Rentabiliser sa production de vin de France
À Cazaubon, dans le Gers, Sébastien et Serge Tintané cultivent deux parcelles en « vignoble innovant écoresponsable » pour produire du vin de France. Elles ont donné en 2021 leur troisième récolte. Ils apprécient la maîtrise de la qualité et des coûts que cette méthode procure.
À Cazaubon, dans le Gers, Sébastien et Serge Tintané cultivent deux parcelles en « vignoble innovant écoresponsable » pour produire du vin de France. Elles ont donné en 2021 leur troisième récolte. Ils apprécient la maîtrise de la qualité et des coûts que cette méthode procure.
Dans leur exploitation commune, les frères Serge et Sébastien Tintané ont planté 3,30 hectares de colombard et 4,40 hectares de sauvignon en vignoble innovant écoresponsable (VIE). Ils cultivent aussi des céréales sur 52 hectares. Rappelons que le modèle du VIE a été développé par l’IFV avec l’Anivin (interprofession des vins de France) pour dédier des vignes à la production de vins de France, ou vins sans IG. En tant que vice-président de l’Anivin, Serge Tintané est bien informé sur la méthode. S’il a souhaité l’expérimenter lui-même, c’est d’abord parce qu’elle est adaptée à la polyculture pratiquée par son exploitation. « Par la mécanisation, on étale les travaux plus facilement. Les vignes mobilisent potentiellement moins de personnes », explique-t-il. Le mode de production en VIE n’est pas imposé par la coopérative Vivadour, destinataire des raisins récoltés, mais il permet d’atteindre les objectifs qualitatifs du cahier des charges avec de meilleurs coûts et rendements.
Investir au départ pour bien organiser la parcelle
Comme le rappelait la conférence sur les VIE organisée au Sitevi, le 30 novembre 2021, le palissage est un élément clé de réussite. Il doit être adapté à la taille mécanique. Le principe est d’établir un cordon libre sans relevage, situé entre 90 et 110 cm.
« Il y a un gros travail de mise en place. Quand on fait l’investissement, il ne faut pas chercher à économiser. Ça s’amortit sur vingt-cinq ans », confirme Serge Tintané. L’irrigation est un autre pilier de la méthode. Sur les parcelles que nous avons visitées, elle est enterrée. Le simulateur de l’IFV (voir encadré) part sur une base d’un peu plus de 20 000 euros d’investissement à l’hectare pour la plantation.
Pour le matériel, la mutualisation avec les deux autres exploitations familiales permet aux Tintané de limiter les coûts. Les investissements sont amortissables sur le total des 120 hectares de vigne cultivés par la famille, dont 30 hectares sont en VIE. Les deux frères sont équipés pour la pulvérisation face par face et la taille mécanique. En complément, ils adhèrent à une Cuma dont ils utilisent la machine à vendanger et un tracteur viticole.
Une forte technicité mais plus de souplesse
Le VIE exige une forte technicité, notamment au niveau de la taille mécanique. Les intervenants doivent être formés spécialement. Les fermes familiales ont formé un groupement d’employeurs permettant de fidéliser leurs salariés. « L’exploitation seule ne pourrait employer un salarié viticole à l’année », observe Serge Tintané.
Pour lui, la souplesse dans l’organisation du travail permise par la méthode est un atout très important. Ainsi l’absence de travaux de relevage procure plus de facilité pour intervenir du jour au lendemain pour les traitements, sans protocole à anticiper. Un vrai gain de temps.
Caler le rendement sur la qualité demandée
En temps de travail, « l’économie essentielle se réalise sur la taille et la tombée des bois », constate le viticulteur. Les parcelles en VIE nécessitent 73 heures par hectare, y compris le suivi technique alors que celles en conventionnel requièrent 130 heures par hectare. L’économie par hectare est de 910 euros. La pression sanitaire est similaire aux autres vignes.
C’est avant tout du haut rendement que vient la rentabilité de la méthode. « On met en place une approche agronomique et technique sur une parcelle pour aller chercher du volume », définit Serge Tintané.
Sur les trois premières années de récolte, ses parcelles ont produit en moyenne 14 tonnes par hectare. Épargnée par le gel, celle de colombard a atteint 18 tonnes par hectare lors de la dernière vendange. L’objectif est une valorisation autour de 6 500 euros par hectare.
La limite de production, c’est la qualité requise pour répondre au cahier des charges et bénéficier d’un segment de marché porteur capté par un vin de marque. Serge Tintané observe qu’un vin de France peut se vendre plus cher qu’un IGP s’il correspond à un profil recherché.
Un suivi agronomique sur la base de techniques validées
D’où la nécessité d’un suivi agronomique fin pour tenir les objectifs chaque année. « La méthode, ce n’est pas simplement un tableur. Tous les choix font l’objet d’approches techniques validées par l’IFV », apprécie-t-il.
L’exploitation peut aussi compter sur le pôle technique viticole de Vivadour. Il constate que la méthode invite à regarder le pied de vigne autrement. Aujourd’hui, la priorité est le sol. « Il faut trouver la bonne adéquation entre ce qu’on laisse faire à la vigne et le sol », explique le viticulteur.
Les Tintané considèrent aussi que le VIE leur donne une marge de manœuvre pour avancer sur le plan environnemental. Ils s’interrogent sur un non-travail du sol et, à terme, sur la suppression de l’unique passage de désherbage.
La mécanisation et le recours aux outils d’aide à la décision (OAD) ne remplacent pas l’observation. Cette année, les exploitants ont ainsi déclenché l’irrigation sur un secteur en observant la nature environnant la parcelle, alors que leur outil ne signalait pas de stress hydrique. « Si la vigne est en stress, elle perd ses précurseurs aromatiques. Or nous avons fait le choix d’être sur des blancs de bouche », relève Serge Tintané. Ce côté aromatique est majeur dans la qualité requise pour bien valoriser la production.
Un simulateur pour cadrer les coûts
Le but des VIE est d’assurer une production stable en quantité, qualité et prix répondant à une demande de metteurs en marché, et qui soit aussi rentable et durable. Pour évaluer la performance économique, l’IFV a créé un simulateur reposant sur plus de 40 indicateurs, accessible sur le site vignevin-occitanie.com. Le rendement moyen visé sur la totalité du temps de production est de 15 tonnes par hectare. Les références présentées se basent sur un coût d’entretien annuel pour une exploitation de 30 hectares plantée à 4 000 pieds/ha, un coût de main-d’œuvre estimé à 15 euros de l’heure et à 20 euros de l’heure selon la qualification. Les coûts sont rapportés à la durée de vie de la parcelle.
repères
SCEA MEGNON
localisation Cazaubon (Gers)
surface 7,7 hectares
cépages sauvignon, colombard
commercialisation coopérative
dénomination vin de France
emploi adhésion à un groupement d’employeurs gérant la main-d’œuvre permanente de 6 salariés dont 2 tractoristes