Consulter la gendarmerie pour sécuriser son exploitation agricole
Faciles d’accès, les bâtiments agricoles sont des proies faciles et tentantes pour les voleurs et les visiteurs indésirables. En amont, les gendarmes peuvent conseiller pour compliquer l’intrusion et indiquer quelle réaction avoir au cas où.
Faciles d’accès, les bâtiments agricoles sont des proies faciles et tentantes pour les voleurs et les visiteurs indésirables. En amont, les gendarmes peuvent conseiller pour compliquer l’intrusion et indiquer quelle réaction avoir au cas où.
Le rôle préventif des forces de la Gendarmerie nationale est peu connu, mais il existe bel et bien. Chaque brigade locale et groupement départemental a un référent spécialisé dans la sureté des biens et des personnes, que tout citoyen peut solliciter. « Nous intervenons gratuitement chez les particuliers et les entreprises, notamment les agriculteurs, explique l’adjudante Aline Betton, référente sureté du groupement de gendarmerie des Côtes-d’Armor (GGD22). Nous prodiguons des conseils à deux niveaux, pour réduire les points de vulnérabilité et pour protéger plus fortement des sites jugés sensibles. »
Monter son niveau de sécurisation
Les intrus sont le plus souvent des délinquants de passage réalisant des larcins d’opportunité (matériel, produits agricoles, fuel…). Moins fréquemment des réseaux organisés qui cherchent des produits spécifiques à écouler (GPS, tracteur…). Rarement des personnes malveillantes cherchant à dégrader un site ou à nuire à l’image de l’agriculteur.
La psychologie de l’intrus est assez simple à décrypter : prendre un minimum de risques, agir en un minimum de temps et avoir un maximum de résultat. « En ralentissant et en contrariant l’intrusion, on peut espérer que l’intrus fera demi-tour », assure Aline Betton, qui a bien conscience « qu’il est illusoire de prétendre transformer en une forteresse imprenable une exploitation souvent ouverte à tous les vents. Les sites agricoles sont en général des proies faciles ». Mais rien n’est perdu si on acquiert un certain nombre de réflexes et si on fait l’effort de se protéger au minimum.
Avoir le bon réflexe et s’équiper si besoin
« Pour bien se protéger, il est nécessaire d’acquérir les bonnes pratiques de mise en sécurité et faire en sorte que cela devienne la routine. » Verrouiller ses portes, ne pas déposer les codes ou les clés à proximité, ranger son matériel (ordinateur, outillage électroportatif…) dans un local fermé lui aussi, c’est un objectif facile à atteindre et sans frais. Le référent sureté rappellera tous ces conseils lors de sa visite. « En une heure et demie, il fait le tour de l’exploitation, trouve les points de faiblesse et préconise des solutions. »
Des moyens de dissuasion sont disponibles, de l’assez simple au plus compliqué : panneaux d’avertissement, caméra de chasse cachée ou caméra de vidéosurveillance (bien visible mais inaccessible) reliée à un téléphone, spots lumineux à déclenchement automatique (plutôt que permanent), alarmes sonores à utiliser à bon escient en présence d’animaux stressables.
En amont, Aline Betton préconise aussi de réaliser un inventaire détaillé de son matériel (numéro d’identification individuelle, marques caractéristiques, photos…) bien utile en cas de vol, comme la vidéo l’est pour la « levée de doute » pendant ou après une intrusion.
