Cinq scénarios pour la volaille de chair en 2030
Réunis par l’institut UniLaSalle de Beauvais, des acteurs de la filière volaille de chair ont bâti cinq scénarios d’évolution de leur secteur, avec l’objectif de préparer des stratégies spécifiques d’adaptation.
Réunis par l’institut UniLaSalle de Beauvais, des acteurs de la filière volaille de chair ont bâti cinq scénarios d’évolution de leur secteur, avec l’objectif de préparer des stratégies spécifiques d’adaptation.
La filière des volailles de chair a de nombreux défis à relever. Le contexte économique est marqué par l’inflation, l’augmentation des coûts, la baisse de consommation. La filière doit également considérer l’évolution des habitudes alimentaires, les préoccupations sociétales, le changement climatique, la raréfaction des ressources naturelles, les durcissements réglementaires. En interne, la rémunération des éleveurs et de certains acteurs est insuffisante. Le renouvellement générationnel devient une problématique.
Quels scénarios imaginent les acteurs de la filière volailles de chair à l’horizon 2 030 ? Fruit d’une collaboration entre l’institut UniLaSalle de Beauvais et le groupe Avril, la chaire Mutations des filières d’élevages et enjeux sociétaux a planché durant deux ans sur le sujet. « L’objectif était de mieux comprendre les mutations pour anticiper les changements et développer des stratégies adaptatives », expose Jean-Yves Madec, enseignant chercheur à UniLaSalle.
Cinq scénarios ont été retenus à l’issue d’une bibliographie interdisciplinaire, de 38 entretiens d’acteurs et d’ateliers participatifs. Ils sont présentés du plus probable au moins vraisemblable, selon l’avis des acteurs interrogés.
1 La filière est active et diversifiée
Dans ce scénario, la filière investit et les marchés sont diversifiés. Les bassins de production et la segmentation des marchés se maintiennent sur fond de stabilité mondiale. Une communication active dynamise l’installation des jeunes et le renouvellement des éleveurs. La technologie et la montée en compétences profitent à l’installation. « Le nombre d’exploitations augmente et elles conservent leur diversité structurelle. » Les lois Egalim assurent une juste rémunération des éleveurs. À l’aval, les outils d’abattage et de transformation se maintiennent. La France importe des volailles conformes aux standards européens. « Le consommateur trouve une offre diversifiée en termes de qualité et de prix. » Certains sont toujours à la recherche de prix modérés, tandis que d’autres sont vigilants à l’impact de l’élevage intensif sur l’environnement. Les actions en faveur de l’environnement sont concertées avec L’État qui accompagne et finance des projets plus verts, alors que l’Europe impose de nouvelles contraintes de densité et de conditions d’élevage et d’abattage. La filière agit pour la neutralité carbone et le bien-être animal, ce qui crée un lien positif entre consommateurs et éleveurs.
2 Touchée par les crises, la filière volailles régresse
Dans ce scénario plus pessimiste, la filière subit des crises sanitaires récurrentes. L’instabilité géopolitique crée une forte concurrence entre les pays européens. La consommation de viande baisse et les pouvoirs publics soutiennent peu les investissements. En conséquence, le parc bâtiment vieillit et la taille moyenne des ateliers augmente. « Les exploitations se recentrent sur du poulet standard ou intermédiaire au détriment des produits sous signe de qualité (Siqo). » Le cheptel et le nombre d’éleveurs décroissent. Néanmoins, ces derniers investissent dans les innovations technologiques. L’inflation et les tensions géopolitiques font augmenter les coûts de production. « La recherche de compétitivité économique conduit à une uniformisation des modèles de production et à moins de segmentation des marchés. » Les éleveurs ne font plus d’efforts pour l’environnement car « ils ont déjà bien travaillé la question ». Coté sanitaire, les épisodes influenza ne sont plus compensés mais la vaccination est en place. La démédication et la réduction des antibiotiques se poursuivent. L’Europe s’adapte aux demandes sociétales en matière de bien-être animal en faisant évoluer la réglementation sur les conditions d’élevage et d’abattage.
