dans le Sud-Ouest, où deux unités collectives valorisent du lisier de canard. Le coût à la charge de l’éleveur peut atteindre 2,5 euros/m3. Le lisier doit préalablement transiter dans une cellule d’hygiénisation avant d’être incorporé dans le digesteur. Des précautions sanitaires doivent être prises par les transporteurs pour éviter toute propagation des pathogènes. Chaque situation d’élevage est particulièreIl n’y a finalement pas de solution de gestion des lisiers unique et idéale. Toutes ont des avantages et des contraintes et sont plus ou moins praticables et coûteuses. Le choix doit se faire en fonction du contexte technique, économique et culturale de l’exploitation et selon son environnement géographique. « C’est à chaque éleveur d’écrire son plan de biosécurité et d’appliquer le système de gestion des lisiers le mieux adapté à ses contraintes, sous réserve que ce plan soit validé par le vétérinaire sanitaire », a rappelé Anne Richard, directrice de l’Itavi.
(1) Fiches pédagogiques Influenza aviaire accessibles par le lien http://influenza.itavi.asso.fr