Les roches volcaniques font éruption dans les vignes
Certaines roches volcaniques sont plébiscitées pour leur pouvoir rétenteur. Elles commencent peu à peu à être utilisées en vigne, afin de restructurer les sols ou encore de déshydrater les pathogènes fongiques.
Certaines roches volcaniques sont plébiscitées pour leur pouvoir rétenteur. Elles commencent peu à peu à être utilisées en vigne, afin de restructurer les sols ou encore de déshydrater les pathogènes fongiques.
Basalte, pouzzolane, zéolite. Ces trois roches ont pour point commun leur origine volcanique. Et d’être utilisées en viticulture, pour leurs propriétés bien particulières. « On peut dire que ça agit comme des sortes d’éponges », analyse Nicola Fagotto, consultant viticole en Gironde. Il a commencé à utiliser de tels substrats il y a une dizaine d’années, alors qu’il travaillait pour les vignobles Comtes von Neipperg, à Saint-Émilion. Son but était de régénérer les sols, « reconstruire la maison » pour accueillir les microorganismes, en particulier sur les terrains sableux. « J’étais face à des parcelles qui avaient été beaucoup désherbées chimiquement et contenaient très peu de matière organique, environ 0,5 %. Ce à quoi il fallait ajouter un complexe argilo-humique naturellement peu développé, relate-t-il. Les roches volcaniques comme le basalte, qui sont poreuses, ont pour vocation de capter l’eau, les substances minérales et faire office d’hôtes. »
Ce sont d’ailleurs les effets que recherchent la plupart des viticulteurs utilisateurs. Paul Jardin travaille pour la société Biovitis, qui commercialise du basalte, et remarque que l’emploi de ce produit se développe avec la montée en puissance des problèmes de sécheresse. Pour lui, le principal atout vient de son action sur la structuration du sol. « Nous le préconisons pour des sols sableux en complément de l’offre organique, ou bien sur des sols très argileux pour jouer sur l’effet de décompaction et ainsi les aérer », note le commercial. Si Nicola Fagotto est réservé sur l’intérêt en terres argileuses, tous deux sont unanimes pour dire que l’utilisation de telles roches est inutile sur des sols bien structurés. « Se lancer dans l’emploi de roches volcaniques pour ses vignes mérite donc la pose d’un diagnostic initial. Il ne s’agit pas de mettre ça à l’aveuglette et dans toutes les situations », avertit le consultant girondin.
Une à deux tonnes de basalte par hectare à épandre
L’effet structurant n’est pas le seul apporté par ces roches. Arrivant des entrailles de la terre, elles sont chargées de nombreux éléments minéraux comme la magnésie, la potasse, le fer ou la silice. Paul Jardin intègre le basalte dans des plans de fumure, à raison d’une ou deux tonnes par hectare, en fonction des besoins en éléments. « Chez Biovitis nous conseillons plutôt de l’épandre à part, en solo, précise-t-il. Mais il est possible de le coupler avec du compost. » C’est ce que fait généralement Nicola Fagotto : il l’intègre à hauteur de 10 %, dès le début du processus de compostage pour que le tout soit homogène. Et utilise ce substrat mixte à hauteur de cinq tonnes par hectare s’il s’agit d’une fumure d’entretien ou dix tonnes par hectare pour un apport. Le consultant travaille avec du basalte d’une granulométrie d’environ 0,3 mm. C’est l’ordre de grandeur que propose Biovitis également. « Ça ressemble à quelque chose entre le sable et le gravier », commente Paul Jardin. Pour l’épandre, tout type de matériel fait l’affaire. C’est toutefois une matière abrasive, et qui peut se prendre en masse avec l’humidité.
« Le point fort de ces minéraux c’est leur prix, et le fait d’avoir une filière française », pointe le commercial de Biovitis. Il faut compter environ 100 euros la tonne pour du basalte, et 20 euros la tonne (hors transport, compris entre 10 et 30 €/t) pour de la pouzzolane, à laquelle on prête moins de propriétés magnétiques. « Je vois dans ces roches un outil intéressant et abordable dans le cadre l’une démarche agroécologique, estime Nicola Fagotto. Elles sont à intégrer dans un processus global, qui donne des résultats notables et amène à plus de résilience. Car sur un sol qui fonctionne correctement, les vignes sont moins malades et réagissent mieux face aux stress que sont le gel, la grêle ou la sécheresse. »
Des zéolites en pralinage de racine et en pulvérisation foliaire
Du côté de Solého environnement, spécialiste de la zéolite, Michel Cosentino conseille lui aussi l’emploi de cette roche pour la restructuration des sols par l’augmentation du complexe argilo-humique, et même pour le captage de métaux. « À la dose de 100 grammes par pied en pralinage à la plantation, ou de 4 à 6 tonnes par hectare sur des vignes en place », précise le gérant. Mais l’entreprise mosellane propose ses zéolites naturelles, des clinoptilolites activées et micronisées à 10 µm, pour de nombreuses autres applications à la vigne. Dans la lutte fongique en traitement foliaire (voir Réussir Vigne n°296, page 19) par exemple, du fait de leur effet asséchant. Mais aussi pour atténuer les effets du gel de printemps. « En 2021, nous avons observé des résultats intéressants sur un domaine bourguignon, assure Michel Cosentino. La zéolite crée une petite couche qui fait tampon, et elle capte l’eau au dégel, ce qui limite l’impact. »
Ce minéral est davantage utilisé en Italie. Les chercheurs de l’institut agronomique national viennent notamment d’achever le projet Zeowine, au cours duquel ils ont constaté les effets bénéfiques d’un mélange de zéolite et de compost d’origine viticole sur le stress hydrique. Les viticulteurs italiens ont également à disposition un produit nommé « farine de basalte » (granulométrie inférieure à 30 µm), utilisable en foliaire pour la nutrition et la protection de la vigne. Les études scientifiques menées dans le pays font état d’une « action mécanique contre les agents pathogènes » et d’une capacité à « déshydrater les parasites ». Aucune recherche en France ne vient encore, malheureusement, étayer les rares résultats outre-alpins.
Stéphane Dubrulle, chef de culture au château Poujeaux, en Gironde
« J’observe des effets plutôt positifs avec le basalte »
« Mon prédécesseur utilisait ponctuellement le basalte dans les vignes depuis plus de vingt ans, et je poursuis, principalement sur les sols sableux. Je recherche d’une part un effet d’amendement magnésien mais également, grâce à sa porosité, à donner de la CEC à des sols trop filtrants. C’est une forme de poudre, que l’on épand avec notre Fischbach à bande sur une partie du parcellaire tous les ans. La campagne dernière nous avons épandu 24 tonnes à une tonne par hectare, soit 24 hectares sur les 72 que compte la propriété. Je suis plutôt adepte des petits apports. Pour une raison budgétaire, mais aussi pour ne pas entraîner de changement brutal à la vigne. Je n’ai pas vu d’effet négatif, et sur certains terroirs j’ai l’impression que cela porte ses fruits. Mais je parlerais plus volontiers de tendance que d’un effet marqué. Et il faut mettre cela en perspective avec le reste de nos actions pour préserver le sol, comme le semis de couverts végétaux. »