3 Une filière verte, plus segmentée et innovante
Dans ce troisième scénario, le consommateur recherche essentiellement des produits français portés par une communication positive, en reflet des préoccupations sanitaires et environnementales devenues prioritaires pour la filière.
« On trouve moins de produits standards et plus de produits intermédiaires et sous Siqo. » Les conséquences structurelles sont une diminution du nombre d’élevages et de la taille moyenne des bâtiments ainsi que des abattoirs. « L’amont et l’aval investissent dans les innovations. » Les producteurs automatisent les élevages et les mesures de performances ainsi que de bien-être. Cette montée en gamme fait progresser les coûts de production. « L’approche sanitaire est axée sur la prévention. » Le volet environnemental est marqué par une obligation de rénovation des bâtiments, un durcissement des règles d’épandage, l’investissement dans l’énergie verte et les économies d’eau, un lien au sol renforcé.
4 La filière se recentre sur la gamme standard
La filière française régresse sur le marché européen et mondial. Bien que maîtrisée, l’influenza aviaire impacte toujours la filière. Le pouvoir d’achat est en baisse et le consommateur recherche des produits aux prix compétitifs. « Dans ce scénario, une place se dessine pour les substituts des produits animaux. » La production et la consommation chutent, les importations compensent. Ces hypothèses se traduisent par une régression du nombre d’élevages et des abattoirs. Les ateliers restants sont plus grands et se recentrent sur la gamme standard. Les Siqo sont en perte de vitesse. La recherche de compétitivité passe par une uniformisation des modèles et un investissement dans les innovations et technologies. Les pratiques de transport et la densité sont revues pour permettre l’adaptation au changement climatique. Coté réglementation, les éleveurs souhaitent intégrer la PAC pour bénéficier des aides et réclament une meilleure reconnaissance de leurs efforts pour la souveraineté alimentaire.
5 Répondre seulement aux besoins essentiels
Dans ce scénario jugé le moins probable, la souveraineté alimentaire et biosécurité sont les deux priorités du gouvernement. Un pouvoir d’achat en baisse contraint les consommateurs à rechercher des produits moins onéreux. Conséquence, les élevages s’adaptent pour proposer en masse de la viande de volaille à un prix concurrentiel, permettant de nourrir une population croissante. Les ateliers s’agrandissent et se modernisent. « La France se renforce sur le segment standard par l’amélioration technologique. » Les Siqo régressent pour « fournir le poulet du dimanche ». La filière investit fortement dans les innovations pour maîtriser les coûts de production et monte en compétences. Côté environnement, c’est l’aval qui porte les efforts sur les déchets, l’eau, la responsabilité sociale et environnementale (RSE) (1). Régulée, l’influenza aviaire n’impacte pas la filière et les éleveurs sont indemnisés. L’avis des professionnels est mieux considéré dans les évolutions réglementaires. En résumé, « l’État met en œuvre un plan d’action pour nourrir la population ».
Soutenir les installations d’éleveurs
Quels que soient les scénarios imaginés, les acteurs pensent que des campagnes de sensibilisation auprès des jeunes sont nécessaires pour promouvoir les opportunités et les atouts du travail dans le secteur. « Il s’agit de renouveler le parc et les générations », détaille Jean-Yves Madec, enseignant chercheur à UniLaSalle.
Des mesures financières incitatives faciliteraient l’installation des jeunes. Pour accompagner la transition vers une agriculture durable, un encouragement des éleveurs à l’adoption de pratiques résilientes face au changement climatique serait les bienvenus, ainsi qu’un renforcement des incitations financières et des aides. « On pense à l’automatisation, la gestion de l’ambiance dans les bâtiments, aux économies d’eau, à la diminution de la densité. »
En parallèle, les investissements destinés à la recherche et au développement de technologies vertes et de pratiques innovantes doivent être augmentés. À l’autre bout de la chaîne, des campagnes d’informations sur les efforts effectués dans les élevages pourraient encourager les consommateurs à acheter français.