Ne devant pas filmer le domaine public, les caméras permettent de recueillir des preuves, utilisables au pénal, et de fournir à la Gendarmerie des renseignements précieux. « En revanche, on ne peut pas faire grand-chose contre les drones, souligne Sonia Chalupka, capitaine adjointe au renseignement au GGD22. Leur brouillage est réservé aux forces de l’ordre. Au mieux, il faut nous les signaler si l’agriculteur a la chance d’en voir un, si possible de le photographier. » Avec la cartographie satellitaire accessible sur internet, se cacher derrière de grandes haies est illusoire, voire contreproductif car le voleur peut agir à l’abri des regards. L’officier de renseignement rappelle aussi qu’il vaut mieux rester relativement discret sur les réseaux sociaux. « Pensez aux impacts possibles de vos prises de position, n’exposez pas trop d’informations professionnelles et personnelles. Jouer la discrétion peut être salutaire. »
Signaler les comportements suspects
Souvent seuls au travail, les agriculteurs ne sont pas pour autant isolés. « Étant fréquemment à l’extérieur, ils voient ce que les autres citoyens ne remarquent pas, remarque Sonia Chalupka. Ils savent faire la différence entre des mouvements normaux et des comportements suspects. » Pour l’adjointe au renseignement, ils ne doivent pas hésiter à avertir la gendarmerie, via le 17 ou internet, et à apporter des éléments tangibles. « Il n’est pas interdit de photographier ces activités inhabituelles. Un véhicule ou un individu peut être en repérage dans le secteur et déjà connu de nos services. On arrive à faire des recoupements à partir de détails. »
Au moindre vol, Sonia Chalupka conseille de porter plainte auprès de la gendarmerie. « Il n’est plus nécessaire de venir dans nos bureaux. Nos brigades se rendront sur place pour enregistrer votre plainte et pour constater si besoin. » Là encore, il s’agit de recueillir les faits et des preuves matérielles pour étayer des dossiers vis-à-vis d’éventuels suspects. « Déclarer nous informe aussi sur le type et le niveau de délinquance régnant dans le territoire concerné. » Dernier conseil des gendarmes : « Si vous êtes victime d’une intrusion, ne touchez à rien et préservez la scène pour que nous puissions recueillir des éléments. Si vous devez intervenir pour protéger vos animaux, empruntez un seul chemin. »
Une légitime défense souvent illégitime
Surprendre un intrus en train de filmer ses volailles ou de siphonner son carburant peut vite faire grimper le niveau d’adrénaline et générer une réaction violente. Il ne faut surtout y céder, en pensant invoquer la légitime défense, qui est une exception juridique dans le droit pénal et non la règle.
« La notion est strictement encadrée, précise l’adjudante Aline Betton, référente sureté du GGD22. Ce sera à vous d’apporter la preuve de la légitime défense. » Pour qu’elle soit reconnue, il faut que l’agression vise des personnes et non des biens, et que la réaction de défense ou de protection soit immédiate, nécessaire et proportionnée à l’attaque. Autrement dit, courir après un voleur de poules qui s’enfuit, ce n’est pas de la légitime défense. « Nous déconseillons le port d’une arme, car l’intrus est peut-être armé. Si vous constatez un flagrant délit, appelez le 17 et ne vous approchez pas. »
Nombre mal connu des actes malveillants
Les vols et intrusions en agriculture sont épisodiquement évoqués à travers la médiatisation des exactions d’une association antispéciste, de cas isolés de dégradations (tags, incendie) ou de vols en série, par exemple de GPS. Mais qu’en est-il vraiment ?
Interrogés, ni le ministère de l’Agriculture, ni celui de l’Intérieur n’ont fourni de données récentes sur la nature des vols et intrusions dans le secteur agricole et sur leur importance.
Pourtant, le 17 octobre dernier, un député a cité 16 000 affaires d’atteintes aux biens agricoles en 2022, afin d’étayer sa proposition de loi de faire reconnaître juridiquement le vol de carburant et de matériel agricole ou d’élevage comme une « circonstance aggravante ».
Le fichier des crimes et délits de la police et la gendarmerie – stoppé en octobre 2022 – qui fournit uniquement les « vols simples en exploitations », affiche 5 850 plaintes enregistrées en 2021 (-15 %/2020), en baisse constante depuis 2013 (11 312 plaintes). Il est fort probable que ce nombre est sous-estimé par les sous-déclarations de plaintes.